Dans le cadre de la recherche des solutions pour l’apaisement du climat sociopolitique en ébullition depuis l’entrée du mouvement du 5 juin- Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) dans la danse, la société civile n’est pas restée en marge de ces événements. Elle a participé aux rencontres d’informations et aux différentes marches respectives du 5 et du 19 juin 2020. Aujourd’hui, il est temps que cette organisation soit connue de tous.
Le professeur Issa N’Diaye dans son livre intitulé : ‘’silence, on démocratise’’ le phénomène de la société civile pose de nos jours des problèmes aussi bien sur le plan théorique que pratique à bon nombre de penseurs et surtout hommes politiques africains dans la perspective de la construction d’une société démocratique. La société civile est un concept difficile à cerner en raison des connotations diverses données à ce vocable. La société civile était essentiellement considérée comme une production des hommes, non un produit individuel, mais plutôt collectif. Produit qualitativement différent, elle fut la conséquence des rapports que les hommes eurent à tisser au cours même du processus de production des biens de consommation indispensables à leur existence. Elle désignait à l’origine, le niveau d’organisation de la société que les hommes furent amenés à se donner. Par la suite, le concept eut des fortunes diverses. De Rousseau à Hegel, elle fit tantôt référence à la politique, tantôt aux formes de gouvernement au sens large du terme, tantôt à la législation voire à la morale. Pour le philosophe allemand Karl Marx, elle désignait à la fois l’organisation de la famille, des différents groupes sociaux et classes, les rapports de production, de propriété et de répartition des biens produits. La société civile reflétait alors les formes, les modalités d’existence et de fonctionnement de la société.
La société civile au départ, comme l’ensemble des groupes sociaux est en dehors de l’État et des partis politiques. Elle ne saurait donc exister en tant que telle si elle n’est pas autonome par rapport à ces derniers. Elle s’en distingue principalement par sa vocation naturelle à ne pas entrer en compétition en vue de la prise du pouvoir et/ou son exercice. Par nature, la société civile n’est pas intéressée par le pouvoir et elle doit rester autonome par rapport à tous ceux qui cherchent à le conquérir ou à l’exercer.
La société civile rassemble essentiellement les organisations à caractère professionnel, les associations ou groupements à caractère économique, social, culturel, voire spirituel, groupements qui concourent soit à l’expression de l’opinion publique, soit à la défense des intérêts de l’immense majorité des citoyens. C’est le cas par exemple des syndicats ou de la presse à condition de ne pas être la caisse de résonance de l’État ou des partis politiques. C’est le cas aussi pour les associations multiples, les structures à caractère religieux comme les mosquées, églises, temples ou autres.
Mais, si la société civile est, par définition en dehors de l’Etat et des partis politiques, cela implique-t-elle qu’elle doit être apolitique ? La question mérite d’être posée en raison de l’ambivalence du terme et du contenu qu’on lui a souvent donné en Afrique. Si par apolitisme, on étend le fait d’être indépendant, autonome par rapport à l’état aux partis politiques, on peut répondre par l’affirmative à cette question. On peut donc dire que la société civile est apolitique dans la mesure où elle est autonome, indépendante de tout pouvoir d’État et de tout parti politique. Mais par contre, si apolitisme signifie interdiction absolue de parler de politique, refus de prendre position sur les problèmes politiques, il convient de répondre à cette question par la négative. Car, en réalité, la société civile joue fondamentalement un rôle politique dans la mesure où son action première consiste à se faire entendre et à peser dans le choix des alternatives politique susceptible de résoudre les problèmes qu’elle se pose ou qui sont posés à l’ensemble de la société.
On constate que les sociétés civiles ont souvent tendance à s’affirmer là où les forces politiques classiques (Etats, partis politiques) s’affaiblissent ou ont tendance à s’affaiblir et/ou n’arrivent pas à remplir leur rôle traditionnel. Par contre, chaque fois que nous avons affaire à des sociétés en crise, les sociétés civiles ont tendance à prendre de l’ampleur. Le phénomène devient inverse chaque fois qu’il y a des États forts qui prennent en charge les grandes préoccupations de la société avec plus ou moins de bonheur. Dans ce cas, l’influence de la société civile a tendance à reculer.
Seydou Diarra