Au moins 20 000 enfants travaillent dans les mines d’or artisanales du Mali dans des conditions extrêmement dures et dangereuses, a déclaré Human Rights Watch, dans un rapport publié le mardi dernier lors d’une conférence de presse.
Le rapport de 124 pages, intitulé «Mélange toxique: travail des enfants, mercure et orpaillage au Mali », révèle que des enfants qui n’ont parfois pas plus de six ans creusent des puits de mines, travaillent sous terre, remontent des charges de minerai pesantes, et transportent, concassent et procèdent au panage du minerai. De nombreux enfants travaillent également en utilisant du mercure, une substance toxique, pour séparer l’or du minerai. Le mercure attaque le système nerveux central et s’avère particulièrement nocif pour les enfants. « Ces enfants mettent littéralement leur vie en péril », a fait remarquer Juliane Kippenberg, chercheuse senior à la division Droits de l’enfant de Human Rights Watch. «Ils portent des charges qui pèsent plus lourd qu’eux, descendent dans des puits instables, et ils touchent et inhalent du mercure, l’une des substances les plus toxiques sur la Terre. »
Sur les 33 enfants travailleurs interrogés par Human Rights Watch, 21 ont déclaré qu’ils souffraient de douleurs régulières dans le dos, à la tête, dans la nuque, aux bras ou aux articulations. Les enfants souffrent également de toux et de maladies respiratoires. Un garçon d’environ six ans a décrit la douleur qu’il ressentait lorsque, des heures durant, il creusait des puits à l’aide d’une pioche.
Selon le rapport, la plupart des enfants travaillent aux côtés de leurs parents pour arrondir quelque peu les maigres revenus que les orpailleurs adultes tirent en vendant de l’or aux négociants locaux. D’autres enfants migrent seuls vers les sites d’orpaillage et finissent par être exploités et maltraités par des proches ou des étrangers qui s’approprient leur paie. Certaines filles sont victimes d’abus sexuels ou se livrent au commerce du sexe afin de pouvoir survivre. Certains enfants travaillant sur les sites d’orpaillage sont originaires d’autres régions du Mali, ainsi que de Guinée, du Burkina Faso et d’autres pays limitrophes.
Cette situation des enfants dans l’orpaillage est le résultat de la non application des textes juridiques. Et pourtant, le Mali est l’un des premiers en Afrique qui s’est résolument engagé dans la lutte contre le travail des enfants avec la ratification de plusieurs conventions.
En juin 2011, le gouvernement malien a adopté un Plan d’action national pour l’élimination du travail des enfants. Ce plan constitue un pas important, mais sa mise en œuvre a été différée et le gouvernement a pris peu de mesures sur le terrain, a noté Human Rights Watch. Les mines artisanales ne font pas l’objet d’inspections du travail régulières. Pire encore, une interdiction des travaux dangereux des enfants, considérés comme les pires formes de travail des enfants, n’est pas appliquée. Rappelons qu’aux termes de la législation malienne et du droit international, les travaux dangereux, qui incluent le travail dans les mines et avec du mercure, sont interdits pour toute personne âgée de moins de 18 ans.
Selon les chiffres obtenus par Human Rights Watch auprès du ministère malien des Mines, la quantité d’or artisanal exporté chaque année s’élève à environ quatre tonnes, soit une valeur approximative de 218 millions de dollars américains, aux prix de novembre 2011. La plus grande partie de cet or est exporté vers la Suisse et les Émirats arabes unis, en particulier Dubaï.
Malgré la ratification des conventions, la réalité est toute autre chose sur le terrain. Les résultats de l’enquête mettent en lumière l’absence de l’Etat dans ces zones et la méconnaissance des textes au niveau local. « Le Mali a adopté des lois strictes sur le travail des enfants et sur l’enseignement gratuit et obligatoire, mais malheureusement, le gouvernement ne les applique pas pleinement », a déploré Juliane Kippenberg. «Les autorités locales tirent souvent profit de l’orpaillage et se soucient peu de la lutte contre le travail des enfants. »
Le gouvernement n’a pris aucune mesure pour mettre fin à l’utilisation du mercure par les enfants travailleurs dans l’orpaillage. L’intoxication au mercure occasionne une série de troubles neurologiques, notamment des tremblements, des problèmes de coordination, des troubles de la vue, des maux de tête, des pertes de mémoire et des problèmes de concentration. Les effets toxiques du mercure ne s’observent pas immédiatement, mais se développent au fil du temps. La plupart des orpailleurs ignorent que l’utilisation du mercure a des conséquences pour la santé. En tout cas, cette étude met en exergue l’ampleur de ce fléau. La pauvreté explique-t-elle à elle seule l’accentuation du travail des enfants, surtout dans ses pires formes ? Rien n’est moins sûr !
Le gouvernement malien et les bailleurs de fonds internationaux doivent prendre des mesures visant à mettre fin au travail des enfants dans l’orpaillage.
Nouhoum DICKO