A l’ouverture des travaux de la Conférence d’entente nationale, le président Ibrahim Boubacar Kéïta a déclaré qu’une fois en main les recommandations de la Conférence, il décidera du cadre, des modalités et de l’agenda de leur élaboration définitive ainsi que de leur appropriation par l’ensemble des composantes de la Nation.
Le temps brumeux qui enveloppait, hier, Bamako n’a, en rien, entamé la ferveur de grands jours que dégageait le Palais de la culture Amadou Hampâté Ba. C’est en effet ce lieu emblématique qui a abrité l’ouverture des travaux de la Conférence d’entente nationale, présidée par le chef de l’État, Ibrahim Boubacar Kéïta. C’était en présence de l’ancien président de la République, Dioncounda Traoré, du Premier ministre, Modibo Kéïta, des présidents des institutions de la République, des membres du gouvernement, des anciens Premiers ministres, du corps diplomatique et d’autres personnalités du pays. La présence de Me Harouna Toureh de la Plateforme n’est pas passée inaperçue. Et pourtant son groupe, à l’image de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), avait annoncé sa non participation à la Conférence d’entente nationale dans un communiqué rendu public la veille. «Conférence d’entente nationale : Ensemble, protégeons notre unité nationale, notre devenir commun et notre cohésion sociale», un message fort qu’on pouvait lire sur la plupart des banderoles accrochées dans la salle de 3000 places du Palais de la culture. Ce message résume, en quelque sorte, l’état d’esprit du peuple malien devant cette importante rencontre.
Signé à Bamako le 15 mai et parachevé le 20 juin 2015, l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger prévoit l’organisation d’une Conférence d’entente nationale en vue de permettre un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne sur les causes profondes des conflits. La Conférence devra, notamment, produire des recommandations dans l’optique d’une Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation. Cette Charte sera élaborée sur une base consensuelle, en vue de prendre en charge les dimensions mémorielle, identitaire et historique de la crise malienne et de sceller son unité nationale et son intégrité territoriale.
Dans son allocution, le président de la Commission d’organisation de la Conférence d’entente nationale, le Médiateur de la République, Pr Baba Akhib Haïdara, a soutenu que cette rencontre se veut celle « de tous les Maliens, sans rejet, qui sont à la recherche d’une paix véritable et juste, d’une nouvelle unité nationale confortée dans ses assises et d’une réconciliation nationale qui, respectant les fondamentaux de la justice, pose les bases d’un «vivre ensemble» dynamique, tourné vers l’avenir ». Il a rappelé que la méthodologie adoptée pour préparer cette rencontre comporte deux éléments opérationnels : une action d’information, de sensibilisation et d’explication en vue de susciter, dans l’opinion publique, une adhésion aussi large que possible à sa tenue; une préparation des éléments du débat reposant sur deux sources principales : une compilation et une analyse documentaire d’une part, et d’autre part, des consultations régionales et catégorielles.
«L’impression générale que nous inspirent les résultats de ces consultations régionales, par delà les avis et réflexions recueillis, c’est une grande lassitude que les populations, notamment celles du Nord, ressentent par rapport à leur vécu quotidien et par rapport à la stagnation de la situation actuelle du pays», a résumé le Médiateur de la République, ajoutant que ces populations sont lasses des guerres, des affrontements, des violences, des attentes et promesses toujours contrariées. «Ce constat oblige les participants à cette Conférence à trouver l’audace nécessaire pour réussir cette plage consensuelle que nécessite l’élaboration d’une Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation», a-t-il insisté.
Le Pr Baba Akhib Haïdara a souhaité que la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale soit pour nous et les générations futures un des instruments qui nous permette de mettre fin à ces crises infernales et de réussir le renouveau de notre pays. Il a précisé que suite à une entente entre les parties signataires de l’Accord, il a été convenu que la Conférence n’approuvera pas une Charte définitive. «La Conférence d’entente nationale produira des recommandations, des observations qui seront éventuellement des éléments constitutifs d’une Charte dont l’élaboration se fera dans un cadre que les autorités fixeront», a-t-il expliqué.
EXERCICE SANS PRéCéDENT – Le moment le plus attendu était celui du discours du président de la République. Ibrahim Boubacar Kéita a entamé son intervention en ces termes : «Nous ne compterons pas ! Nous ne nous compterons pas, parce que la maison familiale n’est jamais assez pleine pour recevoir chaque enfant du même père et de la même mère, de la Mère-Patrie». « Vous retrouver tous ici, ce jour est, pour moi, un privilège sans nom, et une source de grande fierté à la fois. Voilà qui conforte notre espérance, quant à la capacité de notre peuple à se rassembler. Certes, il manquera toujours quelques noms à l’appel, car dans la maison familiale, il reste toujours quelques places vides», a dit le président Kéita. Le chef de l’Etat a été beaucoup plus explicite quand il a ajouté : «Cette Conférence d’entente nationale est un train qui démarre. Ceux qui ne l’auront pas pris dans cette gare peuvent toujours le rattraper à une autre gare, à une autre station. L’essentiel est qu’à l’arrivée, toute la famille soit réunie. Et la dernière gare, le terminus de ce voyage porte le nom : Entente nationale».
Le président Kéita a rappelé que depuis 2012, le Mali est entré dans une ère d’épreuves d’une ampleur et d’une gravité certainement inédites dans son histoire récente. «Aujourd’hui, nous sommes arrivés à une étape de notre histoire où il nous faut réfléchir sur les causes de l’enchaînement des crises qui ont frappé le Nord de notre pays et dont les effets menacent désormais de s’étendre au Centre », a-t-il fait constater. Il nous faut aussi nous mobiliser pour la préservation de notre capacité de résilience qui a été considérablement sollicitée au cours de ces cinq dernières années.
Il nous faut enfin nous concerter et nous accorder sur la meilleure manière de revitaliser notre vivre ensemble. Ainsi peuvent se résumer les principales ambitions de la Conférence d’entente nationale. Une fois que j’aurais reçu les recommandations de la Conférence, je déciderai du cadre, des modalités et de l’agenda de son élaboration définitive ainsi que de son appropriation par l’ensemble des composantes de la Nation», a-t-il déclaré.
À l’heure où le pays tout entier se met en alerte pour sauvegarder notre futur, le chef de l’État a souhaité partager avec l’assistance trois remarques essentielles qui laissent augurer de l’issue positive de la Conférence. «Tout d’abord, les voies de sortie de crise proposées par les différents interlocuteurs sont certes multiples, mais la destination reste la même pour tous: restituer à notre pays sa grandeur de nation debout. Ensuite, les différences d’approche ont été formulées sous forme de divergences de vues, et non en termes d’antagonismes irréductibles. Enfin, il s’est exprimé de manière unanime une très forte exigence d’amélioration de la gouvernance dans notre pays», a indiqué Ibrahim Boubacar Kéïta. Il a aussi souligné que l’organisation de la Conférence d’entente nationale est, avant tout, guidée par la conviction que le traitement d’une situation exceptionnelle nécessite très souvent le recours à une démarche novatrice. Pour Ibrahim Boubacar Kéita, l’exercice que nous entamons est sans précédent dans notre histoire récente par la nature et par l’importance de ses enjeux. «Nous avons les atouts suffisants pour le réussir à condition que dans le déroulement des travaux soient préservées les tendances positives décelées lors de la phase préparatoire. Il ne s’agit pas pour nous de rechercher d’hypothétiques panacées. Il nous importe surtout de construire les indispensables compromis de confiance qui nous permettront d’avancer à pas sûrs dans la consolidation de la paix, de l’unité et de la réconciliation», a conseillé le président Kéïta. Enfin, le chef de l’État a remercié le président Baba Akhib Haïdara et toute son équipe pour leur investissement à la tâche et pour la qualité du travail réalisé dans un temps relativement court. «Je leur demande de déployer le même dévouement et la même expertise auprès des participants pour que les travaux de la Conférence comblent les attentes de notre peuple», a souhaité le président Kéïta. Les travaux de la Conférence d’entente nationale se poursuivront jusqu’au dimanche 02 avril. Il y a trois commissions de travail : paix, unité et réconciliation.
Massa SIDIBÉ