L’histoire du Mali des trois dernières décennies, est marquée par l’avènement d’une démocratie qui devait apporter aux maliens, l’émancipation, la liberté, la justice et un développement socio-économique harmonieux. Mais nous vivons des moments tumultueux accompagnés de rupture dans la gouvernance politique et publique du pays. Pour mieux comprendre les faits marquants de cette histoire contemporaine du Mali, un petit rappel est nécessaire.
En effet, le 26 mars 1991, le peuple du Mali, sous la conduite des acteurs du mouvement démocratique et de la société civile, arrachait au prix du sang et des larmes, la démocratie, suite à une révolution populaire parachevée par les militaires patriotes avec leur tête, le Lieutenant-Colonel Amadou Toumani Touré. Au nombre du bilan, certes quelques acquis si limités soient-ils, ont été enregistrés après trente années de pratique démocratique, mais les attentes loin d’être comblées, tant les défis à relever restent énormes.
Pendant 30 ans, la gestion politique du pays a été gangrenée par une corruption généralisée, l’impunité, le népotisme, la gabegie, le clientélisme, le mensonge d’Etat et par des élections non inclusives, mal organisées et chaque fois contestées par la plupart de la classe politique. Des maux érigés en système de gouvernance ont pris corps dans tous les segments de l’Etat. L’effet produit par cette situation chaotique, ce sont des coups d’Etat militaires en séries, dont celui du 22 mars 2012 contre le Président élu Amadou Toumani Touré.
Les institutions mises à terre, une armée sans commandement, un peuple divisé par des intérêts partisans, etc., ont conduit à un Etat failli qui ouvrira grandement ses portes en janvier 2013 d’abord, aux rebelles touaregs du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), puis aux terroristes venus de Libye à la faveur de la chute du régime du Colonel Kadafi. Rebelles et terroristes occuperont en quelques jours, toutes les régions du Nord, jusqu’aux portes de Kona, dans la région de Mopti.
Aujourd’hui, la crise sécuritaire s’est étendue sur toute l’étendue du territoire national, notamment au Centre du pays, alimentant de nouvelles formes de conflits entre des communautés qui s’entredéchirent violemment. Ainsi, embourbé depuis 2012 dans une guerre contre les terroristes avec de très nombreuses violences, l’Etat failli du Mali, va de mal en pis, avec ces terroristes qui attaquent des camps militaires, tuent en masse civils et militaires, pillent et incendient des greniers et des villages entiers, emportent du bétail, etc.
Comme si tous ces malheurs ne suffisent pas, un autre coup d’Etat militaire vient mettre fin au régime du Président Ibrahim Boubacar Kéïta, le 18 août 2020, en raison d’une mauvaise gouvernance de 7ans, qui a engendré tous les maux à l’origine de la faillite de l’Etat. Alors, un régime de transition s’installa avec comme objectif principal, remettre la République sur les rails. Quelques mois après, des anciens dossiers autour des gros scandales financiers sont réouverts, des arrestations de présumés auteurs de détournements des derniers publics et des auteurs des tueries des 10, 11 et 12 juillet 2020 à Badalabougou, etc., sont opérées pour des besoins d’enquêtes par une Justice qui prend de l’aile, et redonne confiance aux citoyens.
Et depuis, les nouvelles Autorités de la Transition font face à des défis énormes, dignes de défiances ou d’actes de rébellion qui ont souvent failli entraver leur élan et leur ferme volonté politique contre la mauvaise gouvernance. Pour preuves, il y a eu ces derniers jours, des évènements aux allures de révoltes, ayant défrayé la chronique. Au nombre de ces évènements, nous pouvons citer les cas des prêches de certains imams dans certains lieux de culte de Bamako, véhiculant des messages de haine, et pas plus tard que le vendredi 03 septembre 2021, la sortie musclée des policiers lourdement armés, marchant dans les rues de Bamako, pour aller libérer un des leurs, le commandant de la FORSAT qui avait été auparavant, arrêté et placé sous mandat de dépôt, par un Procureur, pour des besoins d’enquêtes.
A cette occasion, la République a été fragilisée, humiliée, ses institutions ignorées et piétinées, ses Autorités civiles et militaires défiées. Ainsi donc, on est passé de la démocratie à la « démocrature », qui fait ménage avec tout ce qu’elle traine de nauséabond, de répugnant, de révoltant, d’inacceptable, d’immoral et d’amoral, c’est-à-dire, la corruption à ciel ouvert, le mensonge d’Etat, l’injustice sociale, la trahison, la gabegie, le népotisme, etc., institutionnalisés et érigés en mode de gouvernance.
Cependant, l’espoir est permis car nous vivons depuis le 24 mai 2021, une Transition dans sa version 2, dite de « transition de rectification », sous le leadership de deux personnalités, le Colonel Assimi Goïta, Chef de l’Etat et Dr. Choguel K. Maïga, Premier Ministre. Un tandem à pas de charge qui, en moins de quatre mois, a pu poser les premiers jalons de la rectification dans le cadre de la refondation de la République. L’Autorité qui était faillie au départ, reprend progressivement corps et force à travers notamment, une Justice longtemps décriée, qui renaît de ses cendres.
Face à ses acquis, les associations, les organisations de la société civile se doivent d’encourager et d’accompagner cette nouvelle génération de juges intrépides et dévoués, décidés à aller jusqu’au bout afin que nos milliards détournés, soient restitués et retournés au Trésor Public. Ce manque à gagner pourrait sans doute, servir à recruter plus de jeunes chômeurs sans emploi, à construire des infrastructures (routes, centres de santé, adduction d’eau potable, etc.). Quand cette mission de justice sociale aura été remplie, le Peuple confiant, reviendra dans la République ! Et on aura compris tout l’intérêt d’une vraie démocratie au service du Peuple, pour un développement participatif et inclusif.
Dr. Allaye GARANGO, Enseignant chercheur – Ecole Normale Supérieure – Bamako