Lors du forum de Bamako qui s’est tenu du 18 au 20 mai à Bamako et qui avait pour thème : développement local au service de la paix et la sécurité, Dr. Ousmane Sy a animé un panel. Au cours du panel, le prix international Roi Baudouin pour le développement, a fait la genèse de la décentralisation au Mali, établi les enjeux et dégagé les perspectives afin d’en venir à une bonne gouvernance locale pour la paix et la sécurité par le développement.
L’Administration par rapport aux diversités.
Pour l’ancien ministre de la Décentralisation, Dr. Ousmane Sy, le contexte dans lequel nous sommes, en matière d’administration et de gouvernance, le choix que nous avons fait, a tellement privilégié l’échelle nationale qu’il est difficile de parler des autres gestions du territoire. Jusqu’au point où la pluralité de l’échelle du territoire a été mise en berne. Il s’agit pour lui, de la question fondamentale de la diversité. Parce que la gouvernance du territoire, à en croire à Dr. Sy, commande d’accepter d’abord, la diversité des territoires et aussi des groupes humains, qui sont pour lui, une caractéristique fondamentale de notre pays et de tous les pays du Sahel.
« La question de la diversité rentre au cœur de la gouvernance du territoire. La reconnaissance de la spécificité des groupes humains et des territoires. Le cas du Mali, Sikasso ne ressemble pas à Kidal. C’est une réalité. Cette question de reconnaissance de spécificité est une obligation quand on veut gouverner le territoire. Il y a aussi toute la question de tradition et de la coutume liée au territoire. Ces traditions elles sont plurielles et en fonction des territoires. Nous avons du mal à prendre ça or ce sont des exigences du point de vue de la gouvernance adéquate des territoires », a rappelé Dr. Sy.
Gestion verticale et non horizontale
L’une des erreurs commises, selon Dr. Ousmane Sy, nous avons préféré une gestion verticale et non horizontale du territoire qu’une gestion horizontale. A ses dires, cela a créé des incohérences dans la gestion publique des territoires. Ces incohérences ont fait que même mis en œuvre, le développement du territoire pose problème. Parce que la prise en compte de la dimension territoire se révèle très complexe.
Nos programmes de développement, les approches sont essentiellement sectorielles. On détermine les objectifs, les résultats, les stratégies par grands secteurs. Cette vision sectorielle du territoire doit être croisée avec une vision territoriale. Le développement du territoire exige du cousus sur mesure mais pas du prêt à porter. C’est une image qui montre bien que la gouvernance, il faut vraiment pour répondre aux préoccupations du territoire et de ses acteurs, il faut faire du cousus sur mesure, a-t-il fait savoir.
Triangle de prospérité (Mopti-Bamako-Sikasso)
L’ancien ministre révélé que depuis l’indépendance, tout l’effort de développement qui a été fait dans ce pays jusqu’en 1996, a créé ce que nous avons appelé à l’époque un « triangle de prospérité ». Et ce triangle de prospérité, avait Mopti comme sommet, Bamako et Sikasso. « Sans faire exprès, tout l’effort de développement a été investi dans ces territoires. Parce que simplement la dimension territoriale, n’avait pas été suffisamment prise en compte. Jusqu’à présent d’ailleurs la question d’aménagement du territoire n’a pas été complétement réglée dans notre pays ». Dit-il.
L’enjeu démographique
Dans son développement, Dr. Sy a fait savoir que « si nous voulons retourner aux territoires, le premier grand défi, c’est la question démographique qui parait non maitrisable dans notre pays. Pour retrouver les réponses à la question démographique, il faut qu’on aille sur le territoire. C’est là où les questions de taux de natalité et tout, même la question de la croissance du développement pour répondre au nombre de personnes qu’on a, c’est là où on peut miser. Si on veut répondre à la question de la maitrise du poids démographique, il faut aller sur le territoire. La dégradation de l’environnement, les réponses surtout sur les territoires, la mobilité et sa gestion. Tout est mobile aujourd’hui. L’insécurité, l’élément nouveau dans ce problème d’insécurité, nous devrons faire face à une insécurité. Or nous n’avons pas d’instrument pour gérer cet élément nouveau. Parce que l’insécurité de proximité se gère dans la proximité. Ce n’est pas une police nationale déconcentrée qui pourra répondre à ça. Il faut aller vers des postes de polices au niveau local qui connaissent les communautés et le territoire. Donc une réponse à la question d’insécurité aussi se trouve sur le territoire. Les services sociaux de bases (santé, éducation et services sociaux de base) ».
Les solutions :
Pour une gouvernance de territoire adéquat, il vaut mieux connaitre le territoire, les enjeux locaux et les acteurs qui y vivent. Malheureusement, le dispositif administratif et politique au Mali est qu’aujourd’hui, nous avons une très mauvaise connaissance du territoire. Les monographies des territoires à l’époque même coloniales, ceux qui agissent dans l’action de gestion du territoire connaissent très peu le territoire. La connaissance du territoire et des acteurs qui sont sur le territoire sont indispensables si on veut bien développer le territoire.
Il faut penser et agir avec des acteurs d’un territoire et non de se substituer à ces acteurs de ce territoire. Aujourd’hui, on a tendance à se substituer beaucoup plus à ces acteurs de territoire plutôt que de penser déjà et d’agir avec ces acteurs.
Il faut mettre en dialogue les diversités humaines et les diversités de territoire. C’est une question très importante. Aujourd’hui, on peut difficilement régler une question au niveau d’une commune sans savoir ce qui se passe au niveau de la région, sans savoir ce qui ce se passe au niveau national, souvent même au niveau mondial. Grâce à la facilité de la communication. On est citoyen du monde et même inconsciemment.
« On n’administre pas, on ne gouverne pas un citoyen des années 50 comme on veut administrer aujourd’hui un citoyen des années 2020. Il faut changer les modalités, il faut changer les façons de faire. Il faut changer les approches », a-t-il fait remarquer.
L’urgence du changement
Il faut avoir la capacité de rentrer en dialogue, l’entrée en négociation pour trouver des compromis. Parce que les acteurs que nous avons aujourd’hui, sur le territoire sont dotés d’instruments qui font qu’ils ne sont plus obéissants comme étaient leurs pères ou grands-pères ou leurs arrière-grands-pères. Donc cela pose des enjeux énormes. Il faut refonder et la refondation doit commencer à partir des territoires et des acteurs locaux. Si on décide de repenser tout le dispositif politique et administratif, il faut partir des territoires locaux. Cela nous permettre d’avoir une vue du pays, de bas en bas en haut et non de haut en bas.
Ça fait longtemps que les acteurs locaux tapent à la porte. Si on n’ouvre pas la porte du changement, ils vont la casser. Il faut chercher les germes du changement. Tous ceux qui étaient soumis, ne sont plus. Chacun veut le changement.
Koureichy Cissé
Je suis étonné que Ousmane Sy parle de diversité humaine dans les territoires. Il est un des acteurs qui a tué cette diversité dans les régions en faisant créer les nouvelles régions tout en ignorant que la diversité des hommes dans une région est très importante pour son développement et sa stabilité. La multiplication des régions selon des ethnies en général, conduit à une compétition sauvage, égoïste; chacun disant mon ethnie. Dans les anciennes régions, cette diversité contribuait à un mieux vivre, une bonne stabilité du territoire donné à cause de son brassage ethnique. La multiplication des regions a été faite sans une étude sans une analyse participative des populations rurales, sans analyse des conséquences financières/économiques et sociales; cela est valable pour tout le système de la décentralisation qui peine à se mettre debout ( des communes de nom, sans ressources financières, sans accompagnement etc. )
Comments are closed.