Détenue à la prison de bollé, Mme Bouaré Fily sissoko écrit au président Assimi Goïta : “Je continuerai à user de tous les moyens légaux pour en sortir blanchie de tout soupçon”

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“J’avais placé tout mon espoir en la procédure en cours. Malheureusement, le temps que prennent les choses me préoccupe”

Détenue à la prison de Bollé depuis une année dans le cadre de l’affaire “Avion Présidentiel” et du “protocole d’achat d’équipements militaires entre le ministère de la Défense et la société Guo Star”, l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko vient d’écrire le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta et aux présidents des différentes institutions pour exposer son cas. “Je voudrais à cet égard exprimer ma reconnaissance aux juges la chambre d’instruction d’avoir fait diligence pour m’écouter sur le fond au cours des différentes auditions intervenues. A ce titre, il faudrait que nos concitoyens gardent à l’esprit, qu’une chambre d’instruction a vocation à instruire les dossiers à charge et à décharge et que par conséquent, la présomption d’innocence devrait prévaloir pour tout inculpé, quelles que soient les rancœurs des uns et des autres à son égard. Je regrette que l’institution judiciaire ne mette pas souvent l’accent sur cet aspect. Jetant de fait, en pâture des citoyens dont la culpabilité reste à être prouvée”, souligne Bouaré Fily.

Monsieur le Président,

Voici un an jour pour jour que j’ai été placée en détention provisoire, à propos des dossiers dits de “l’avion présidentiel” et du “protocole d’achat d’équipements militaires entre le ministère de le Défense et la société Guo Star SARL”. Par respect pour la justice de mon pays et au regard de ma quête constante de vérité sur ces dossiers depuis 2015, j’avais espéré voir cette procédure arriver à son terme dans un délai raisonnable, conformément aux attentes de nos concitoyens en matière de reddition des comptes.

Cependant, force est de constater que l’attente se prolonge sans raisons objectives évidentes ; puisque les rapports d’audit de la Cour suprême et du Bureau du Vérificateur général sont disponibles ; ainsi que les procès-verbaux d’enquêtes préliminaires, dont la première me concernant a été établie par le Pôle économique en 2015, suite à la correspondance que j’avais adressée au ministre de la Justice de l’époque et enregistrée à son secrétariat particulier sous le n°0170 du 20 mai 2015.

J’ai par la suite versé au dossier toutes les pièces administratives et comptables ayant sous-tendues lesdites transactions. C’est pour cette raison que j’ai décidé de vous adresser la présente lettre ouverte.

Monsieur le Président, en vérité bien que les formes de mon interpellation et celle du Premier ministre “Feu Soumeylou Boubèye Maïga” sur l’âme duquel je m’incline pieusement, aient été déconcertantes, nous avions espéré avoir une fois pour toutes l’occasion de livrer notre part de vérité. Malheureusement, concernant le Premier ministre, Allah, le Maître des deux Mondes, en a décidé autrement.Pour ma part, je continuerai à user de tous les moyens légaux pour en sortir blanchie de tout soupçon In Shaa Allah. Je voudrais à cet égard exprimer ma reconnaissance aux juges la chambre d’instruction d’avoir fait diligence pour m’écouter sur le fond au cours des différentes auditions intervenues. A ce titre, il faudrait que nos concitoyens gardent à l’esprit, qu’une chambre d’instruction a vocation à instruire les dossiers à charge et à décharge et que par conséquent, la présomption d’innocence devrait prévaloir pour tout inculpé, quelles que soient les rancœurs des uns et des autres à son égard. Je regrette que l’institution judiciaire ne mette pas souvent l’accent sur cet aspect. Jetant de fait, en pâture des citoyens dont la culpabilité reste à être prouvée.

Monsieur le Président, depuis 2015 je n’ai eu de cesse à demander que le droit soit dit dans ces dossiers, afin que mes enfants et tous ceux qui tiennent à moi, puissent toujours marcher la tête haute dans ce pays. C’est ainsi que la lettre adressée au ministre de la Justice, que j’ai citée plus haut a été suivie d’une lettre au président de la République dont copie jointe à la présente.

Par la suite, quand en 2020 le ministre Malick Coulibaly a décidé de rouvrir ces dossiers, je me suis fait le devoir de lui signifier mon entière disponibilité à comparaitre à tout moment malgré, l’immunité dont je jouissais à cette période, du fait de mes fonctions de Commissaire à l’Uémoa.

Je me permets à cet égard, de joindre à la présente ma lettre et la réponse du ministre Coulibaly, sous le n°075-MJDH-SG du 18 mars 2020. Après la mise en place du Conseil national de Transition, quand j’ai ouïe dire qu’un collectif de conseillers du CNT se proposait de se saisir desdits dossiers, j’ai demandé à rencontrer le Président du CNT à l’occasion d’une de mes visites à Bamako. Cela n’a pas pu être. Cependant, j’ai finalement été reçue en audience par le Président du CNT, à ma demande, suite à mon retour au Mali, mon mandat de Commissaire ayant pris fin.

Vous me permettrez de lui témoigner ici ma profonde gratitude pour l’accueil qu’il m’a réservé. Par la même occasion, j’ai exprimé au Président du CNT ma totale disponibilité à répondre à toute sollicitation de ce collectif de conseillers CNT. Je lui ai par ailleurs renouvelé mon engagement à vouloir continuer à servir mon pays à chaque fois que de besoin, notamment en cette période de mutations administratives, économiques et politiques profondes. C’est pour toutes ces raisons que, mon placement puis, mon maintien en détention provisoire depuis un an me paraît difficile à comprendre.

Monsieur le Président, en votre qualité de Magistrat suprême de la République, je m’en voudrais de ne pas saisir cette occasion, pour vous exposer la détresse de certaines de mes co-pensionnaires de la prison de Bolé. Il s’agit spécialement des jeunes filles placées en détention provisoire pour infanticide, dont certaines attendent depuis plus de deux ans d’être présentées à un juge d’instruction. Sans pour autant cautionner de tels actes, il conviendrait de prendre en compte leur détresse, au regard du poids moral que cela représente pour elles. C’est pour cette raison qu’à mon humble avis, leur situation mériterait une attention particulière de votre part, tant il est vrai que la plupart d’entre elles n’ont personne pour se battre pour elles afin que les procédures judiciaires les concernant soient diligentées.

Concernant mes co-pensionnaires qui purgent des peines, je voudrais porter à votre haute attention qu’elles attendent depuis plus d’une année, la traditionnelle grâce présidentielle, chacune espérant pouvoir en bénéficier.

Monsieur le Président, vous me permettrez de rendre hommage à l’administration pénitentiaire et plus spécialement au personnel officiant à Bolé, pour leur professionnalisme et leur don de soi, qui contribuent fort heureusement, à alléger la pesanteur de l’univers carcéral sur les détenus, pour autant que ces derniers respectent les règles prescrites.

Monsieur le Président pour revenir à mon parcours ; formée à l’école malienne jusqu’à la maîtrise et sur financement public, j’ai eu à gravir, à la sueur de mon front tous les échelons de l’administration, de chef de section aux plus hautes fonctions de la sphère de décision de l’action publique. C’est ainsi qu’en trente-huit ans de carrière dont douze dans la fonction publique internationale, je me suis toujours évertuée à mériter de la confiance de mes concitoyens ; en mettant la transparence et l’obligation de réédition des comptes au cœur de mes actions.

Mes déclarations de biens de 2000 à 2015, toujours déposées dans les délais, comme en attestent les différents récépissés de la Cour suprême dont copies jointes à la présente. Cet état d’esprit a rendu les suspicions et supputations autour de ces dossiers insupportables pour ma personne. C’est pourquoi j’avais placé tout mon espoir en la procédure en cours. Malheureusement, le temps que prennent les choses me préoccupe au plus haut niveau, notamment au regard de mon âge et de l’espérance de vie très limitée dans nos pays.

Monsieur le Président, au regard de tout ce qui précède, je voudrais pouvoir compter sur votre sens élevé de l’équité et de la justice et en raison de votre statut de recours ultime pour tout citoyen dans le désarroi, pour espérer que cette procédure puisse connaître un dénouement rapide, afin que je puisse rejoindre ma famille.

Veuillez agréer Excellence Monsieur le Président l’expression de ma déférente considération.

Fait à Bamako le 26 août 2022

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