Après sa première audience publique en 2019, la Coordination Vérité Justice et Réconciliation a entendu 12 victimes à travers leurs témoignages ce samedi au Centre International de Conférences de Bamako (CICB). Cette cérémonie s’est tenue sous la présidence du Premier ministre de la transition, M. Moctar Ouane et en présence entre autres, du ministre de la Réconciliation nationale, le Colonel major Ismael Wagué, du président de la CVJR, M. Ousmane Oumarou Sidibé, des représentants des associations de droit de l’Homme, des représentants des associations des victimes et plusieurs autres personnalités. Cette deuxième audience publique a comme thème : les atteintes au droit à la vie, tortures et autres traitements cruels inhumains ou dégradables.
Les douze victimes de cette deuxième audience sont de Mopti, Tombouctou, GAO, Ségou, Kidal et Bamako.
En effet, après la première audience publique organisée en 2019 sur la privation du droit à la liberté, les détentions arbitraires, les enlèvements et séquestrations, cette audience publique a concerné les victimes des différentes violences perpétrées, aux dégradations, aux crimes commis sur les personnes et leurs biens dans le pays. Parmi elles, des victimes de l’attaque rebelle à Bamba où il y a eu plus de 100 morts, le massacre au village de Kelsouk, à côté de Gao en 1991-1992, ainsi que d’autres villages, tels que Ogossagou, Sobané-da, Tonko et d’Edelle. Les victimes, il faut le signaler, ne sont pas choisies par hasard. Il s’agit des personnes qui sont dans la base de données de la CVJR, aptes à venir témoigner, sans défaillance psychologique et qui peuvent être après, non inquiétés sur la préservation de leur sécurité.
A rappeler que la CVJR a été créée pour contribuer à l’instauration d’une paix durable à travers la justice, la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité nationale et des valeurs démocratiques. Son mandat couvre tous les évènements des différentes crises, les rebellions et les coups d’Etat que le Mali a connu depuis 1960. Elle est selon son président M. Ousmane Oumarou Sidibé, chargée d’établir la vérité sur les violations graves des droits humains, faire des enquêtes judiciaires pour situer l’étendu des responsabilités des groupes armés ou des institutions, et proposer des mesures de réparation, des restaurations sociales et des réconciliations. La CVJR place les victimes au centre de son travail et porte leur voix. Selon M. Sidibé, sa structure n’est pas un tribunal, elle ne juge pas les auteurs des violations graves de droit de l’Homme. « Les victimes peuvent toujours saisir les tribunaux pour obtenir justice même si elles ont fait leur déposition à une antenne de CVJR », a signalé le président Ousmane O Sidibé. Toujours selon le président de la CVJR, les témoignages ne visent ni à accuser tel et tel régime, ni certaines corporations, ni certains corps de l’Etat, ni même des groupes armés. Quand à la représentante des victimes, Mme Fatoumata Touré, elle dira que, la CVJR ne donne pas seulement une tribune pour parler de ce qui fait mal, elle offre l’occasion aux victimes de soigner des blessures visibles et invisibles qui sont plus douloureuses que les circonstances dans lesquelles elles ont été survenues. Et de demander aux différentes communautés meurtries, aux populations déplacées, aux réfugiés de garder toujours espoir même si l’ennemi est toujours présent. Elle les invite à se donner la main, de s’unir pour combattre l’ennemi commun qui n’est selon elle, autre que le terrorisme. Mais à se dire la vérité entre frères et sœurs pour que le pardon et la réconciliation, donc des réalités tangibles dans notre pays. « Nous sommes favorables au pardon mais pas au prix de l’impunité » a rassuré la représentante des victimes.
Rappelant que la paix et la réconciliation sont au cœur des priorités de la transition, le Premier ministre Moctar Ouane, a dans son intervention condamné fermement les assassinats, meurtres, tortures, traitements inhumains et dégradants qui se déroulent dans notre pays à l’occurrence dans les régions du nord et du centre. C’est pourquoi dit-il, mon gouvernement s’est engagé à procéder à un recentrage de la centrale sécurité sur la protection des civiles permettant ainsi d’orienter plus efficacement les ressources et les énergies vers la sécurisation des personnes en première ligne et les plus directement affectées par la violence et l’insécurité. Reconnaissant les défis à relever et le devoir de protection des gouvernants envers le peuple, il dira, qu’il faut aussi admettre que le pardon demeure une valeur cardinale de notre société, un socle sur lequel nous devons bâtir la réconciliation nationale. « Nous devons reconstruire notre vivre ensemble sur la base de la vérité et de la justice qui ne doivent effrayer personne » a précisé le PM Ouane. Avant d’assurer l’assistance, de l’engagement du gouvernement, de redonner unité aux victimes et créer les conditions d’une réconciliation durable.
Le gouvernement à travers son Premier ministre dit attendre de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, des recommandations fortes pour que l’ensemble de nos diversités puissent construire ensemble, un avenir commun, débarrassé de tout préjugé car, dit-il, reconstruire la cohabitation communautaire doit-être aujourd’hui un objectif partagé par l’ensemble des forces politiques et sociales, particulièrement la jeunesse qui demeure la franche la plus dynamique de notre nation. Et de saluer le courage des victimes qui selon lui, ont bien voulu partager leur souffrance et réclamation dans un esprit de générosité, de pardon et de réconciliation.
A noter que lors de la séance de cette audience publique, le jury a recueilli les témoignages des 12 victimes sur la liste. Un exercice émouvant, mais curatif, qui a permis aux victimes de raconter à leur guise et manière les épreuves vécues par elles. L’émotion était à son comble.
Par Maïmouna Sidibé