Le mouvement a paralysé hier la capitale où les différents marchés étaient quasiment vides et les Sotrama presque invisibles dans la circulation, obligeant beaucoup de personnes à faire leurs courses à pied.
Les négociations entre la mairie du District de Bamako et les grévistes ont abouti hier en début de soirée. Elles se déroulaient au ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales. Selon des informations de dernière minute, tous les points de revendications des grévistes ont été pris en compte par les pouvoirs publics. En conséquence, les grévistes ont levé leur mot d’ordre de grève et ont appelé leurs militants à reprendre les activités immédiatement. Les négociations ont été menées en présence de trois membres du gouvernement : le général Kafougouna Koné (Administration territoriale et Collectivités locales), le général Sadio Gassama (Sécurité intérieure et Protection civile) et Mme Sangaré Niamoto Ba (Industrie, Investissements et Commerce). Mais dans la journée, la capitale avait été paralysée par le mouvement. Les commerçants et les conducteurs de transports en commun ont réussi leur opération ville morte hier, à l’occasion d’une grève de 48 heures qu’ils ont déclenchée à Bamako. Les différents marchés de la capitale étaient quasiment vides et les minibus communément appelés « Sotrama » étaient presque invisibles dans la circulation, obligeant ainsi beaucoup de personnes à faire leurs courses à pied. Après avoir sillonné la ville en mi-journée, un constat s’impose : la grève a été largement suivie.
Au marché Dibida, les magasins étaient fermés, mais certains commerçants se cachaient pour vendre leurs produits aux rares clients qui passaient. « Si vous avez besoin de quelque chose, vous l’aurez sans problème », nous a proposé un négociant devant un magasin. Il n’était pas le seul, d’autres collègues voulaient aussi satisfaire les clients en toute discrétion. Toujours au marché Dibida, les Sotrama qui ont l’habitude de former un mur compact devant les magasins avaient tous disparu comme par miracle, en laissant une place vide aux piétons. Même le Grand marché, bondé d’habitude, était désespérément vide. On roulait facilement sur la fameuse Rue Karamoko Diaby, où les jours ordinaires se croisent à longueur de journée, commerçants, véhicules et piétons dans un désordre indescriptible. Même l’anneau Sotrama était sans Sotrama. Au niveau du marché Dabanani, la voie réservée à ces véhicules de transport en commun était complètement dégagée. Quelques commerçants du Grand marché s’ennuyaient devant leurs magasins qu’ils ont été contraints de fermer. « Nous sommes venues à pied croyant que nous pourrions vendre, mais c’est impossible. Nous voulons maintenant rentrer à la maison, mais il n’y a pas de Sotrama. Nous sommes vraiment désespérées », avouent trois vendeuses assises devant l’Institut national des arts (INA).
Le marché de Médine, au cœur du mouvement, était naturellement paralysé. Vendeurs de fripes, commerçantes de fruits et légumes, ou de poissons frais, tous ont suivi le mot d’ordre lancé par leurs responsables. A l’autogare des Sotrama située au flanc de la colline de Médine, quelques conducteurs discutaient avec leurs responsables syndicaux. Lorsque nous nous sommes approchés, le ton a changé et l’atmosphère est devenue très lourde, laissant la place au mécontentement et à la colère. « Nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout. Nous travaillons dans des conditions difficiles et nous en avons marre. On nous installe sur une place et à peine l’endroit commence à attirer du monde, on nous chasse pour le vendre aux plus offrants. Je suis chauffeur depuis 1970 et ça fait 17 fois qu’on nous déplace d’une place à une autre », raconte un conducteur de Sotrama dont le propos a été soutenu à l’unisson par ses collègues.
DANS LES QUARTIERS LES PLUS RECULES. Pas beaucoup d’activités non plus dans les petits marchés à travers la ville. La plupart des ménagères indiquent avoir été privées de condiments, de viande et surtout de légumes frais (les plus averties ont fait leurs provisions pendant le week-end). Une camionnette désireuse de décharger sa cargaison de viande au marché de Djicoroni Para, a failli être prise à partie par une foule de grévistes en colère. Le véhicule a été contraint de redémarrer en trombe pour éviter tout accrochage. La grève a été ressentie même dans les quartiers les plus reculés où certains boutiquiers ont eu certainement peur d’ouvrir leur commerce. Il était ainsi difficile de se procurer certaines denrées très consommées : pain, huile, sucre. Autant d’éléments qui ont perturbé le quotidien des Bamakois. La grève n’a donc pu être évitée. Les négociations qui avaient débuté depuis jeudi ont échoué entre les autorités du district et les grévistes à savoir la Chambre de commerce et d’industrie, l’Association des collectifs des marchés, la Coordination des commerçants détaillants, le Syndicat national des commerçants détaillants et la Fédération nationale des conducteurs routiers.
La commission de négociations composée de la coordination des chefs de quartier et du réseau des communicateurs traditionnels a tenté une médiation de dernière chance en réunissant les deux parties dimanche après-midi à la Chambre de commerce et d’industrie du Mali, mais chacun des protagonistes est resté sur sa position. Les grévistes réclament la satisfaction d’une dizaine de points de revendications comme la suppression de la décision relative à la majoration de 35% des taxes et loyers en dehors des 18% de la TVA ; l’abandon du projet de contrat de location et de la spéculation foncière autour du Marché légumes et de certains espaces du Marché Dossolo de Médine ; la non application de la nouvelle loi régissant les sociétés et coopératives. D’autres points de revendications concernent l’aménagement du Marché Dossolo et de l’auto-gare de Sogoniko ; la situation des taxes et loyers des magasins de Halles de Bamako ; les difficultés engendrées par la mise en oeuvre de l’anneau Sotrama et la suppression de la décision relative à la fermeture aux Sotrama de l’Avenue Modibo Kéita, la Rue Baba Diarra, les axes du Carrefour des jeunes. Hier les négociations avaient repris au ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales. On connaît la suite.