Cour Pénale Internationale (CPI) : Après le procès d’Ahmad Ahmad Al Faqi, vivement ceux des auteurs de crimes contre l’humanité au Nord du Mali !

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Première comparution d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi devant la CPI
Ahmad Al Faqi Al Mahdi lors de son audience de première comparution le 30 septembre 2015 devant la Cour pénale internationale ©ICC-CPI

Le djihadiste d’Ahmad Al Faqi a comparu cette semaine devant la CPI pour répondre du crime de guerre portant sur la destruction des mausolées de Tombouctou. Ce procès très médiatisé a eu lieu pour rendre justice pour les crimes commis dans le Nord du Mali. Si ce procès est un pas vers la justice internationale qui devrait être rendue dans le cadre de la crise multidimensionnelle malienne, elle est loin d’être suffisante quant aux nombreuses autres exactions commises avant et pendant l’occupation dont les auteurs sont identifiés et dont le bureau du procureur de la CPI détient des éléments. Pour certains observateurs, le procès d’Ahmad Al Faqi est un procès de plus et juste mais anodin au nom de la paix par rapport aux réels crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis au Mali depuis 2012. Mais, ils dénoncent l’impunité envers les responsables de ces crimes.

Ce procès sur la destruction de mausolées classés au patrimoine mondial de l’humanité à Tombouctou constitue le premier pour ce type de crime à s’ouvrir devant la Cour Pénale Internationale sous l’incrimination « crime de guerre ».

En effet, il s’agit de la première fois que ces types de charges soient présentées dans une affaire devant la CPI. De l’analyse des juges de la CPI, le Statut de la Cour Pénale Internationale prévoit que peut être qualifié de crime de guerre « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades et des blessés sont rassemblés pour autant que ces bâtiments ne soient pas des objectifs militaires ».

Pourtant, les crimes en cause commis dans le cadre de la rébellion armée au Nord du Mali sont pour la plupart attribués à des groupes armés tels que le MNLA, Ansar Dine, AQMI, le MUJAO et diverses milices. La justice malienne, pour sa part, avait même émis en février 2013 des mandats d’arrêt à l’encontre de responsables du MNLA sur des motifs de crimes d’une extrême gravité à savoir: des crimes contre l’humanité, crimes de guerre, crime à caractère racial, régionaliste et religieux, assassinats, rébellion, terrorisme. Dans la foulée, le bureau de la CPI avait fait montre d’activisme dans le dossier malien, après sa saisine par l’Etat malien, notamment par les visites de la Procureure Fatou Bensouda au Mali en août et en octobre 2012 pour « rassembler des preuves ». L’on se souviendra que dans son rapport, le Bureau du Procureur de la CPI avait présenté un aperçu des crimes commis au Mali depuis janvier 2012. La plupart de ces crimes allégués ont été commis dans les régions de Gao, Tombouctou et Kidal. Des groupes armés avaient perpétré de graves violations du droit international dans le contexte d’un conflit armé non international éclaté le 17 janvier 2012. Déjà à cette date, le nombre de meurtres avait atteint son seuil de crime au droit international humanitaire avec l’exécution de plusieurs soldats maliens  à Aguelhok. Par la suite, des pillages suivis de destruction de biens publics et des viols ont été perpétrés en mars/avril de la même année par les groupes armés du MNLA qui avaient pris le contrôle des régions du Nord avant d’être délogés par le MUJAO qui a aussi infligé de graves châtiments aux populations civiles et perpétré aux destructions d’édifices religieux de Tombouctou.

Après ce procès, le premier lié au conflit malien et le premier où un accusé reconnaît sa culpabilité, le procureur de la CPI doit faire preuve de sincérité, elle qui a déclaré en marge de ce procès « qu’aucune personne ayant détruit ce qui incarne l’âme et les racines d’un peuple ne devrait pouvoir échapper à la justice ». Elle doit donc aller plus loin en traduisant les autres auteurs des crimes devant la Cour conformément aux critères juridiques énoncés dans le Statut de Rome. Dans un entretien qu’elle a accordé à l’envoyé spécial du ‘’Studio Tamani’’ à la Haye, la Procureure de la CPI dit ne pas « exclure l’éventualité d’autres poursuites contre Al Faqi et d’autres personnes». Le bureau du procureur qui a admis la requête en la matière bénéficie de la coopération que requiert son activité.

Zoom sur les crimes relevant de la compétence de la CPI

Selon le statut de Rome, la Cour a pour mandat de juger des personnes (non des États) et d’obliger ces personnes à rendre des comptes pour les crimes les plus graves touchant l’ensemble de la communauté internationale, à savoir le crime de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime d’agression. Tout individu, groupe ou État peut envoyer des informations au Bureau du Procureur concernant des crimes présumés relevant de la compétence de la Cour. À ce jour, le Bureau a reçu plus de 10.000 communications à ce titre, lesquelles peuvent servir de fondement aux examens préliminaires du Bureau.

Le Bureau procède à un examen préliminaire pour déterminer s’il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête.

Dans le cadre de cet examen, le Bureau est tenu d’évaluer et de vérifier un certain nombre de critères juridiques, notamment les suivants : vérifier que les crimes ont été commis après le 1er  juillet 2002, date d’entrée en vigueur du Statut de Rome, traité fondateur de la Cour ; déterminer si les crimes ont été commis sur le territoire d’un État partie ou par un ressortissant d’un État partie (sauf si la situation a été déférée par le Conseil de Sécurité) ; s’il s’agit de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou d’un génocide ; évaluer la gravité des crimes ; vérifier qu’il n’y a pas d’enquête ou de poursuites en cours pour les mêmes crimes à l’échelle nationale ; et examiner s’il y a des raisons de penser que l’ouverture d’une enquête ne servirait pas les intérêts de la justice et des victimes.

En ce qui concerne le dossier malien, on peut relever tant des crimes de guerre que des crimes contre l’humanité. Les crimes contre l’humanité incluent des actes commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque. La liste de ces actes recouvre, entre autres, les pratiques suivantes : meurtre, extermination, réduction en esclavage, emprisonnement, torture, viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable…

Quant aux crimes de guerre, ils visent les infractions graves aux Conventions de Genève ainsi que d’autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux et aux conflits « ne présentant pas un caractère international », telles qu’énoncés dans le Statut de Rome, lorsque ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou sont commis sur une grande échelle. On peut citer, entre autres, parmi les actes prohibés : le meurtre, les mutilations, les traitements cruels et la torture ; la prise d’otages ; le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile ; le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques ou des hôpitaux ; le pillage ; le viol, l’esclavage sexuel, la grossesse forcée ou toute autre forme de violence sexuelle ; le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées ou dans des groupes armés ou de les faire participer à des hostilités.

Après le procès contre Ahmad Al Faqi Al Mahdi alias Abou Tourab, vivement d’autres procès contre les auteurs potentiels des exactions sur des populations civiles, des cadres de l’administration et des militaires commises par les mouvements armés au Nord !

Daniel Kouriba

 

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