« La maison commune est ébranlée, affaiblie, humiliée. Elle tremble dans ses fondements depuis au moins une décennie. Oui, il ne faut pas avoir peur des mots : le Mali est ébranlé, piétiné, humilié. Ebranlé, Affaibli, humilié par ses propres enfants, par nous-mêmes, par personne d’autre que nous-mêmes. Et nous ne pouvons continuer, de manière incantatoire, à garder la tête dans le sable et à répéter sans chercher à empêcher le naufrage, à nous convaincre que le navire pourrait tanguer mais qu’il ne chavirerait jamais. Il peut chavirer et il chavirera si nous continuons à le faire tanguer. Alors, si nous voulons survivre en tant qu’Etat, en tant que nation, nous devrons, sans perdre plus de temps, nous remobiliser ». Au regard du conflit qui oppose les Patrons des entreprises pour le contrôle du Conseil national du patronat du Mali (CNPM), il est clair que ses propos de Ba N’daw, Colonel-major à la retraite, tenus lors de son investiture comme Chef d’Etat de la transition au Mali, sont tombés dans des oreilles de sourds du côté du CNPM. Et, si rien n’est urgemment entrepris, le Mali va devoir désormais compter avec deux structures représentatives du patronat.
« Comme des chiffonniers, les patrons d’entreprises maliens se battent », pour le contrôle du CNPM. Et, malheureuse dans cette guerre regrettable et dommageable, l’usage d’aucune arme n’est interdit. C’est à la guerre comme à la guerre. Et, du coup, l’on a l’impression que tout est mis en œuvre pour que le Mali figure dans le Livre Guinness des records, avec la palme du pays par excellence où toutes les structures, qu’elles soient politiques, sociales, culturelles, associatives ou même confessionnelles, sont été divisées.
Jusque-là préservé par le syndrome de la division, évité à maintes reprises par le passé, le CNPM depuis quelques jours, donne des signes d’une fébrilité avancée, à l’allure de symptômes avant la grande division. A l’allure où vont les choses, la structure faîtière des patrons d’entreprises maliennes, pourra difficilement échapper à la division.
Et, avec ce conflit annoncé au CNPM, le réveil sera brutal pour de nombreux maliens qui pensaient que les patrons d’entreprises maliennes étaient au dessus de la mêlée. Malheureusement, ce conflit annoncé vient nous rappeler que malgré leurs fortunes estimées souvent à plusieurs milliards de FCFA pour les plus pauvres d’entre eux, que les patrons maliens sont comme le commun des maliens : incapables de s’élever pour la préservation et construction de l’intérêt général. Au détriment de l’intérêt général, chaque malien est désormais engagé dans une campagne « prodomo », afin de faire bouillir que sa seule marmite.
Est-ce que la satisfaction de la seule ambition personnelle pourrait expliquer l’actuel bras de fer entre Diadié Sangaré et Mamadou Sinsy Coulibaly, dans le contrôle de la Direction du CNPM ? Sûrement, des explications sont ailleurs ? Si non des citoyens maliens qui ont bâti leurs différentes entreprises sans le CNPM et loin du CNPM, ne peuvent pas du jour au lendemain embarquer le pays dans une aventure incertaine et à issue fatale pour l’image du Mali et leur propre image.
Et, ce qui est dommageable, on a l’impression que les deux camps ont fait le choix de la technique de la terre brulée. Si non comment comprendre tout ce vacarme qui donne l’impression aux maliens que leurs patrons tant respectés ont décidé d’élire domicile dans des foires d’empoigne.
Comme si le CNPM n’a jamais été doté de textes clairs et nets. Tous, les interprètent à leurs guises, donnant du coup la chance à de grands opportunistes de se croire dans un lupanar où l’on peut vendre sa voix comme on y vend son charme au plus offrant. Si non comment expliquer cette histoires jamais élucidée des doublons sur les listes de candidatures. Quand on a été inscrit sans son accord sur une liste, la voix d’huissier serait la mieux indiquée pour porter la contestation à qui de droit. Mais, non. On a l’impression que des patrons maliens très peu sérieux ont décidé de figurer sur les deux listes, pour ne pas perdre de privilèges. Histoire d’avoir un pied dedans et un pied dehors. Et, quelque soit le gagnant, ils vont préserver leur présence dans le bureau du CNPM. Dans ce cas, les seuls perdants seront les têtes de listes. Où est le sérieux ? Ceci est une raison plus que valable pour ne pas tenir des élections. Mais, de grâce, pourquoi avoir attendu la veille des élections pour poser le problème et l’utiliser comme motif de report des élections?
Pire que le renouvellement du bureau d’une petite association de quartier, englués et aveuglés par la réalisation de leurs intérêts personnels qui riment forcement avec des ambitions inavouées, mais souvent démesurées, les grands patrons du Mali, loin d’être des démocrates adulés, ont usé de mauvaise fois, pour réunir les conditions d’un blocage afin d’atteindre leurs objectifs : la création de deux CNPM au Mali.
Sans dire que tel ou tel autre camp a raison, nous sommes au regret de constater à l’analyse des faits que chacun des camps avait fourbi ses armes pour mieux avoir l’autre au tournant. Et, au regard du conflit actuel, en toute honnêteté, ils doivent tous se reprocher quelque chose.
Convaincu de sa suprématie et placé sur un nuage par les propos flatteurs des milliers de courtisans qui louent sa largesse tant ils lui sont redevables, nous croyons que Diadié Sangaré n’a pas eu le temps de voir le piège qui lui a été tendu par le camp de Mamadou Sinsy Coulibaly. Si non, il allait peser de tout son poids pour convaincre ses partisans afin de battre le président sortant dans une élection dont-t-il aura refixé la date. Mais, malheureusement, l’on a préféré faire choix d’un conflit qui va se trancher devant la justice. Et, au pire des cas, avoir son Conseil national du patronat, avec ses hommes et femmes.
Pour sa part, sentant sa perte annoncée, Mamadou Sinsy Coulibaly, comme un vieux singe à qui ont apprend pas à faire la grimace, a usé de ruse pour retarder l’échéance. Et, mieux, convaincu que son adversaire a travaillé à la création de certaines structures pour se donner une majorité mécanique, tout porte à croire qu’il a fait le choix de deux CNPM. Le refus de battre campagne de Mamadou Sinsy Coulibaly n’est pas anodin. Il avait sa petite idée sur la suite à donner aux évènements. Et, il a réussi. Il s’accroche aux textes comme un naufragé qui s’accroche à un nénuphar. Pourvu qu’il sorte de cette impasse.
Difficilement, Diadié Sangaré et ses hommes, s’estimant déjà investi par une première Assemblée générale, pourront accepter de se présenter à une deuxième Assemblée générale convoquée par le président sortant. Et, surtout quand on apprend que la liste de candidature de Diadié Sangaré est incomplète. Cela voudrait simplement dire qu’à la date de l’élection sa candidature sera rejetée, s’il ne l’a complétait pas à temps. Et, du coup, le président sortant sera le seul candidat à sa succession. Donc, forcement réélu.
Et, on va assister à une longue phase de procédure judiciaire, dont l’issue ne sera que la création d’un deuxième patronat du Mali.
Assane Koné