Par la décision n°23-012/ARMDS-CRD rendue le 30 juin 2023, le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public, statuant en commission litiges sur le recours non juridictionnel de l’entreprise BECOTAD Mali contestant les résultats de l’appel d’offres n°001/DG-PMU-Mali relatif à la fourniture et à la mise en place d’un système d’archivage physique et numérique au compte de la société PMU-Mali, donne tort à la requérante pour “recours mal fondé”.
Réunis le lundi 26 juin 2023 sous la présidence de son président Alassane Ba, le Comité de règlement des différends (CRD) a délibéré conformément à la loi et a adopté sa délibération fondée sur les faits, la régularité du recours ct les moyens exposés par les parties au litige.
Le fond du différend
Suivant l’avis d’appel à concurrence n°001/DG-PMU-Mali 2023 du 11 avril 2023, la société PMU-MALI SAEM a lancé une demande de renseignements et de prix à compétition ouverte relative à la fourniture et à la mise en place d’un système d’archivage physique et numérique pour le compte de PMU-Mali, à laquelle l’Entreprise BECOTAD Mali a soumissionné.
Par lettre n°23-472/DGM-PMU du 7 juin 2023 réceptionnée le 12 juin 2023, la société PMU-Mali a notifié à l’entreprise BECOTAD Mali le rejet de son offre pour les motifs suivants de fourniture d’une copie scannée de la ligne de crédit de la Banque commerciale du Burkina (BCB) en lieu et place d’une copie originale ;fourniture d’une ligne de crédit non conforme à celle figurant dans la demande de renseignement et de prix ; fourniture de marchés similaires exécutés au Burkina par BECOTAD Burkina en lieu et place de marchés exécutés par BECOTAD Mali.
Par lettre datée du 13 juin 2023, l’entreprise BECOTAD Mali a exercé un recours gracieux pour contester les motifs de rejet de son offre.
N’ayant reçu aucune suite à son recours gracieux, le 20 juin 2023, l’entreprise BECOTAD Mali a saisi le Comité de Règlement des Différends pour contester les résultats de l’Appel d’offres susmentionné.
Recours recevable en la forme
Par rapport à la recevabilité du recours de l’entreprise BECOTAD Mali, le CRD s’est dit favorable en ce qui concerne la forme. Et pour cause :
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 120.1 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015 portant code des marchés publics et des délégations de service public, modifié : “Tout candidat ou soumissionnaire s’estimant lésé au titre d’une procédure de passation d’un marché ou d’une délégation de service public est habilité à saisir l’autorité contractante ou l’autorité délégante d’un recours gracieux à l’encontre des procédures ct décisions lui causant ou susceptibles de lui causer préjudice”.
Considérant que l’article 120.2 du même décret dispose que “l’exercice du recours gracieux préalable est obligatoire pour tout candidat ou soumissionnaire qui entend exercer une action en contestation devant le Comité de règlement des différends”.
Considérant que conformément aux dispositions de l’article 120.3 du décret n°2015-0604/P- RM ci-dessus, le recours peut porter sur la décision d’attribuer ou de ne pas attribuer le marché ou la délégation, sur les conditions de publication des avis, les règles relatives à la participation des candidats et aux capacités et garanties exigées, le mode de passation et la procédure de sélection retenue, la conformité des documents d’appel d’offres à la règlementation, les spécifications techniques retenues, les critères d’évaluation. Il doit invoquer une violation caractérisée de la règlementation des marchés publics et des délégations de service public.
Considérant que l’article 121.1 du décret n°2015-0604/P-RM dispose que les décisions rendues au titre du recours gracieux peuvent faire l’objet d’un recours devant le Comité de règlement des différends dans un délai de deux (2) jours ouvrables à compter de la date de notification de la décision faisant grief.
Considérant qu’il résulte des faits exposés que le 13 juin 2023, BECOTAD Mali a exercé un recours gracieux contre les résultats de l’appel d’offres et qu’aucune suite n’a été réservée à ce recours.
Considérant que le 20 juin 2023, la requérante a saisi le CRD d’un recours en contestation et ce, dans les deux (2) jours ouvrables.
Qu’il s’ensuit que le recours de BECOTAD Mali remplit les conditions de forme pour être recevable.
BECOTAD MALI demande la réintégration de son offre
A l’appui de son recours, l’entreprise BECOTAD Mali rappelle ce qui suit :
Que pour rejeter son offre, l’autorité contractante lui reproche d’avoir fourni une copie scannée de la ligne de crédit en lieu et place d’une copie originale alors que ni dans l’avis, ni dans le dossier de demande de proposition et de prix à compétition ouverte la fourniture d’une copie scannée n’a été exclue.
Que la copie originale de la ligne de crédit est disponible et communicable à tout moment.
Que l’autorité contractante soutient que la ligne de crédit n’est pas conforme, alors même que ni l’authenticité, ni le montant de cette ligne de crédit ne peuvent faire l’objet de rejet.
Que sur une demande de 25 000 000 de F CFA, elle a fourni une ligne de crédit de 100 000 000 de F CFA et cela conformément à l’article 4.1 de l’arrêté n°2015-3721/MEF-SG du 22 octobre 2015 fixant les modalités d’application du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015 portant code des marchés publics qui dispose que “tout candidat à un marché public, quel que soit le montant, doit justifier de ses capacités techniques et financières”.
Que l’autorité contractante signale également que les marchés similaires fournis sont exécutés par BECOTAD Burkina en lieu et place de BECOTAD Mali alors qu’une lecture soigneuse de son offre permet de constater que plus d’une dizaine de marchés similaires ont été exécutés par BECOTAD Mali.
Qu’elle sollicite du CRD de bien vouloir faire prendre les dispositions pour la réintégration de son offre.
Le PMU-Mali persiste et signe
En réponse aux prétentions de la requérante, la société PMU-Mali SAEM indique de son côté :
Que l’entreprise BECOTAD MALI a fourni, dans son offre, une copie scannée de la ligne de crédit;
Que la ligne de crédit de cent millions (100 000 000) de F CFA, délivrée par la Banque commerciale du Burkina (BCB), le 03 mars 2023, pour une durée de douze (12) mois, est une copie scannée ct qu’à l’instar des autres documents de son offre comme la caution de soumission, l’entreprise aurait dû fournir une copie originale en lieu et place d’une copie scannée.
Que l’entreprise a fourni une ligne de crédit non conforme.
Que ladite ligne de crédit de cent millions (100 000 000) de F CFA n’est pas conforme au modèle figurant dans la demande de renseignement et de prix, en ce qu’elle n’indique pas explicitement qu’elle est afférente au marché en question, d’une part, et d’autre part, elle a été délivrée à Zoungo Ibrahim, directeur général de BECOTAD SARL, Ouagadougou (Burkina Faso).
Onction favorable au PMU-Mali
A l’analyse des arguments des deux parties, le Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public déclare de recours de l’entreprise BECOTAD Mali recevable en la forme ; constate que le document fourni en guise de ligne de crédit n’est pas conforme au modèle du dossier de consultation ; et dit que le recours de l’entreprise BECOTAD Mali est mal fondé.
A l’appui de son verdict, le CRD s’est basé sur certains faits règlementaires.
Considérant que l’article 4.2 de l’arrêté n°2015-3721/MEF-SG du 22 octobre 2015, modifié, fixant les modalités d’application du code des marchés publics et des délégations de service public dispose que l’autorité contractante doit exiger des candidats ou soumissionnaires aux marchés publics un minimum de documents ou attestations à caractère éliminatoire comprenant notamment tout document permettant de justifier ses capacités financières tels que des déclarations des banques ou organismes financiers habilités, attestant de la disponibilité de fonds ou un engagement bancaire à financer le marché.
Considérant qu’à l’examen de la demande de renseignement et de prix à compétition ouverte notamment en son point 5 a), il apparait que le soumissionnaire doit fournir entre autres, la preuve écrite qu’il a accès à des financements tels que des avoirs liquides, lignes de crédits, autre que l’avance de démarrage éventuelle à hauteur de 25 000 000 F CFA.
Considérant qu’il ressort des faits et des constats issus de l’instruction de ce dossier que l’entreprise BECOTAD Mali, pour satisfaire ce critère, a fourni une lettre de la Banque commerciale du Burkina (BCB) datant du 3 mars 2023 adressée à Zoungo Ibrahim, directeur général de BECOTAD SARL, l’informant de son accord et lui demandant de prendre attache avec son chargé d’affaires pour la formalisation de mise en place de la ligne de crédit.
Considérant en outre que l’autorité contractante a mis à la disposition des soumissionnaires un modèle type d’attestation bancaire de disponibilité de crédit.
Que n’ayant pas utilisé ledit modèle, le soumissionnaire a manqué aux obligations qui incombent aux prétendants aux marchés publics et par la même occasion, la lettre faisant office de ligne de crédit fourni par BECOTAD Mali omet plusieurs informations essentielles figurant sur le modèle type, pour conclure qu’il s’agit de la justification de disponibilité d’une ligne de crédit.
El Hadj A.B. HAIDARA