Toutes les Maliennes, tous les Maliens ont le devoir patriotique de tout en mettre en œuvre pour que l’équipe de Mohamed Salia Sokona puisse accomplir ses missions. Cette réussite est l’une des garanties de sortie de crise multiforme dans laquelle le Mali est plongé depuis plus d’un an maintenant.
« La réconciliation par le dialogue » ! Tel est le crédo de la Commission dialogue et réconciliation (CDR) créée en mars dernier par le président de la République par intérim. Comme tel, il est attendu de ses membres qu’ils remettent les Maliens ensemble et aident à cimenter l’unité nationale. Noble mission qui appelle des Maliens, soutien, appui et assistance à cette Commission, qui s’impose comme l’ultime chance pour le pays de rester sur les rails placés et tenus, jusque là, par la communauté internationale.
Les Maliens, dans toutes leurs composantes, doivent en avoir conscience, à temps, et éviter tout comportement de nature à fragiliser la nouvelle institution. Et le chemin le plus court, c’est de suivre celui tracé par le président de la République par intérim, qui fait du pardon son leitmotiv. Tous ensemble derrière la CDR, la réconciliation est possible.
Le pardon est une vertu, sinon typique au Mali, au moins profondément encrée dans les mœurs maliennes. Le dialogue et la réconciliation en dépendent. Le président de la République par intérim en est conscient qui a pris les devants en prônant le pardon et en appelant au dialogue à chaque fois qu’il en a l’occasion.
Exemple présidentiel
L’idée de mettre en place une CDR a été annoncée pour la première fois par le président de la République par intérim dans son discours du 29 juillet 2012 à son retour de Paris après son traitement suite à son agression du 21 mai.
En effet, « dans le but de compléter l’architecture institutionnelle, de mieux l’adapter aux réalités sociopolitiques, aux missions de la transition, dans l’esprit de l’article 6 de l’accord-cadre », Dioncounda Traoré proposait la mise en place d’une Commission nationale aux négociations (CNN) qui « sera chargée d’engager avec les mouvements armés du Nord du Mali des pourparlers de paix en relation avec le médiateur de la Cédéao afin de rechercher par le dialogue, des solutions politiques négociées à la crise ».
Mais, au tout début de son propos, le président de la République par intérim avait, à la surprise générale, accordé son pardon à ses agresseurs. En ces termes très émouvants : « Vous comprendrez, j’en suis sûr, que je commence par rendre grâce à Allah Tout- Puissant qui dans sa mansuétude infinie, me donne en cet instant, le privilège de pouvoir m’adresser à vous après le triste épisode du 21 mai où, au-delà de ma modeste personne, il a été porté un coup de plus à nos valeurs et à notre société. Je l’ai déjà dit et je le répète aujourd’hui ; ma vie n’est rien à côté du Mali et à mes agresseurs je réitère mon pardon.
Je pardonne pour le Mali, je pardonne au nom du Mali, car le Mali a besoin de toute son énergie et de tous ses enfants pour se remettre debout. Aujourd’hui plus que jamais il nous faut être à la hauteur de nos ambitions et de l’Histoire. Et pour cela nous devons avoir le sens de la magnanimité et celui du dialogue.
Permettez-moi donc mes chers compatriotes de vous inviter, une fois de plus, toutes et tous à vous pardonner les uns les autres … ».
L’atteinte portée à l’institution (président de la République) et à l’intégrité physique de Dioncounda Traoré est aussi condamnable que l’annexion du territoire national par des apatrides et terroristes islamistes et les atrocités commises sur les paisibles citoyens (amputations, lapidation, flagellation, viols). Si le premier responsable du pays (tabassé et laissé pour mort, rappelons-le) a donc pu pardonner, alors le pardon est possible pour tous.
Le président Dioncounda Traoré n’a plus raté d’occasion pour prêcher le pardon et préparer les Maliens au concept. Après, il engage « la communication » sur le dialogue et la réconciliation dont, il est sûr, constitueront la finalité du combat pour le retour définitif de la paix dans le pays. Le Président Traoré s’inspire de cette conviction de l’ancien président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny, qui disait : « Dans la recherche de la paix, de la vraie paix, de la paix juste et durable, on ne doit pas hésiter un seul instant, à recourir, avec obstination au dialogue. Le dialogue est l’arme des forts et non des faibles ».
L’ONU suit le vœu du président malien et adopte, au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies, la Résolution 2071 du 15 octobre 2012. Celle-ci a été présentée par la France et coparrainé par les trois membres africains du Conseil de sécurité (Afrique du Sud, Maroc, Togo) et par l’Allemagne, l’Inde et le Royaume-Uni). Cette Résolution appelle les autorités maliennes à engager un dialogue politique avec les groupes rebelles maliens et les représentants légitimes de la population locale du Nord du Mali.
Le Président de la République par intérim guette les occasions pour prôner le dialogue. Illustration parfaite : au 20ème sommet de l’Union africaine, tenu le 27 janvier 2013 à Addis-Abeba, le Pr. Dioncounda Traoré déroulait devant ses pairs un message sans équivoque sur la nécessité d’un dialogue inter malien : « Si malgré nous, le temps est à la guerre, nous préparons activement la paix.
Notre main reste tendue à ceux qui réalisent qu’il est encore temps de faire amende honorable, malgré tout le tort qui a été porté à notre pays, à notre sous région et à notre région.
Mais le dialogue inter-malien n’aura vocation ni à confesser ni à charger. Pour la stabilité de notre pays et la dignité de ses enfants, nous ne saurions donner de traitement préférentiel à aucune ethnie en particulier, ni stigmatiser de groupes spécifiques.
Qu’on nous fasse seulement confiance, car les Maliens sont les premiers à comprendre jusqu’où la réconciliation est impérative pour la survie de chacune de leurs communautés et de l’ensemble national, sans distinction d’ethnie.
Du dialogue inter-malien dont les animateurs sont en train d’être repérés pour leur sagesse et leur lucidité, il est attendu tout simplement qu’il mène les Maliens, sans distinction d’ethnie, de sexe, d’âge et de religion vers le même but et la même foi.
Cet important dispositif permettra de recueillir et de partager les enseignements de la grave crise que nous avons connue pour que nos cités soit mieux administrées, notre démocratie et notre capital social mieux consolidés ». Le dialogue et la réconciliation sont ainsi diffusés à large échelle et les contours de la structure chargée de les engager clairement définis.
Tous derrière la CDR
Après Addis-Abeba, le président Dioncounda Traoré passe la surmultipliée dans la mise en place de cet organe. Au terme de larges consultations avec la classe politique, la société civile et l’ensemble des composantes de la société, il crée la CDR, le 6 mars et nomme son président et ses deux vice-présidents (le 30 mars), puis les 30 commissaires.
La Commission a pour mission de rechercher, par le dialogue, la réconciliation entre toutes les communautés maliennes. A ce titre, elle est chargée :
– de recenser les forces politiques et sociales concernées par le processus de dialogue et de réconciliation ; d’identifier les groupes armés éligibles au dialogue conformément à la feuille de route pour la transition ;
– d’enregistrer les cas de violation des droits de l’Homme commis dans le pays du début des hostilités jusqu’à la reconquête totale du pays ;
– de proposer les moyens de toute nature susceptibles de contribuer à surmonter les traumatismes subis par les victimes ; d’identifier et de faire des propositions pour la réalisation des actions destinées à renforcer la cohésion sociale et l’unité nationale ;
– de mettre en exergue les vertus du dialogue et de la paix ; de contribuer à l’émergence d’une conscience nationale et à l’attachement de tous les citoyens à l’intérêt général ;
– de promouvoir les valeurs démocratiques et socioculturelles du terroir, singulièrement le respect du droit à la différence.
Le paradoxe, c’est que l’avènement de cette Commission tant attendue aussi bien par le Mali que par la communauté internationale a suscité un tollé dans certains milieux maliens. Certes, un long temps s’est écoulé entre l’annonce et la mise en place effective de la commission. Mais, cela a été commandé par les concertations qui étaient en cours d’une part, et par la situation d’occupation d’autre part.
Ensuite, la nomination du deuxième vice-président de la commission, Metty Ag Mohamed Rhissa, un Touareg, officier des douanes à la retraite, originaire de la Région de Kidal, a été vivement critiquée par une certaine opinion nationale.
Enfin, ce fut une véritable levée de boucliers après la désignation des commissaires ; la contestation venant souvent de là où elle était le moins attendue. Pourtant, comme nous l’avons signalé plus haut, le président par intérim a consulté toutes les sensibilités nationales et au-delà de nos frontières avant la mise en place de la Commission. Mais, on ne peut pas satisfaire à la fois les 15 millions de Maliens.
Le président de la République par intérim a pris une initiative salutaire, initialement appréciée de tous et qui doit être aujourd’hui davantage soutenue et portée par l’ensemble des fils du pays.
« Le vin est tiré, il faut le boire », a-t-on coutume d’entendre. Les Maliens doivent faire sienne cette maxime qui va au-delà du simple adage. Car, le plus important en ce moment, c’est de tenir et rester débout jusqu’au bout après que la communauté internationale nous ait aidés à nous relever.
Il faut aller de l’avant et arrêter les procès d’intention faits au président par intérim, au Premier ministre ou à un tel ou tel membre de la commission.
Le monde entier est à nos côtés et nous regarde. Le Mali a aujourd’hui la plus grande coalition mondiale de forces étrangères pour le recouvrement, la défense et la sauvegarde de son intégrité de son territoriale, et le retour et le maintien de la paix, sans oublier la reforme de son armée et la formation de ses soldats. Alors qu’on se rappelle que la République centrafricaine, alors sous la menace de la prise du pouvoir par les rebelles, avait demandé, en vain, de l’aide à la France.
Les Maliens ne semblent pas avoir conscience de ce que représente la communauté internationale pour le pays. Elle veille sur nous et garantit notre sécurité ; elle combat pour nous et se sacrifie pour nous, pour l’avenir de notre pays et le rétablissement de l’ordre constitutionnel intégral. Nous devons agir de sorte à ne pas pousser la communauté internationale à nous tourner le dos, mais, au contraire, à l’encourager à renforcer sa présence et son appui multiforme. Car, on doit avoir à l’esprit qu’il faut aller rapidement aux élections pour la reprise des actions de développement.
L’une des recettes, c’est de sceller l’entente entre nous autour des décisions qui incarnent la souveraineté et qui fondent l’unité nationale.
Dès lors, il faut laisser la CDR travailler et la juger au résultat. La soutenir au lieu de s’en éloigner. Lui apporter tout le soutien nécessaire et suffisant à la réussite de sa (noble) mission.
Ce n’est qu’à ce prix que les uns et les autres en arriveront à se pardonner.
Zoumana Bouaré
Sociologue à Bamako