Rébellion et occupation des régions du nord, crise politique consécutive au coup d’Etat : ce sont là deux évènements qui ont provoqué et continuent de provoquer des réactions au sein des populations. Aujourd’hui, les Maliens sont confrontés à une crise économique sans précédent. Comment les Bamakois perçoivent-ils cette situation ? Reportage.
Ibrahima Sériba Bamba, chômeur :
« Tout mon espoir a été brisé»
Le coup d’Etat du 22 mars dernier a brisé tout mon espoir. D’abord, il m’a fait rater une parfaite aubaine d’embauche après 2 ans de chômage quand je m’apprêtais à rencontrer mon employeur pour l’entretien d’embauche, aujourd’hui reporté sine die. Pis, aujourd’hui encore, les cours privés que je dispensais aux enfants en vue subvenir à mes petits besoins ne sont plus rentables. Les parents d’élèves se plaignent de la crise et n’arrivent à payer les frais de cours de leurs enfants. Au-delàs, les employeurs ne reçoivent plus les demandes d’emploi. Partout, ils te demandent d’attendre que le pays se stabilise.
Tiémoko Kéita, ouvrier :
« Le congé technique s’éternise… »
Faute de matière première, la direction de mon usine admet habituellement certains de ses ouvriers en chômage technique de 10 à 20 jours chaque année. Mais cette année, contrairement aux années précédentes, le congé technique s’est éternisé à cause de la crise au nord. L’usine n’arrive plus à vendre ses produits finis pour s’approvisionner en matière première. Je demande aux nouvelles autorités du pays de mettre rapidement tout en œuvre afin de mettre un terme à cette crise au nord où réside la grande partie de nos clients.
Ali Touré, boutiquier :
« Mon foyer s’est élargi »
Depuis l’éclatement de la crise au nord, le groupe de mon foyer ne cesse de s’élargir. Régulièrement, je reçois des parents qui arrivent presque la main vide du village. Ils fuient à cause des exactions des bandits armés. Face à cette situation, je ne sais plus à quel saint me vouer. Car le prix du riz a grimpé et ma petite boutique ne fonctionne plus comme avant.
Maïmouna Fomba, commerçante :
« Mon entreprise ne marche plus »
Je suis vendeuse d’habits. C’est grâce à cette activité que j’arrive à satisfaire les besoins de mes deux filles depuis le décès de mon mari, il y’a trois ans. Mais, depuis la crise politique, mon entreprise tourne au ralenti. Du moins, elle ne marche presque plus. Car la plupart de mes clients étaient des fonctionnaires de l’Etat. Je leur donnais les habits à crédit et ils payaient à la fin du mois. Mais, depuis plus d’un mois, mes clients n’achètent plus d’habits à cause des problèmes que le pays connaît actuellement.
Kelly Bouréïma, médecin :
« Nous n’avons rien senti à Bamako »
La crise n’a pas eu d’incidence dans le domaine de la santé notamment à Bamako. Les patients viennent nous consulter normalement. Nous les prescrivons des médicaments après la consultation, qu’ils vont acheter à la pharmacie. Et depuis, la survenue des deux crises, je n’ai jamais entendu un patient se plaindre affirmant qu’il n’a pas les moyens de se procurer de ses médicaments ou de la flammée du prix des médicaments. Nous n’avons pas senti la crise à Bamako. Par ailleurs, c’est la santé de nos parents qui se trouvent actuellement au nord qui nous inquiètent. Ils n’ont pas un accès souhaitable aux soins sanitaires et aux médicaments sauf s’ils effectuent le déplacement à Bamako. Ce qui n’est pas à la portée de tout le monde.
Fadiala Dembélé, directeur d’école :
« Certains élèves risquent d’abandonner les études »
L’effectif de nos élèves ne cesse d’augmenter depuis l’éclatement de la crise au nord. Nous avons déjà reçu 200 élèves venus de ces localités et nous continuons à les recevoir. Face à cette situation, nous sommes aujourd’hui confrontés à deux problèmes majeurs. Les salles de classe sont insuffisantes et la plupart des élèves qui viennent sont en retard par rapport au programme annuel. Cependant, nous les avons tous accueillis et nous avons instruit aux enseignants de ralentir le programme en vue de leur permettre de se mettre à jour. Mais, nous craignons plutôt que certains d’entre eux abandonnent les études faute de logement car l’institut ne dispose pas d’internat.
Propos recueillis par
Youssouf Z Kéita