Contre les mutations génitales féminines : Pas de fonds sans la loi, tranchent les partenaires

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La lutte contre les mutilations génitales (MGF), notamment l’excision, est devenue aujourd’hui un moyen de pression politique et économique pour certains partenaires techniques et financiers. Certains d’entre eux sont en train de bloquer les fonds afin de pousser le Mali à adopter une loi contre ces fléaux. Mais, pour le moment, le gouvernement reste ferme sur son approche. Qui aura le dernier mot ?rn

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« Partout où je partais en Occident, on me harcelait de questions sur l’absence d’une loi contre l’excision. Finalement, j’ai été obligé de faire adopter une loi contre ce fléau pour voyager tranquillement » ! La confidence est du chef d’Etat d’un pays voisin. On espère que le nôtre ne sera pas contraint à la même chose. En tout cas, la pression de certains bailleurs de fonds se fait pressante. Une pression qui a commencé avec l’organisation par notre pays de la conférence sous-régionale sur le thème, « les mutilations génitales féminines et la mise en œuvre du protocole de Maputo » (du 21 au 22 février 2006).

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En réalité, l’une des raisons du choix du Mali était de pousser notre pays à adopter, le lendemain, une loi contre l’excision. Cette attente était tellement forte au niveau de certains organismes onusiens et des ONG, qu’une rencontre similaire organisée à Djibouti en 2005 avait amené ce pays à légiférer contre les MGF. Il s’agissait surtout de faire un plaidoyer auprès des parlementaires et des magistrats afin de déterminer un chronogramme devant aboutir à l’adoption d’une loi.

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« Le moment est venu pour nous, pays africains, de transformer nos ratifications des traités internationaux et de passer à l’action en adoptant des mesures légales qui constituent un élément fondamental d’un environnement protecteur, témoin d’un engagement politique très fort. La loi pourrait avoir une force de dissuasion morale sur les membres de la société qui serait suffisante pour pousser certains individus à abandonner une pratique rendue criminelle par l’Etat », avait souligné le représentant de l’Unicef à la cérémonie d’ouverture de la conférence sous-régionale de Bamako.

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« Le travail de sensibilisation au sein des familles et des communautés est mené avec énergie et réussite au Mali… Pour soutenir les efforts des acteurs, le gouvernement et le Parlement maliens doivent se pencher, à l’occasion de cet événement, sur l’opportunité d’une législation interdisant l’excision », avait souhaité Mme Emma Bonino dont l’ONG, No Peace Without Justice, était l’un des principaux bailleurs de fonds de la conférence de Bamako.

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« Bamako n’a pas voulu s’engager dans cette voie en privilégiant l’approche de la sensibilisation et l’éducation. Ce qui fait qu’aujourd’hui, la lutte contre les MGF ne mobilise plus les traditionnels bailleurs de fonds qui sont en train de nous couper leurs financements », explique un responsable d’ONG.  Cette pression politique et financière est d’autant forte qu’une bonne partie des pays de l’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Conakry, Niger, Sénégal…) a adopté une loi contre les MGF.

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Le terreau de la clandestinité

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Faut-il adopter une loi et voir la pratique basculer davantage dans la clandestinité ? Les expériences des autres pays ont-elles été porteuses ? Le pays est-il prêt à aller vers l”adoption de cette loi ? Loin s”en faut ! Le Mali ne veut pas adopter une loi pour le plaisir de faire comme les autres. Ce refus est aussi motivé par le fait que les résultats obtenus par les pays qui ont adopté une loi comme instrument de lutte ne sont pas meilleurs à ceux du Mali. Le récent drame intervenu au Burkina Faso a prouvé que la législation n’est jamais un bouclier tant que la mentalité demeure ancrée dans les mentalités.

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De façon générale, le taux d’excision baisse de 3 points chaque année en Afrique de l’Ouest. Un rythme soutenu par le Mali alors que des pays disposant d’une législation stagne (Sénégal) ou recule même (Burkina Faso). Malgré le fait que le Burkina Faso soit « le pays qui emprisonne le plus » sur l’excision, la pratique des MGF y gagne du terrain. Elle stagne au Sénégal qui est pourtant cité en référence par ceux qui veulent contraindre le Mali à adopter une loi. Et pourtant ce pays dispose d’un d’environnement très favorable car ses deux ethnies majoritaires (Ouolofs et Sérères) pratiquent très rarement l’excision. Et pourtant de 1990 à nos jours, le Sénégal est à 25 % des femmes ou filles excisées.

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Selon de nombreux sociologues que nous avons rencontrés, criminaliser une pratique ancestrale, c’est pousser ceux qui la pratiquent dans la clandestinité. « Les faits de société ne peuvent être réglés par des lois », avait dit l’ancien Premier ministre du Mali, Ousmane Issoufi Maïga, en recevant le directeur régional de l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. C’était en marge de la Consultation régionale de Bamako sur la violence faite aux enfants. Une déclaration conforme à la démarche privilégiée par le Mali préconisant « une concertation à valeur pédagogique et qui tient compte des réalités socioculturelles du pays ».

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Le Mali et le groupe des partenaires techniques et financiers (PTF) s’opposent surtout sur une question d’approche. Les PTF se focalisent sur la répression tous azimuts. Notre pays préfère mettre l’accent sur le déterminant culturel. Il a privilégie donc une démarche culturelle et consensuelle. Le combat contre une pratique bien ancrée dans les mentalités nécessite avant tout le changement de comportement. Et en la matière, la loi n’est pas une panacée dans la mesure où elle n’empêche pas ceux qui croient à l’importance socioculturelle des MGF d’y renoncer.

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Le gouvernement, premier bailleur

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Le Mali pourra-t-elle longtemps résister à la pression du groupe de PTF ? Ce ne sont pas les raisons les financières qui vont en tout cas pousser le pays à abdiquer parce que, jusqu’à preuve du contraire, le gouvernement est le premier pourvoyeur de fonds contre les MGF. Ce qui fait d’ailleurs que, malgré le blocus financier de certains organismes internationaux, le Programme national de lutte contre l’excision (PNLE), l’un des rares services techniques en la matière dans notre sous-région, poursuit ses activités. En instituant cette dernière structure en 2002, le président Alpha Oumar Konaré avait beaucoup insisté sur son autonomie financière. Il voulait surtout éviter qu’on croit que le Mali prend l’argent avec des bailleurs pour combattre sa propre culture.

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Aujourd’hui, le Mali peut également compter sur l’appui du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) qui s’est désolidarisé des PTF en leur rappelant qu’ils n’ont pas mission d’imposer quoi que ce soit à un pays, mais de l’accompagner dans la voie qu’il a choisie.

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Moussa Bolly

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