Coronavirus au Mali : Les citoyens partagés entre habitudes sociales et survie économique

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Longtemps redouté, finalement advenu. Le Mali n’aurait pu être épargné par le coronavirus, qui est devenu très rapidement une pandémie. Aujourd’hui, alors que la tendance mondiale est au confinement et au respect strict des mesures sanitaires, le Mali, et les pays africains de façon générale, peut-il valablement appliquer la prévention ? Entre survie économique et limitation de plus en plus croissante des flux humains, le pays s’apprête, une nouvelle fois, à faire face à des jours difficiles.

Aux premières heures de l’épidémie et jusqu’à très récemment, les Maliens n’avaient pas pris toute la mesure de la gravité du Covid-19. Et même maintenant qu’elle est devenue une pandémie, ces derniers, bien qu’au fait des mesures sanitaires à observer, continuent de vaquer pour la plupart à leur occupation. En même temps, le confinement largement observé dans bon nombre de pays européens n’est pas encore en vigueur dans la sous-région ouest-africaine. En revanche, des couvre-feux sanitaires sont observés. Et d’ailleurs, le confinement tel qu’on le constate en France, en Espagne ou même en Arabie Saoudite, peut-il être appliqué au Mali, au Sénégal ou encore en Guinée Conakry ?

En Afrique, les réalités sont toute autres. Sur le plan social, les prises de thé quotidiennes, les franches poignées de mains, et les vendeuses de jus bissap continuent malgré l’alerte sanitaire émis par les autorités. Et sur le plan économique, la règle depuis presque toujours, c’est de vivre au jour le jour en multipliant les déplacements et les rencontres avec les potentiels clients. L’informel y est plus actif que le formel. Et très peu de subsahariens peuvent se permettre le luxe de « télé travailler », c’est-à-dire, travailler à partir de la maison par vidéos interposées.

Autant dire que l’Afrique est mal outillé pour faire face au coronavirus, défi scientifique imposé au monde entier, puisque jusqu’à l’heure, aucun vaccin ne put être trouvé. Sans oublier, bien évidemment, les systèmes de santé en place, avec un plateau technique vétuste, voire inexistant, et des moyens financiers très limités.

Mais, pour une des rares fois, diront beaucoup d’africains, le destin semble du côté du continent noir. Car jusque-là, les pays africains sont très peu touchés par le virus. Le gros lot des contaminations et des décès liés au Covid-19 se trouve en Asie, en Europe et aux Etats-Unis d’Amérique. Dès lors, il faut tordre le cou aux idées reçues selon lesquelles la chaleur anéantirait le virus ou encore, que la maladie ne saurait toucher un africain. La maladie n’est point raciste. Et il suffit que le virus soit en contact avec un individu donné pour qu’il soit touché à son tour. La vérité est que si les pays développés ont du mal à endiguer ce fléau sanitaire avec tous les moyens dont ils disposent, des motifs d’inquiétudes sont à avoir concernant les pays africains.

Le cas du Mali est particulièrement inquiétant. Le pays est en proie depuis près de 10 ans à une crise multidimensionnelle. Et celle sécuritaire est particulièrement violente, aggravée par des conflits intercommunautaires d’une rare violence. De plus, le mercure social avait atteint des sommets jamais égalés notamment à cause de la crise scolaire en cours depuis des années. Et depuis le mercredi 25 mars, le pays est à son tour touché par le coronavirus et doit désormais emboiter le pas aux autres pays sur le plan sanitaire. Les autorités en place ne savent plus où donner de la tête surtout que l’épée de Damoclès de la communauté internationale planait depuis un bon moment sur le pays concernant l’organisation des législatives, indispensables pour un retour à la normale. Le tout dans un contexte où la chose politique était devenue le dernier soucis des Maliens. D’où le taux fantomatique de participation aux législatives.

Qu’à cela ne tienne, le fatalisme n’est point une conduite à tenir. Il faut suivre autant que possible les mesures de prévention sanitaires dictées par l’Etat avant de compter sur la providence. Et qui sait, peut-être que d’ici le mois de Ramadan, la situation change du tout autre, de la morosité pessimiste à l’espoir gai.

Ahmed M. Thiam

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