Coup de la vie : Hommage à Ama

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Nounou depuis l’âge de douze ans, Ama a su, par son travail, gagner le respect et la considération de ses patrons. Venue du Nord-Est du pays pour chercher sa pitance quotidienne, elle s’est investie dans cet emploi pour un salaire mensuel de vingt mille francs. Chaque mois, elle envoyait la moitié de ses gains à sa mère restée au village et déposait huit mille francs sur un compte d’épargne que lui avait ouvert sa patronne.

Madame Ahoulou, sa gentille patronne, la considérait comme sa propre fille, car elle avait vu naitre les enfants du couple Ahoulou. Ainsi donc, en plus de son salaire, elle lui faisait de très importants dons. Chaque jour, Ama faisait le ménage, allait au marché, cuisinait et s’occupait des enfants, sans rechigner. Elle le faisait avec délicatesse et amour.

Le couple Ahoulou, l’aimait et lui vouait une confiance aveugle. Cette affinité de plusieurs années avait un jour amené les Ahoulou,sa à effectuer le déplacement jusqu’à Agnibilékro lorsque la mère d’Ama avait rendu l’âmes mère constituait, seule, sa famille, et sa mort avait bouleversé la vie de cette jeune femme. Après les obsèques, il avait fallu plusieurs mois pour qu’Ama se remit de cette perte. Grace au couple Ahoulou, qui était à ses petits soins.

A vingt-trois ans, Ama était devenue une femme mure. Son salaire était passé de vingt mille à trente-cinq mille francs. Sa mère n’étant plus de ce monde, elle épargnait trente mille francs et gardait cinq mille pour ses besoins. Elle rêvait de s’installer plus tard dans son village afin de se lancer dans le commerce de pagnes. Pour cela, elle travaillait dur dans le but de faire plaisir à ses employeurs qui étaient de plus en plus reconnaissants. Cependant, chez le voisin  d’à côté, Ama tombera sous le charme de Jules, un jeune homme venu tout droit du village après son échec au bac.

Jules était venu s’installer chez son oncle à la retraite pour chercher du travail. Il était loin de s’imaginer les difficultés que rencontrait l’oncle. A la retraite depuis une dizaine d’années, l’homme avait du mal à subvenir aux besoins de sa propre famille. Ils partageaient un seul repas par jours. Il n’y avait ni eau, ni électricité chez lui. Il croulait sous le poids des dettes.

Le Mauritanien du quartier menaçait de l’emmener au commissariat, car il lui devait beaucoup d’argent. Pour prendre une douche, la famille s’approvisionnait en eau dans un puits creusé par un particulier pour son chantier. Les lampes et les bougies n’avaient pas de secret pour eux. C’est dans cette ambiance que Jules avait atterri à Abidjan. Déçu par sa nouvelle vie, Jules répondit aux appels du pied d’Ama.

Depuis l’arrivée de Jules, Ama ne tenait plus en place. Elle se faisait plus coquette dans le but de le séduire. Consciente des difficultés des voisins, elle s’érigea en bienfaitrice. En l’absence de ses patrons, elle donnait de l’eau potable aux voisins. Les trois repas de Jules étaient assurés par elle. Son argent de poche aussi. Petit à petit, le jeune homme se démarque des autres.

Ayant remarqué l’intérêt grandissant d’Ama à l’endroit de Jules, Madame Ahoulou, inquiète, lui donna des conseils de mère, mais l’amour étant aveugle, la nounou n’avait point d’oreille pour écouter la voix de sa patronne. Seul Jules avait de l’intérêt à ses yeux. Elle l’habillait, le nourrissait et partageait avec lui sa paye. Toute sa famille profitait des largesses d’Ama.

Madame Ahoulou, Ahoulou, voyant que ses provisions finissaient plus tôt que prévu, mit en garde Ama qui, presque chaque jour, recevait Jules chez elle pour des moments d’amour intenses pendant que son rendement baissait considérablement. Sa patronne avait alors embauché une autre fille, car elle n’avait pas le courage de renvoyer Ama, vu qu’elle était orpheline.

Dans sa quête d’emploi, Jules avait épuisé toutes les économies de son amante qui, chaque jour, lui remettait deux mille francs pour ses courses. Il avait promis l’épouser et faire d’elle une dame respectable dès qu’il obtiendrait du boulot. Elle débordait donc d’amour pour Jules.

Une année après son arrivée du village, Jules obtient un boulot de gérant de pressing. Sa vie changea. Il semblait maintenant plus responsable qu’auparavant et Ama était fière de lui. Les patrons de Jules, ayant remarqué son sérieux au travail, lui confièrent la gestion d’un bar climatisé. Avec ses nouvelles responsabilités, il s’était loué un studio à Yopougon. Ama informa donc  ses employeurs de son imminent départ de chez eux. Elle comptait vivre avec son amoureux. Jules qui se faisait de plus en plus rare, mettait cela sur le compte du manque de temps. Ama l’attendait avec une certaine sérénité, surtout qu’elle portait fièrement une grossesse de lui. Mais plus la grossesse évoluait, plus Jules était invisible.

S’étant rendue une nuit chez Jules, Ama fut confrontée à la réalité. Jules vivait avec une autre, Madeline, celle avec qui il était au village. Cette dernière, connue de tous ses parents, était considérée comme son épouse, d’autant plus qu’elle venait du même village qu’eux. Ama n’avait que ses yeux pour pleurer. Elle fut chassée par Jules qui lui fit comprendre qu’elle n’était pas la bienvenue.

Quand Madame Ahoulou, sa fut informée, elle entra dans une vive colère en demandant à Ama de s’installer chez l’oncle de Jules, là où tout avait commencé. Elle espérait ainsi les amener à obliger Jules à prendre ses responsabilités. C’était sans compter qu’ils étaient des hypocrites. Ils cautionnaient tous le comportement de Jules, leur choix s’étant porté sur Madeleine. Cette dernière, ayant appris qu’Ama vivait chez sa belle-famille, se mit sur son trente et un pour aller la narguer. Presque tous les deux jours, elle se présentait avec des repas qu’elle confectionnait pour ses beaux-parents. Ceux-ci la recevaient avec enthousiasme en ignorant Ama.

Le jour de son accouchement, n’eut été le concours de Madame Ahoulou, Ama mourrait. Jules n’avait pas répondu aux appels d’Ama, Madeleine l’en ayant empeché. Madame Ahoulou couvrit tous les frais hospitaliers et même vestimentaires. Après l’accouchement, Ama était toujours chez ses beaux-parents. Madame Ahoulou lui venait souvent en aide, mais préférait que chacun assume sa part de responsabilité.

Le chagrin qui rongeait Ama eut raison de sa santé. Elle tomba gravement malade. Jules  ne lui avait pas rendu visite une seule fois. Avant de rendre l’âme, Ama a dit ceci : « Jules et Madeleine n’auront jamais la paix dans ce bas monde. Je veillerais à ce qu’ils me rejoignent au plus vite ».Telles ont été ses dernières paroles. Madame Ahoulou récupéra l’enfant d’Ama sans même que quelqu’un le réclame. Jules et Madeleine se sentaient libres désormais. On les voyait bras dessus, bras dessous, se pavanant dans le quartier.

Un après-midi, après avoir rendu visite à son oncle dans sa nouvelle voiture, Jules n’avait même pas demandé des nouvelles de son fils. Sur le chemin du retour, il tomba sur un braquage. Des bandits, dans leur fuite, tirèrent plusieurs coups de feu. Malheureusement, Madeleine reçut une balla perdue à  la poitrine. Avant d’arriver à l’hôpital, elle mourut.

Deux mois après le décès d’Ama, Jules fut anéanti par la brusque mort de Madeleine. Le traumatisme étant insupportable pour lui, il était méconnaissable. Son rendement au travail chuta et ses patrons se séparent de lui. Il se mit à boire et à déambuler dans le quartier, à la recherche d’Ama. Finalement, il fut retrouvé mort, lui aussi, dans un caniveau, après une nuit bien arrosée…

La Rédaction

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