De très vives divergences d’opinion au Forum social mondial Dakar 2011 :Lula et Evo Morales fustigent le capitalisme, Wade s\''en prend aux altermondialistes

0

Syndicalistes, hommes politiques de gauche et membres de la société civile se côtoient pendant les six jours que dure le forum. Dakar a battu le record de participation avec près de 50 000 personnes venant de 123 pays du monde allant jusqu’aux pays sous domination comme la Palestine et le Kurdistan. La présente édition se tient sur fond de contestations populaires dans le monde arabe, mais aussi dans plusieurs pays africains. Le président bolivien et l’ancien chef de l’Etat brésilien ont plaidé pour un  monde juste débarrassé du capitalisme sauvage et du néocolonialisme. ils ont été  suivis  en cela  par la patronne du Ps, Martine Aubry, qui a demandé à ce que l’Occident arrête de regarder l’Afrique avec compassion et a indiqué que ce qui s’est passé en Tunisie montre que les peuples ont soif d’un nouveau monde. La seule fausse note est que le président sénégalais n’a pas mâché ses mots, il n’est pas sur la même longueur d’onde que les altermondialistes.

Dakar, la capitale sénégalaise est le point de convergence du mouvement social mondial depuis le dimanche 6 février. Les alter-mondialistes sont venus de plusieurs coins du globe. C’est par une longue marche que ces nombreux participants ont donné le coup d’envoi de la 11ème  édition du Forum  social mondial.  Ils se sont donné rendez-vous devant les grilles de la télévision sénégalaise en passant par l’Avenue Blaise Diagne et celle  allant jusqu’au campus Cheick Anta Diop avec à la bouche un seul leitmotiv  "  un autre monde est possible ". Du monde, il y ‘en avait à perte de vue. Déjà, aux environs de 14 heures, la foule piaffait d’impatience devant les portes de la télévision sénégalaise avant que la longue procession ne se déploie dans les rues.

Dans cette foule immense, ce sont de nombreux fanions et pancartes qui ont été brandis, chacun y allant de son message. Des réfugiés mauritaniens réclamant leur retour sur leur terre natale, des associations de migrants plaidant pour la destruction des murs que sont les frontières, des ressortissants palestiniens demandant, à cor et à cris, la création d’un État palestinien jouissant de sa pleine souveraineté. Les Maliens ne sont pas demeurés en reste. Avec à sa tête Aminata Dramane Traoré, une figure de proue du mouvement social mondial et co-créatrice du mouvement social africain, la délégation venue de Bamako, estimée à 400  participants ( la plus forte délégation) a scandé et chanté pour un Mali debout. Habillé dans du bogolan, la délégation a fait forte sensation et attiré les caméras des projecteurs du monde. L’Association des Maliens expulsés de la France dénonçait les reconduites aux frontières et les exactions subies par de nombreux compatriotes.  Que dire du Collectif des femmes de la Casamance qui a plaidé pour la paix dans cette partie du Sénégal. Les villageois de Djigoum partis de Calounaye marquent leur détermination aux sons du Bakk Diola, la Fédération des écologistes sénégalais alertent le monde sur les dangers qui guettent la planète.  Un  autre slogan vaillamment entonné par une militante altermondialiste sénégalaise n’est pas passé inaperçu. Elle disait, en substance: «dans les ténèbres jusqu’à quand ?».

L’actualité brûlante africaine ne fut pas occultée par les participants. Mohamed Boucharaf est un Egyptien, il dit faire partie des manifestants qui, dans son pays, demandent le départ de Hosni Moubarak. Sur d’autres pancartes, on pouvait lire de mots chaleureux louant l’audace du peuple tunisien. Les Sud américains ont dénoncé ce qu’ils ont qualifié de «l’impérialisme de la grande Amérique» et se sont dit prêts à défendre les intérêts de leurs pays et de leur peuple. Ecologistes, défenseurs des droits humains, Ong, etc chacun y allait de son message pour dénoncer les exactions du monde capitaliste. C’est sous une bonne escorte et aux environs de 16 heures que la longue procession de marcheurs s’est immobilisée dans l’enceinte du campus Cheick Anta Diop.

Plusieurs sommités ont pris part au rendez-vous de Dakar. Le président bolivien, Evo Moralès,  l’ancien président brésilien, Lulla Da Silva, la première Secrétaire du parti socialiste français, Martine Aubry.  Des leaders politiques et syndicaux sénégalais se sont mêlés à ces personnalités. Il s’agit de Ousmane Tanor Dieng du Ps, Moustapha Niasse de l’Afp, Amath Dansokho du Pit.

 Evo Moralès tire à boulets rouges sur le capitalisme : seul chef d’Etat en exercice à avoir répondu à l’appel des altermondialistes, le président bolivien a été la grande attraction de ce 11ème Forum social mondial. Issu du milieu syndicaliste agricole dans son pays, il n’est pas allé de main morte pour critiquer le capitalisme à outrance. Evo Moralès a assuré, devant des milliers de personnes, «qu’un autre monde est possible à condition que les gouvernements se battent pour changer les choses. Cela ne sera possible que lorsque les gouvernements auront identifié leur ennemi de l’intérieur tout comme de l’extérieur surtout en veillant sur les ressources naturelles et les secteurs sociaux vitaux, a t-il fait savoir. A le croire, si l’on n’est pas capable d’identifier nos ennemis internes, on peut créer de l’espérance pour les nouvelles générations. L’ancien syndicaliste d’appeler à mort du système capitaliste». Evo Moralès renchérit " il y a des pays qui érigent des barrières pour éviter les  pauvres, mais ce sont des riches qu’il faut se débarrasser ". Il conclut qu’un autre monde plus égalitaire plus juste est un monde " est un monde sans capitalisme, ni néo-libéralisme, un monde sans anarchie, sans monarchie ". Et c’est à ce prix seulement qu’on sauvera l’humanité.

Profonde divergence d’opinion entre le président Abdoulaye Wade et Lula Da Silva : Le président du Sénégal a assisté, en compagnie de l’ancien président brésilien, Place du Souvenir, lundi dernier, à une table ronde du Forum social mondial au cours de la journée dédiée à l’Afrique. Lula a estimé que les dogmes libéraux imposés aux pays pauvres avaient fait faillite, que l’ordre économique mondial ne sera plus façonné par quelques économies dominantes en Amérique du sud mais dans les rues de Caire, de Tunis et d’autres villes africaines car il  est en train de renaitre l’espoir d’un monde nouveau.

Le prédécesseur de Dilma d’ajouter que des millions de pays sont en mouvement contre la pauvreté à laquelle ils sont soumis, contre la domination des tyrans. Il a appelé l’Afrique à prendre conscience de  sa force et de l’avenir qui l’attend avec son milliard  d’habitants. Le président Wade dans son intervention dira que, " depuis 2000, je suis  votre mouvement mais je me pose la question de savoir ce qu’il y a de nouveau ".  " Vous n’avez pas changé le monde " a-t-il poursuivi. L’assistance manifeste son mécontentement. Wade rectifie le tir et dit " oui Lula a changé le Brésil, mais il n’a pas changé le monde, vous n’avez rien changé sur le plan international ". Abdoulaye Wade, toujours égal à lui- même, poursuit dans sa critique du mouvement altermondialiste avant de préciser que " l’aspiration au changement est fondamentale, je  suis de cette partie qui veut changer le monde ". Il entend le faire en sa façon et a tenu à le faire savoir: "  je suis un libéral, je suis un partisan de l’économie de marché et non de l’économie d’Etat, je vous demande de me suivre dans ma façon de réaliser ".

Wade d’ajouter " si je vous reçois ici, c’est parce que j’estime que tous les hommes  ont la liberté de s’exprimer où ils veulent ".

*Envoyé spécial à Dakar

Commentaires via Facebook :