Député contre juge : Le Sam et le RPM proposent l’apaisement et la justice

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Honorable Bourama Tidiane Traoré
Honorable Bourama Tidiane Traoré

Dans deux communiqués que nous vous proposons in extenso, le Syndicat libre de la magistrature (Sylima) et le Rassemblement pour le Mali (RPM) dans des termes différents prônent l’apaisement dans le différend entre un juge et un magistrat qui a conduit à l’incarcération du parlementaire. Ils souhaitent que la séparation des pouvoirs soit affirmée en cette douloureuse circonstance.

 

Constitution du 25 février 1992

Interprétation de l’article 62 in fine

Introduction

  1. Article  62 de la Constitution malienne :

Les députés bénéficient de l’immunité parlementaire.

Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé du fait des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut, pendant la durée des sessions être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit.

Aucun membre de l’Assemblée nationale ne peut, hors session, être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive.

La détention ou la poursuite d’un membre de l’Assemblée nationale est suspendue si l’Assemblée le requiert.

 

  1. Article 26 de la Constitution française de 1958 :

Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive.

La détention, les mesures privatives ou restrictives de liberté ou la poursuite d’un membre du Parlement sont suspendues pour la durée de la session si l’Assemblée dont il fait partie le requiert.

L’Assemblée intéressée est réunie de plein droit pour les séances supplémentaires pour permettre, le cas échéant, l’application de l’alinéa ci-dessus.

Tel qu’il est libellé, il est possible de faire une double lecture de l’article  62 de la Constitution malienne : une interprétation littérale (I) et une interprétation exégétique (II).

 

  1. Interprétation littérale
  2. Explication de texte

Une interprétation littérale des  dispositions de cet article conduit à dire que dans tous les cas de figure où l’Assemble nationale requiert la suspension des poursuites ou de la détention de l’un de ses membres, le juge est tenu de prononcer les mesures sollicitées.

Cette interprétation littérale est à faire parce que la disposition qui parle de la suspension des poursuites ou de la détention se trouve à la fin de l’article comme pour dire que dans les cas visés ci-haut ce dernier alinéa trouve à s’appliquer.

  1. Conséquences

S’en tenir à cette interprétation littérale aboutit à deux conséquences majeures.

La première, considérée du côté du juge, consacrerait un déni de justice.

Car alors, la suspension prononcée ne peut être qu’un sursis à statuer.

Or, l’article 382 du Code de procédure civile, commerciale et sociale (CPCCS) en République du Mali définit le sursis à statuer comme étant la décision qui suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’évènement qu’elle détermine.

Le libellé du dernier alinéa de l’article 62 de la Constitution ne précisant pas le temps au terme duquel ou l’événement dont la survenance justifierait la reprise de l’instance, le juge ne peut, en la circonstance, suppléer à cette omission du constituant en inventant un terme ou un évènement.

Ce qui le conduirait à surseoir à statuer pour un temps indéterminé, assimilable à un déni de justice.

La deuxième conséquence, qui est à envisager du côté des membres de l’Assemblée nationale, est qu’une telle interprétation littérale consacrerait l’impunité des députés. Car alors, une suspension des poursuites et de la détention serait acquise toutes les fois que l’Assemblée va la requérir.

Ce qui est absurde.

 

  1. Interprétation exégétique

En questionnant l’article 26 de la Constitution française de 1958, source d’inspiration de  l’article 62 de notre Constitution, on se rend à l’évidence que la suspension des poursuites et de la détention que l’Assemblée est appelée à requérir, trouve sa justification dans la nécessité où elle se trouve de rendre disponible le député mis en cause pour les besoins de la session en cours au moment des faits. En conséquence de quoi, la suspension envisagée ne peut aller au-delà de la durée de la dite session.

Il est bien compréhensible de prévoir que pendant la session, le parlementaire mis en cause puisse être porteur d’un projet ou d’une proposition de loi, ou qu’il puisse être un acteur important du dispositif de l’Assemblée nationale pour l’adoption du texte en cours d’examen. L’intérêt général commanderait alors qu’il soit sursis à toute poursuite ou détention judiciaire à son encontre, le temps de cette session.

Aller au-delà d’une telle interprétation équivaudrait à consacrer aux députés une impunité totale, en toutes circonstances dès lors que leurs pairs en décideront ainsi.

C’est faire de l’Assemblée nationale une instance suprême d’invalidation des poursuites et des détentions judiciaires.

Conclusion

Le Syndicat libre de la magistrature (Sylima), d’accord avec le Syndicat autonome de la magistrature (Sam), estime que la réquisition présentée par l’Assemblée nationale à l’effet d’élargir l’honorable Bourama Tidiane Traoré, député de Ouéléssébougou, ne peut prospérer en justice, au risque de consacrer un système d’impunité pour les députés et de ruiner l’équilibre républicain découlant du grand principe de séparation des pouvoirs institué par notre Constitution.

Le président

Adama Yoro Sidibé

 

Communiqué du RPM

Une regrettable altercation a opposé le mardi 25 novembre 2014 le juge et le député  de Ouélessébougou, l’honorable Bourama Tidiane Traoré.

A la suite de cette malheureuse et déplorable altercation, sur plainte du juge, le député de Ouélessébougou a été interpellé et placé sous mandat de dépôt suivant une procédure dite de flagrant délit.

Le Rassemblement pour le Mali (RPM) dont est issu l’honorable Bourama Tidiane Traoré, mesurant la gravité et la délicatesse de la situation :

– Constate, avec l’incarcération d’un élu du parti majoritaire au pouvoir, que l’effectivité de la séparation des pouvoirs et celle de l’indépendance de la justice sont une réalité ;

– Souhaite tout de même que l’immunité parlementaire et la présomption d’innocence soient aussi des garanties constitutionnelles pour chaque député et chaque citoyen ;

– Fait entièrement confiance en la justice malienne pour un heureux dénouement de cette malheureuse et déplorable affaire en vue du maintien d’un climat d’apaisement et de sereine collaboration entre l’institution parlementaire et l’institution judicaire ;

– Appelle, l’ensemble de ses militants, cadres et responsables, à tous niveaux de ses structures sur l’ensemble du territoire, au calme et à la sérénité pour un règlement heureux et rapide de l’affaire.

Bamako, le 29 novembre 2014

P/O BPN-RPM

Le secrétaire à la communication

Boubacar Touré

 

 

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