À cause de l’insécurité totale qui sévissait dans les régions de Tombouctou, Gao et Kidal, la Compagnie Malienne de Navigation (COMANAV) n’a pas effectué en 2012 sa campagne de transport fluvial. Après cinquante ans d’activités.
Oublié de tous et par tous, ce symbole de la souveraineté nationale qui aura stoïquement résisté aux vents et marées rependra du service en juillet prochain.
En effet, après 20 mois “d’hibernation”, la Compagnie Malienne de Navigation (COMANAV) entrera enfin en activité en juillet prochain à partir de Mopti, en ouvrant sa campagne de transport fluvial à travers le premier voyage d’un de ses trois bateaux courriers.
L’énorme “ville flottante” regagnera la ville de Tombouctou après un voyage de 2 jours, en passant par Akka, Niafunké, Tonka, Diré, toutes, des localités fortement enclavées.
Quelques jours après, tous les mardis, un des trois bateaux (le Général A.Soumaré, le Kankan Moussa, le Tombouctou), lèvera l’ancre à partir de Koulikoro pour relier Tombouctou, puis Gao, en desservant plus d’une trentaine de localités situées le long du fleuve Niger.
Cette activité de transport de la COMANAV permettra aux populations des régions nord qui subissent le poids de l’enclavement (en terme de coûts exhorbitants des produits vivriers, de matériels, de constructions et autres) de connaître un certain soulagement.
2012 une année noire à la COMANAV
Avec la situation d’insécurité totale qui prévalait dans les régions nord de notre pays, la COMANAV n’est pas entrée en activité en 2012.
Et pour cause. Déjà la Compagnie avait plusieurs fois fait l’objet d’attaques meurtrières de la part de rebelles et autres bandits au cours des années 1990. Cela, malgré la présence à bord des bateaux des forces armées et de sécurité.
A l’époque d’ailleurs, aucune région du Nord n’avait été occupée par des bandes armées.
Le risque était donc énorme, si la COMANAV tentait, l’année dernière de mener sa campagne de transport fluvial.
Face à la situation, une bonne partie de nos populations dont la vie est liée au transport par voie fluviale, a été contrainte d’emprunter des pinasses, pirogues et autres « Sotramas » flottants.
Et le drame, c’est que, ces pinasses, pirogues et autres « engins », dépourvus de tout dispositif de sécurité, finissaient très souvent leurs voyages, sous les eaux du Djoliba.
Mais, les populations des régions Nord de notre pays n’avaient pas le choix.
Au même moment… c’est, toute une compagnie qui assure le pain quotidien à des centaines d’employés et à des milliers de Maliens qui n’ayant plus rien, n’avait rien à donner.
Et pourtant, comme par ironie du sort, l’année dernière, selon la Direction Générale de la COMANAV, les conditions de navigation fluviale étaient excellentes à cause des fortes pluies et une crue exceptionnelle.
Hélas, explique l’unique femme matelot du Mali (la PDG): “la COMANAV a été créée avec pour mission essentielle de désenclaver les régions nord du Mali, mais ces régions étant entre les mains de terroristes et d’autre bandits armés, c’était suicidaire de mener notre campagne fluviale. D’ailleurs, pourquoi prendre ce risque, puisque nous n’avions ni fret, ni passagers pour nos destinations habituelles ? Autre précision, depuis trois ans, voire plus, les touristes qui constituaient une partie importante des clients de la compagnie ne partent plus vers ces régions. C’est dire que la COMANAV est l’une des sociétés ayant dramatiquement ressenti les effets de l’insécurité au nord et cela, bien avant l’occupation armée.”
Quand on sait que la COMANAV étant une société d’Etat à 100% a toujours été chargée de payer elle-même ses travailleurs, comment, a-t-elle pu survivre jusqu’à ce jour, alors qu’elle ne mène aucune activité depuis maintenant 20 longs mois ?
C’est avec une vive émotion que la PDG de la Compagnie nous répond : “cette compagnie existe encore grâce à l’engagement et au patriotisme de son personnel. Pour faire face à la situation, nous avons dû redéployer le personnel permanent et remercier l’ensemble des contractuels. Ainsi, des commissaires de bateaux ont été redéployés comme gardiens, plantons ou autres. Les travailleurs de la COMANAV sont des victimes de l’insécurité au nord et par conséquent, ils devraient être traités comme tels, à l’instar des travailleurs des régions de Gao, Tombouctou et Kidal.”
Le Niger, source de vie
Le fleuve Niger traverse notre pays sur plus de 1 700 kms et fait vivre depuis la nuit des temps, la grande majorité des populations maliennes.
Source de vie, offrant à boire et à manger, le Niger constitue également une voie naturelle de désenclavement de plusieurs localités du pays dont les plus isolées comme la région de Tombouctou.
C’est pourquoi, aux premières heures de l’Indépendance du Mali, les autorités s’étaient attelées, dès 1962, à créer une Compagnie Nationale de Navigation, qu’elles ont dotée de gigantesques bateaux comme le Général A. Soumaré, le Bateau Mali, le bateau Liberté et plusieurs remorqueurs et chalands.
Devenue un symbole de la souveraineté nationale, la Compagnie Malienne de Navigation s’était aussi distinguée pendant plusieurs années comme la société d’Etat la plus rentable parmi toutes les autres, aujourd’hui privatisées ou simplement… mortes pour de bon.
Elle aurait, même (la COMANAV) évolué dans ce sens, mais, face à la dégradation du lit du fleuve et l’ensablement vertigineux de celui-ci, ses vieux bateaux, trop volumineux et trop lourds ne lui permettent guère d’accomplir son historique mission de désenclavement des régions nord du Mali que durant 4 ou 5 mois sur les 12 de l’année.
Boubacar Sankaré