De la CDR à la CVJR : Ce qui va changer

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La restructuration de la Commission dialogue et réconciliation, telle qu’elle a été décidée par les nouvelles autorités, a entraîné de réelles innovations surtout dans la composition, la mission et le mandat de ladite structure. La création de la Commission vérité, justice et réconciliation (Cvjr), en lieu et place de la CDR, n’est donc pas qu’un changement de vocable.

Mahomed Sokona
Le président de la CDR chez les notabilités de Gao

La Commission dialogue et réconciliation est, faut-il le rappeler, une création des autorités de Transition. Instituée par le décret n°2013-212/P-RM du 6 mars 2013, la CDR avait pour mission de rechercher, par le dialogue, la réconciliation entre les différentes communautés de notre pays. A ce titre, elle devait se charger, entre autres, de recenser les forces politiques et sociales concernées par le processus de dialogue et de réconciliation, mais aussi identifier les groupes armés éligibles au dialogue conformément à la feuille de route de la Transition.

Les 33 membres qui composent la CDR avaient ainsi été officiellement installés dans leur fonction en fin avril 2013. Entre temps, intervinrent les élections générales qui ont d’ailleurs plombé les activités de la CDR, si l’on croit un haut responsable de cette structure que nous avons rencontré au siège de la Commission. «Pendant le processus électoral, nous avons été obligés de travailler à l’interne pour éviter des interférences», nous a-t-il confié sous couvert de l’anonymat. Les contextes ayant changé, les nouvelles autorités ont ainsi décidé de restructurer la Commission dialogue et réconciliation, en y incluant notamment les notions de vérité et de justice. Cette volonté va se matérialiser par la création, à travers l’ordonnance n°2014-003/P-RM du 15 janvier 2014, d’une Commission vérité, justice et réconciliation (Cvjr) en lieu et place de la CDR. Cette ordonnance, qui attend d’être ratifiée par la nouvelle Assemblée nationale, est complétée par le décret n°2014-0013/P-RM du 15 janvier 2014, fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement de la Cvjr. A la lecture de ces textes, on note un certain nombre d’innovations qui tiennent d’abord à la mission de cette structure. Mission qui se trouve beaucoup renforcée et «bien détaillée». «On sait qu’un effort a été fait pour préciser davantage les missions de la Commission, car les nouveaux textes nous parlent d’enquête et de réinsertion sociale des personnes réfugiées et déplacées», s’est félicité notre interlocuteur. Pour lui, si les mandats des uns et des autres ne sont pas précisés, les gens ne peuvent que faire des interprétations. A la différence de la CDR qui se contentait de la réconciliation entre les Maliens, la Cvjr devra contribuer à instaurer une paix durable au Mali. Ce, à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité et des valeurs démocratiques. Autre innovation majeure que notre interlocuteur a notée, c’est bien le renforcement de l’indépendance de la Commission. Au terme de l’article 5 de l’ordonnance ci-dessus citée, «la Commission vérité, justice et réconciliation ne reçoit pas d’instruction ou ordre émanant d’une autorité, d’une communauté ou d’un groupe social quelconque dans l’exercice de sa mission». Le décret portant création de la CDR n’en faisait pas mention de manière expresse.

Alors qu’elle sera désormais placée auprès du ministère en charge de la réconciliation nationale, la Cvjr ne comptera que 15 membres qui porteront le titre de «commissaire», à l’opposé de la CDR qui, placée auprès du président de la République, en comptait plus du double. Aussi, la nouvelle Commission aura un mandat de trois ans, soit un de plus que la CDR, et ses travaux s’étendront sur la période 1960-2013. Une responsabilité bien plus lourde que celle de la défunte CDR qui avait en charge d’examiner les faits qui datent du déclenchement des évènements du nord à nos jours, nous a rappelé notre interlocuteur. Il importe également de souligner qu’en plus des trois organes, à savoir l’Assemblée générale ; le Comité exécutif et le Secrétariat général, reconnus sous l’ancienne commission, la nouvelle ajoute un quatrième, notamment les «Groupes de travail» qui seront au nombre de sept.

 
A présent, il y a lieu de rappeler qu’en attendant la loi d’habilitation de l’ordonnance n°2014-0013, la Commission se trouve ainsi dans une phase de transition. Elle, l’administration notamment, se contente d’assurer une sorte de permanence  qui pourrait être utile à la nouvelle structure, nous a-t-on expliqué. S’il est vrai que la CDR n’a pas  a eu le temps de mener des actions d’envergure, elle a tout de même posé certains préalables. Elle s’est surtout dotée d’un règlement intérieur, a adopté un programme d’activités sur les deux ans quelle devait durer et avait eu des rencontres d’échanges avec des structures de même nature d’autres pays.

Bakary SOGODOGO

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