De Bamako au pays dogon : Au cœur d’un conflit fantoche

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Des voix à Bamako s’élèvent pour crier un conflit ethnique entre peulh et dogon; attaques par medias interposés; silence radio du côté de l’administration. Sur le terrain, loin des regards des medias, la crise est très complexe : des villages entiers calcinés, mort d’hommes, vol de bétail, intimidation dans certaines parties. Aussi, chez d’autres, la vie continue comme elle a toujours été, malgré quelques méfiances liées à l’intoxication d’ailleurs. Des populations se côtoient, les marchés hebdomadaires ne désemplissent pas de monde ; les échanges vont bon train. Tout parait être lointain…La milice Dan na- ambassagou voire controversée, n’opère que par endroit et l’armée, campée dans ses différentes positions suivi de patrouille est en quête de sincère collaboration avec les populations. De Bamako au pays dogon, un reportage de terrain, au contact des vrais acteurs, entre de nombreux déplacements.

Bourreau, victime ou observateurs, tout dépend de quel côté l’on se trouve. Nous sommes en décembre 2016, une correspondance a été envoyée aux autorités administratives par un groupe de chasseur, qui vont se constituer plus tard en milice, pour dénoncer les assassinats ciblés et les intimidations à l’endroit des populations par des terroristes. La correspondance était signée par Youssouf Toloba, il en est aujourd’hui le chef d’état-major de la milice Dan na ambassagou. Ils vont la plupart se constituer en guide pour les forces armées du Mali à la poursuite des individus non identifiés qui terrorisent les populations. Quelques mois avant, Oumar Aldjana créait une milice peulh pour se battre contre les agresseurs des siens, notamment l’armée malienne…une milice aujourd’hui réduite au silence.

Mopti, 18 février 2018, le maire de la ville, Issa Kanssaye, nous accordant une interview revient sur la situation générale devenue de trop, paralysant de nombreuses activités. « Ici, comme tout le monde se connait, les terroristes, parlant du marabout Amadou kouffa, ont bénéficié des complicités au sein des populations », a-t-il dit. Sa solution à lui, c’est d’aller vers une négociation à la base qui inclurait tout le monde même Amadou Kouffa. Au même moment, le commandement militaire avait interdit la circulation des engins à deux roues et des pickups dans ses zones et l’arrêt des trafics à partir de 18 heures sur certains axes. Nous arrivons le lendemain dans la commune de Dimbal-Habbé à bord d’un véhicule de transport. Dedans, des forains : peulhs, dogons, sonrhaï, etc… discutent de la situation sécuritaire et aussi de leurs marchés. La région de Mopti est connue pour être une zone cosmopolite, explique sagement un passager, « nous sommes tous des cousins dans cette région ».Au bord de la route, visiblement aucune peur sur les visages, des jeunes adolescents peulhs gardent des troupeaux et non loin des concessions habités par les dogons. Rien d’étonnant, ceux-ci sont des voisins les plus immédiats. Des villages dogons sont entourés d’hameaux peulhs et sont liés et interdépendants de par leurs activités : agriculture et élevage. A Dimbal, rien n’a changé, nous explique M. Tessougué, un conseiller communal, « de tous les temps, nous échangeons nos produits, du lait contre de céréale et nos familles s’identifient les unes aux autres. Voilà pourquoi, vous entendrez très souvent les dogons dire, mon peulh et vice versa pour le peulh, mon dogon ». Deux jours après, c’est la foire hebdomadaire de Bankass où pour s’y rendre, pas d’engins à deux roues, c’est dans un véhicule, sur une charrette ou à pied. Des femmes dogons et peulhs, paniers ou calebasses de lait sur les têtes s’y rendent dans une atmosphère bon-enfant entre causerie et rigolade.

Pour le retour à sévaré, nous observons la mesure sécuritaire au poste de Goundaga où il était 18 heures passées. Nous y passerons la nuit en plein air pour continuer le chemin le lendemain matin à partir de 06 heures. Nous étions le 21 février.

Par ailleurs, les tensions sont vives dans certaines localités au fond fin du cercle de koro. Des églises incendiées dans la paroisse de Barapirelli par des hommes non identifiés. Des villages obligés d’écouter la prêche livrée par ceux-ci. De ce côté, la psychose est générale.

La confusion s’installe de plus en plus, des voisins s’accusent mutuellement et s’attaquent des fois. Le cas, le plus illustratif a été celui de Sabéré, le 07 mars, dans la commune de Saraka. Les assaillants ont tout brulé à leur passage. Une délégation gouvernementale s’y est rendit quelques jours après pour les condoléances. Aussi, une rencontre d’information a lieu au ministère de la réconciliation nationale et les présidents des deux associations peulh et dogon : Mamadou Togo et Aziz Diallo appellent au calme et rassurent les esprits. « Il n’y a pas de conflit entre dogon et peulh », ont-ils dit. Dans la même foulée, le 17 Avril 2018 à la maison de la presse, les jeunes de ses deux associations ont animé une conférence de presse pour annoncer une campagne de sensibilisation.

Dans la soirée du 9 Mai, par téléphone, le maire de la commune rurale de sangha, Aly Dolo, nous informe de l’attaque de deux villages de sa commune. « Deux villages de ma commune : kara et irwane ont subi une attaque à l’arme lourde par un contingent d’hommes armés, jonchés sur des motos ».
Le 11 Mai, nous voilà à sevaré. Par téléphone, nous rentrons en contact avec Youssouf Toloba, chef d’état major de la milice Dan na ambassagou, « nous n’avions aucun problème avec les peulhs. Mais nous combattrons tous ceux qui protégerons les ennemis de la paix ». Sur la question des mercenaires qui seraient venus d’ailleurs selon des propos de Me Hassane Barry, cadre peulh. Le milicien est très clair la dessus « nous n’engagerons personne pour saboter nos actions…nous savions nous défendre nous même».

Sur la question de supposé conflit entre communauté, un maire sous anonymat, nous évoque le cas de sa commune. Nous nous gardons de le citer pour des raisons sécuritaires. « Dans ma commune, c’est la méfiance entre les populations même si le conflit n’est pas ouvert. Nous vivons les séquelles du passage du marabout Amadou kouffa chez nous. Certains villages refusent de payer les impôts et taxes. Pour trente trois (33) millions de recettes prévisionnelles, nous n’avions pu recouvrir que trois millions ». Pour ce qui est de la collaboration avec l’armée, l’élu communal pense qu’il ya lieu de revoir la collaboration, parce qu’elle n’est pas sincère. Encore dans le cercle de Bankass, commune de Ouenkoro, là où a lieu en septembre une attaque ciblée sur le poste de la gendarmerie, tuant un agent. Le premier adjoint Housseyni Sankaré, joint par téléphone depuis Sevaré, nous explique que tout va bien. Les populations vaquent librement à leurs occupations. Nos populations font les foires ensemble et abreuvent les animaux autour des mêmes puits dans des villages. Le seul problème que nous avions est que nos économies sont au pilori à cause de la mesure prise par les forces armées. On aurait pu au moins faire une dérogation pour des agents d’ONG qui interviennent dans le développement local, a expliqué l’élu.

En tout cas, Bamako, la capitale et le centre du pays, surtout à partir de la région de Mopti, les réalités ne sont pas les mêmes. Comme à Bamako et à l’intérieur, les avis restent divergents et la situation est mitigée.

Benjamin SANGALA, de retour de sevaré

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