Crise multiforme au Mali : Les enfants font face à l’insécurité alimentaire

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Le Mali connaît une crise multiforme sans précédent. Le nombre d’enfants victimes d’insécurité alimentaire et de malnutrition atteint des sommets, en raison de l’insécurité croissante, des chocs climatiques et viennent s’ajouter à cela les impacts de la pandémie du COVID-19.

Considéré comme l’une des régions les plus vulnérables d’Afrique, le Mali est un pays du Sahel central dont les indicateurs de développement sont parmi les plus faibles au monde.

La violence armée au Mali a des effets dévastateurs sur la survie, l’éducation, la protection et le développement des enfants. La hausse de l’insécurité a également aggravé les vulnérabilités déjà présentes dans les régions du pays (le Nord, le Centre, le Sud…), notamment les niveaux élevés de malnutrition et le manque d’accès à une eau salubre et à des installations d’assainissement.

Environ 7,4 millions de personnes dans les trois pays du Centre Sahel ne savent pas de quoi leur prochain repas sera fait. Si l’on compare avec les moyennes des 5 dernières années, l’insécurité alimentaire aiguë a augmenté de 225% au Burkina Faso, de 91% au Mali et de 77% au Niger.

Cette crise alimentaire ne peut pas être résolue sans accès à l’eau potable. Les pays du Centre Sahel enregistrent les taux de mortalité les plus élevés d’Afrique dus au manque d’eau potable, d’assainissement et d’hygiène.

Le Mali à lui seul fait l’expérience de la plus rapide croissance de déplacés, avec une augmentation de 37% de déplacés en ces 12 derniers mois. L’accès humanitaire s’est grièvement détérioré, de même que l’accès aux services essentiels, puisque l’insécurité a conduit à d’amples fermetures des centres de santé, écoles et marchés.

Venant s’ajouter à la situation déjà alarmante de la région, les impacts de la pandémie du COVID-19 ont aggravé la malnutrition et l’insécurité alimentaire. D’après des analyses récentes, le nombre d’enfants souffrant de malnutrition aiguë en 2022 pourrait augmenter de 21%. Ce qui représenterait 2,9 millions d’enfants malnutris dans 3 pays du Sahel (Burkina, Niger, Mali), dont 890 000 souffrant de malnutrition aiguë sévère. Et le Mali à lui seul compte 83 000 enfants qui souffrent de malnutrition.

À crise multiforme dans le pays, succession de décès… 

Déjà fragilisées par les chocs climatiques et confrontées à la violence armée, des populations maliennes sont contraintes d’abandonner leur terre et leurs moyens de subsistance, et se réfugier dans des communautés hôtes, qui doivent elles-aussi faire face à d’immenses défis. Le nombre de déplacés internes au Mali est passé de 350 110 de décembre 2021 à 370 548 personnes en avril 2022. Tous ces facteurs ont eu pour conséquence l’aggravation de la vulnérabilité, l’augmentation du nombre de personnes en insécurité alimentaire et nutritionnelle (un malien sur quatre). De juin à Août 2022, 1,8 million de personnes seront en insécurité alimentaire aiguë contre 1,33 million en 2021.

Au Mali, près de la moitié des décès d’enfants de moins de 5 ans sont liés à la malnutrition. La malnutrition expose les enfants à un risque beaucoup plus élevé de décès et de maladies graves, en particulier liées à des infections infantiles courantes, telles que la pneumonie, la diarrhée, le paludisme, le VIH/SIDA et la rougeole, en raison de l’affaiblissement du système de défense immunitaire lié à la malnutrition. La malnutrition chronique, ou retard de croissance, touche plus de 26% des enfants au Mali. Le retard de croissance à des effets à long terme sur le développement physique et cognitif de l’enfant, l’expose aux maladies courantes et entrave sa performance scolaire.

Le Mali a également l’un des taux les plus élevés de malnutrition aiguë au monde, et la malnutrition aiguë sévère – la forme la plus mortelle de malnutrition – touche un peu moins de 2% des enfants : plus de 160.000 enfants de moins de 5 ans vont avoir besoin d’un traitement en 2022. Chaque année, sur près de 9 millions de décès d’enfants de moins de 5 ans dans le monde, on estime que 3 à 5 millions sont imputables à la malnutrition.

Dans ce contexte déjà très fragilisé, au Mali, les interventions en matière de sécurité alimentaire et de nutrition doivent répondre aux besoins humanitaires d’urgence ; sans négliger les interventions essentielles pour renforcer les systèmes et les communautés dans la durée et permettre d’accélérer l’accès aux services de base.

Renforcer l’aide humanitaire et agir sur le long-terme

La crise alimentaire et nutritionnelle qui frappe les pays du Sahel a atteint son pic. Plus d’1 million d’enfants sont en danger de mort. Du coup, les dirigeants africains et les partenaires de développement sont appelés à intensifier leur réponse humanitaire.

Pour ce qui est du Mali, la hausse des prix mondiaux des denrées alimentaires, les faibles récoltes, le changement climatique et la crise multiforme dans le pays requièrent une action concertée de la part de l’État, pour renforcer la résilience à long terme.

Les risques augmentent pour les enfants au Mali à un moment où les traitements alimentaires thérapeutiques prêts à l’emploi qui sauvent la vie de tant d’enfants chaque année deviennent plus coûteux – et a augmenté de 16% au niveau mondial en raison d’une forte hausse du coût des matières premières.

Pour atteindre chaque enfant avec des traitements vitaux contre la malnutrition aiguë sévère, l’UNICEF appelle à une accélération de l’accès aux traitements vitaux pour les enfants touchés par la malnutrition aiguë sévère.

Ce qui nécessite que le Mali incluent le traitement de la malnutrition aiguë des enfants dans les programmes de financement de la santé et du développement à long terme, afin que tous les enfants puissent bénéficier de programmes de traitement, pas seulement ceux qui vivent dans des situations de crise humanitaire.

Mieux, le gouvernement malien et tous les partenaires doivent opérer un changement de paradigme ; intensifier la prévention et promouvoir des approches multisectorielles pour faire face aux multiples vulnérabilités sous-jacentes telles que l’insécurité alimentaire généralisée, les pratiques alimentaires et de soins inadéquates pour les nourrissons et les jeunes enfants, la nutrition maternelle inadéquate, l’incidence élevée des maladies infantiles, l’accès insuffisant à l’eau, à l’assainissement et aux services de santé, le genre et d’autres normes sociales, tous interagissant sur un terrain marqué par une pauvreté généralisée.

Enfin, les donateurs et les organisations de la société civile devront donner la priorité à un financement flexible pour la nutrition afin d’assurer un écosystème de soutien des donateurs diversifié, croissant et sain.  

En attendant, il est impératif pour les dirigeants du Mali de transformer les systèmes alimentaires pour que la sécurité alimentaire, une meilleure nutrition et une alimentation saine et abordable soient une réalité pour tous.

Jean Pierre James

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