Démarré le 1er janvier 2020, le projet Occipre est une initiative d’un consortium composé d’Amnesty International Mali, Tuwindi et Free-Press qui durera 30 mois. C’est dans cette dynamique qu’ils ont lancé le 24 juin 2020 une plateforme nommée Sira et bien avant cela, ont commencé des sessions de formation sur le journalisme d’investigation et des droits humains à l’endroit des médias et bloggeurs.
Le projet Occipre a pour objectif de contribuer à l’avènement d’une société malienne démocratique et inclusive dans laquelle tous les citoyens jouissent des droits fondamentaux consacrés par les textes nationaux et internationaux. Il veut contribuer à la lutte anti-corruption au Mali à travers l’instauration d’un système de surveillance et de documentation digitale et mobile sur des violations des droits humains, des crimes économiques et des cas de corruption, pour ainsi faciliter l’accès à la justice à travers la veille citoyenne et le plaidoyer.
Selon la directrice exécutive d’Amnesty international Mali, Ramata Guissé, au moins 1500 cas de violations des droits humains seront documentés et mis à la disposition du public. Elle ajoute que la collecte, la documentation et la dénonciation des crimes économiques et des cas de corruption par la presse malienne seront accrues.
“Les groupes cibles sont les défenseurs des droits de l’homme atteignant 825 observateurs et activistes, 115 journalistes maliens à la télé, radio, presse écrite ou en ligne, 66 blogueurs maliens et 1 million d’internautes“, a-t-elle informé.
Le projet Occipre attend comme d’autres résultats, l’accroissement du nombre de dialogue inclusif et de veille citoyenne entre les élus nationaux et locaux maliens et les internautes.
Le nombre d’investigations journalistiques sur la base de data digitale sur des droits de l’homme, des crimes économiques, de la corruption, de l’impunité et de la bonne gouvernance au Mali seront accrus. Les journalistes, les cybers citoyens, les lanceurs d’alerte, les défenseurs des droits de l’homme et les victimes des violations des droits humains, auront un meilleur accès à la justice. Les victimes des violations des droits humains bénéficieront d’une meilleure prise en charge médicale et psychologique dans une très grande discrétion pour leur honneur et sécurité.
“Le peuple malien aura accès à des sources d’informations fiables tout en étant habilité à y contribuer de manière participative, inclusive et diverse. Ces ambitions seront concrétisées dans 3 plateformes numériques. Xensa sera mise à disposition des internautes maliens pour la veille citoyenne. Sur Kenekanko, les lanceurs d’alerte maliens pourront bientôt signaler de manière sécurisée aux journalistes d’investigation les cas de corruption et des crimes économiques. Et Sira sera la plateforme de collecte et de documentation pour lutter contre les violations des droits de l’homme au Mali, créant ainsi une base de données accessible à tout le monde“, a dit Jens Kiesheyer, représentant de Free Press.
L’amplification des violations de droits humains, aux proportions inimaginables, de la corruption flagrante au Mali, l’impunité, sont les causes suffisantes de la mise en œuvre du projet Occipre.
Depuis 2012, la crise politico-sécuritaire du Mali a provoqué plusieurs violations de droits humains. En 2019 le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’Onu au Mali Ocha a recensé dans son rapport plus de 600 morts.
Ces violations de droits tournaient couramment autour des meurtres, viols, amputations, mariages sous l’occupation des djihadistes au nord en 2012.
3 ans après la signature de l’accord d’Alger et le retour de l’armée malienne dans le nord, les mêmes violences se sont déplacées vers le centre. Le rapport 2018 de la FIDH identifie le Centre du Mali comme la région la plus dangereuse du pays, avec 40 % de toutes les attaques commises. Au-delà des attaques terroristes, les affrontements ont pris une tournure ethnique et intercommunautaire.
Selon “Corruption perception index“ publié par Transparency international, en 2018, le Mali a occupé la 120è place sur un total de 180 pays avec un score de 32 sur 100. Ces études qualifient ainsi le pays comme très corrompu mais avec une légère tendance positive d’amélioration. Selon une récente étude canadienne, le montant de 1,13 milliard d’euros (environ 700 milliards de F CFA) ont été dépensés de manière irrégulière par les autorités maliennes au cours de la période 2005-2017. Ce montant représente 4,4 % des dépenses totales du gouvernement au cours de cette période.
Le rapport d’enquête de Friedrich Ebert Stiftung de mars 2019 a démontré les domaines les plus concernés par la corruption au Mali. Ces secteurs concernent la justice avec 55,4 %, suivi de la police 49,9 %, la douane 27,7 % et les autres services publics 32,3 %. L’enquête a aussi touché les localités où le taux de corruption est le plus élevé. Il s’agit de la région de Tombouctou qui remonte à 80,6 %, le district de Bamako à 58,3 %, Gao à 57,6 % et Mopti 57,6 %.
Fatoumata Kané