Dans les secrets de l’exploitation de la misère d’un continent : “L’Afrique mutilée”, selon Aminata Dramane Traoré

Dans le style et l’engagement qu’on lui connait, le leader altermondialiste revient dans les librairies avec un bouquin à lire absolument. Avec Natalie Mdela-Mounier, l’ancienne ministre de la culture fait le procès de l’Afrique, un continent malade de ses dirigeants, remarque-t-elle, et pris au piège d’un capitalisme sauvage qui sacrifie les générations futures. Morceaux choisis.

“L’Afrique mutilée”, c’est le titre du nouvel ouvrage d’Aminata Dramane Traoré et de Natalie Mdela-Mounier, qui vient de paraitre aux éditions “Taama”. La présentation du livre au public a eu lieu ce jeudi 13 septembre au Centre Amadou Hampâté Bâ, en présence de plusieurs sommités du monde universitaire.
Fruit d’un travail de recherche et d’une réflexion de ses auteurs visant à l’éveil des consciences, cet ouvrage est digne d’un procès de l’Afrique. Dans un style percutant et une simplicité d’écriture, le livre se veut le porte-parole des femmes et des hommes d’un continent malade de ses dirigeants, de l’exploitation abusive de ses ressources… Mais une Afrique où il y a encore une place pour l’espoir, à condition que la force silencieuse (les femmes) sorte de l’obscurantisme pour prendre ses responsabilités.

La prédation de l’Afrique
C’est donc à juste titre que Nfagnanama Koné a, dans sa note de lecture, comparé le travail que représente ce livre à un réquisitoire à charge contre les politiques néolibérales qui organisent la prédation de l’Afrique et plongent le continent dans le chaos. “L’Afrique mutilée, dit-il, file une métaphore, celle de l’excision pour mieux souligner l’indignation sélective des “démocraties” du Nord, horrifiées par les mutilations génitales, mais opportunément aveugles devant les diktats des institutions financières internationales qui sèment la mort sur le continent
depuis trois décennies” , a noté N’fagnanama Koné. En clair, renchérit-il, “l’Afrique mutilée” décrit les blessures d’une femme africaine devant une Afrique à genoux.
“La sauvagerie capitaliste, poursuit-il, se masque derrière le concept inique de développement au nom duquel les grandes puissances se sont toujours ruées sur le continent africain en manipulant toutes les contradictions locales propres à n’importe quelle population. Depuis les années 1960, la démocratie a été rendue impossible à instaurer de façon durable par suite des ingérences systématiques de la France, du Royaume Uni et des États-Unis d’Amérique”, a conclu N’fagnanama Koné dans sa note de lecture.
Pour l’auteur du livre,  l’Afrique humiliée  c’est d’abord une Afrique mutilée pour ses immenses ressources naturelles dont l’économie mondiale a cruellement besoin. “Les politiques de pillage de nos économies avec la complicité de dirigeants démocratiquement élus mais corrompus, ainsi que les réformes structurelles non concertées et non conformes aux besoins vitaux des populations sont mutilantes”, a déclaré Aminata Dramane Traoré à la cérémonie de présentation de l’ouvrage. Selon le leader altermondialiste, les femmes ne doivent plus se contenter à égaler les hommes, mais à aller au delà en instaurant la justice surtout. “Aujourd’hui nous ne pensons et n’agissons que par un Occident dépaysé, envahi par ses propres maux”, a-t-elle martelé.

Changement impératif au Mali
La présentation de cet ouvrage sur l’Afrique intervient dans un contexte pour le Mali, marqué par l’occupation d’une bonne partie du territoire, dans sa partie septentrionale, par des islamistes armés. C’est donc sans surprise que le sujet c’est invité dans les débats. Et surtout la question, Aminata Dramane est formelle : “le Nord du Mali est aujourd’hui occupé parce que nous avons perdu notre souveraineté (intellectuelle, économique, politique, culturelle, monétaire, militaire…) il y a très longtemps”.
“La transition qui s’amorce est une occasion historique d’imprimer au changement une direction qui va bien au-delà de la préparation des élections pour embrasser, en plus de la question essentielle de la libération du Nord de notre pays, celle primordiale de la décolonisation de notre pensée de nous-mêmes et du monde”, a déclaré l’ancienne ministre de la culture.
Pour Aminata Dramane, les difficultés que rencontrent les pays occidentaux doivent conduire l’Afrique à penser son propre modèle de développement. Car, dit-elle, ces pays n’ont d’autre choix que de vivre de la misère de l’Afrique et de la souffrance des Africains. L’altermondialiste d’ajouter que “l’Afrique mutilée” est l’expression utilisée pour parler de la gravité de la souffrance d’un continent martyriser qui ne trouve d’autre combat que de se confronter culturellement à un Occident qui ne se bat que contre l’égalité entre homme et femme, contre les mutilations génitales. Or, renchérit l’auteur, une mutilation en cache une autre.
Le Pr. Benoît Awazi Mbambi Kungua, universitaire canadien a, quant à lui, soutenu que ce livre devra constituer le bréviaire et le livre de chevet de tout Africain, et de façon urgente, de toute femme africaine. Car, il s’agit d’une véritable révolution épistémologique et une transmutation de paradigme, dans un style poétique, parfois lyrique. “Il propose une lecture bouleversante, féminine, maternelle et matricielle de la crise africaine post-coloniale exacerbée par la mondialisation marchande”, remarque le Pr. Benoit Awazi.
Un livre à lire absolument !
Issa Fakaba Sissoko

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