Au fur et à mesure que la tenue du dialogue politique inclusif se précise, la crise de confiance s’accentue entre les couches de la population et les gouvernants. Et cela malgré l’assurance d’un débat sans tabou donnée par les organisateurs du dialogue.
Toutes les tentatives et initiatives mises en œuvre par les personnalités choisies pour conduire le dialogue peinent à dissiper le doute sur la volonté du gouvernement de vouloir légitimer ces projets et programmes à travers le futur dialogue politique inclusif. La montagne accouchera-t-elle d’une souris ? Au regard de l’hésitation de nombreux potentiels participants et du peu d’intérêt du citoyen ordinaire, la perspective d’une participation à hauteur de souhait reste un défi. Plusieurs états-majors de partis politiques de l’opposition ainsi que de nombreuses associations et leaders d’opinion n’ont jusqu’ici donné que leur accord de principes assorti de condition. Ils mettent en cause le choix des termes de références du dialogue politique par le président de la République Ibrahim Boubacar Kéita et souhaitent que la question de la souveraineté du dit dialogue soit tranchée définitivement.
Malgré la courtoisie dont les facilitateurs font l’objet lors de leurs rencontres successives avec les couches de la population, la méfiance reste toujours de mise et les lignes intactes. En définissant les règles du jeu à l’avance, le président de la République a refroidi les ardeurs. Comment peut-on réduire un dialogue appelé de tous les vœux à une question de révision de la constitution, certes « importante » cependant loin des préoccupations prioritaires du moment. Aujourd’hui, les Maliens ont beaucoup de choses à se dire sur l’état de la nation. Tout dialogue qui occulterait la mauvaise gouvernance et l’effritement de l’autorité de l’Etat ne serait que perte de temps et d’énergie, selon une bonne partie de l’opinion nationale et l’avis du citoyen ordinaire à l’image de bon nombre interrogé. Le contraste entre le discours présidentiel et celui tenu par les facilitateurs qui prêchent un dialogue sans tabou, constitue une menace sur le caractère inclusif souhaité par les uns et les autres. Le futur dialogue politique inclusif ne sera-t-il qu’un espace de défoulement dédié aux partisans du président ou le symbole d’un Mali uni pour une même cause ? Au point où en est, toute conclusion ne serait que prématurée. En mettant en contribution leur compétence et leur grande expérience, les trois facilitateurs disposent suffisamment de ressources pour concilier les approches et dissiper les malentendus. Pour préserver le caractère inclusif du dialogue politique et assurer le succès de son organisation, les facilitateurs doivent affirmer leur indépendance aussi bien vis-à-vis de leur employeur et des réticents pour faire le choix de ce qui est bon pour le Mali sans état d’âme.
Bouba Sankaré