Désignés comme instigateurs de la dépravation des mœurs à travers la création de bars et restaurants dans la capitale, les investisseurs chinois sont montrés du doigt.
Les raisons d’une stigmatisation qui ne dit pas son nom
Depuis une vingtaine d’années, le paysage hôtelier du Mali s’est particulièrement enrichi.
La libéralisation du domaine de l’hôtellerie et du tourisme a largement favorisé la création de bars-restaurants, auberges et autres motels.
A chaque coin de rue, on "tombe" sur une plaque qui indique un établissement offrant un gîte ou un couvert.
Cette « prolifération » semble irréversible, mais la principale difficulté est ce qu’elle peut engendrer ou engendre déjà comme conséquence.
Aujourd’hui, le secteur est accusé de favoriser la dégradation de nos mœurs.
Et dans le lot de ces multiples endroits, ceux montrés du doigt sont les enseignes chinoises.
En effet, chaque quartier de Bamako dispose d’au moins un « hôtel chinois ».
Quel que soit le nom qu’ils portent, ces lieux sont souvent des maisons à la réputation sulfureuse. « Ce sont tous des hôtels de passe » nous dit un riverain d’un établissement sis au quartier Golf de Bamako. « Les gens y vont pour faire des choses inavouables » ajoute-t-il.
Si la prostitution et les abus d’alcool sont des faits quasi normaux dans ces endroits, est-ce cependant aux chinois qu’il faut jeter la pierre ?
Il faut faire la part des choses.
Selon les statistiques de l’Office Malien du Tourisme et de l’Hôtellerie, sur les 330 hôtels et près de 300 bars restaurants, pâtisseries et boîtes de nuit que compte le District, les opérateurs chinois n’en détiennent que 60 hôtels agréés.
« Pourquoi alors, s’acharner contre nos amis chinois ?
Quoi qu’on dise, ils contribuent avec beaucoup de mérite dans le développement socio-économique de notre pays… ».
L’auteur de ces propos n’est autre que l’actuel DG de l’Office malien du tourisme et de l’hôtellerie (Omatho), M. Oumar Balla Touré qui précise que leurs bars emploient des milliers de maliens.
Une mauvaise perception des « investisseurs chinois »
La perception de certains maliens par rapport à la prolifération des bars dans les quartiers a toujours été négative, même si dans les faits, ces endroits sont principalement tenus par des Maliens qui y gèrent leurs « petites affaires nocturnes ».
Et, selon ceux qui réclament leur fermeture, les Bars ont grandement contribué à la dépravation des mœurs, surtout du fait que ce qui s’y passe échappe à tout contrôle de nos autorités.
Le DG de l’Omatho le confirme d’ailleurs. Selon lui, sa structure enregistre, de temps à autre, des plaintes relatives à l’implantation des bars dans les quartiers. Et, ces plaintes qui émanent surtout de structures et organisations musulmanes sont fondées sur des mobiles comme les tapages nocturnes, abus sexuels, détention et consommation de stupéfiants, attentats à la pudeur… et autres.
« Les services techniques que sont l’Omatho et la Brigade des mœurs ont décidé de la fermeture, sinon de la suspension de bars, chaque fois que ceux-ci contreviennent aux normes réglementaires édictées en la matière. Après l’introduction des plaintes demandant la fermeture d’un bar, l’Omatho diligente une enquête sur le lieu concerné pour s’enquérir de la véracité des faits dénoncés », nous signale le DG de l’Omatho pour qui, sur 100 cas dénoncés , seulement 1 ou 2 ne respectent pas la législation. Ce qui signifie que les raisons avancées par les plaignants sont pour la plupart infondées. En ce qui concerne la Brigade des mœurs, cette dernière n’intervient que quand un problème de mœurs est signalé. L’Omatho, pour sa part, a la charge de faire respecter la réglementation. Et, toutes les fois où les règles ont été violées, la structure procède par le retrait pur et simple de l’agrément. C’est pourquoi certains endroits, comme Badalabougou Est, ont été fermés.
Conscient que le tourisme représente un pan important de l’économie malienne, le DG de l’Omatho regrette aussi, que le fait que le secteur de l’hôtellerie indispensable à cette activité souffre aujourd’hui de l’intolérance de certains maliens et particulièrement des religieux.
« Quoi qu’on dise, le secteur offre de l’emploi à un personnel local. Mieux, ce sont des entreprises qui s’acquittent du payement des taxes (municipale et touristique), ainsi que l’impôt » conclura-t-il.
David Dembélé