Combat pour l’émancipation féminine : Des valeurs millénaires sacrifiées pour faire plaisir à l’occident

1

De la condition féminine des années d’indépendance à l’autonomisation de nos jours, en passant par l’émancipation, l’équité genre…, la promotion de la Femme a théoriquement franchi des pas énormes. Et cela à travers les Codes, les conventions, les lois… Mais, en réalité, la noblesse de ce combat est entaché par la façon dont il est abordé, aux dépends de toutes les valeurs positives qui ont profité aux femmes dans la société malienne depuis la nuit des temps. De nos jours, nous pensons qu’il est plus que jamais temps de se départir du complexe de l’occident pour restituer à ce débat, à ce combat toute sa légitimité, toute sa noblesse.

«Egalité genre et autonomisation de la Femme» ! Tel était le thème choisi au niveau national pour commémorer la Journée internationale des droits de la Femme (JIF). Une thématique qui n’a pas fait l’unanimité, comme la façon même de célébrer cette journée, dans cercles des femmes intellectuelles ou rurales

Comme le dit si bien l’ex-ministre des Finances et de l’Economie, Mme Bouaré Fily Sissoko, dans une brillante chronique curieusement peu médiatisée, «équité genre, oui. Mais, plutôt que de parler d’autonomisation dans un pays où les femmes se sont toujours assumées et ont été de tous les combats, tant au niveau rural, péri urbain et qu’urbain».

«Le concept d’autonomisation renvoie à l’idée de sortir un individu de l’état de dépendance ou d’assistanat. Toutes choses qui ne correspondent aucunement au profil de la Femme, notamment de l’Africaine, particulièrement de la Malienne, ces battantes», rappelle la brillante économiste et intrépide technocrate !

Il convient de poser le problème autrement comme la problématique de l’accès des femmes au financement et au capital terre (propriété foncière) dans certaines contrées.

Vu sous cet angle, le geste du président de la République prend de l’importance, de la valeur ajoutée. En effet, pour concrétiser sa volonté et sa détermination à offrir à la Malienne la place qui lui revient dans la gouvernance et la construction nationale, le président Kéita a remis  un chèque d’un milliard de francs CFA au ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille pour soutenir le Fonds d’appui à l’Autonomisation des Femmes et à l’Epanouissement de l’Enfant (FAFE).

Même si rien ne prouve que ce fonds sera utilisé au profit de celles qui méritent le plus la manifestation d’une telle volonté politique, c’est-à-dire les femmes rurales.  Tout laisse croire que cet appui sera plus utilisé comme un fonds d’appui politique au lieu de financement des vrais leviers de l’autonomisation de la Femme au Mali.

Nous sommes d’accord avec Mme Bouaré Fily Sissoko qu’il est temps de «repenser le concept de célébration de cette importante journée». La manière dont cette journée symbolique est célébrée depuis de décennies n’est pas la façon la plus appropriée.

N’en déplaise au président de la République pour qui «le 8 Mars est une date témoin. Ce n’est pas du folklore… C’est la réflexion sur les valeurs profondes, sur l’être féminin, qui ne saurait jamais être péjoratif sauf pour les ignares, sauf pour des gens obscurantistes…».

Antagonisme créé par le rejet systématique des traditions

Au-delà de cette thématique, c’est le débat même sur la Femme qui est mal abordé à notre avis. La difficulté de l’émancipation féminine dans un pays comme le Mali, c’est que certaines militantes ont procédé par le rejet systématique de tout.

On a jeté le bébé et l’eau du bain. Cela a créé l’antagonisme entre ce combat et les coutumes, entre hommes et femmes. Cette lutte est basée sur le rejet systématique de toutes les valeurs traditionnelles au profit de celles occidentales. Et pourtant, nos sociétés étaient bien organisées avant la rencontre avec l’occident qui a conduit à l’acculturation, au mimétisme institutionnalisé…

Nos royaumes et nos empires n’avaient presque rien à envier aux Etats modernes en termes d’organisation administrative, sociale, culturelle, économique, militaire… Peut-on dénier à un peuple qui a connu la Charte de Kouroukan Fouga ou Charte du Manden (1236, Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO) le sens du respect des droits de l’Homme ?

C’est dire déjà au 13e siècle, que cette société avait fixé des normes liées au respect de la vie et de la dignité humaine ; au respect des droits de la personne humaine ; à l’éducation de la femme. ; à la résolution des conflits, à la préservation de la nature…

La Charte du Manden (lire Mandé) aborde et traite largement de la question de la femme. Elle s’est particulièrement penchée sur le cas de la femme et sur l’éducation de l’enfant (énoncé n°11, n°14, n°15, n°16).

«N’offensez jamais les femmes. Elles sont nos mères», stipule l’article 14. Et la place de la femme dans la cité est bien mise en valeur. Elles sont nos mères, elles ont droit au respect. Le respect dû à la mère, à la tante et à la sœur y sont traduits dans la vie de tous les jours.

Au Mali, avant même l’islam, notre «vénération pour la mère» n’est pas une simple formule. Les Mandingues disent par exemple : «L’enfant vaut ce que vaut sa mère». Autrement, ils ne disent pas «tel père tel fils», mais plutôt «telle mère tel fils».

«A talent égal, à compétence égale, celui qui a une bonne femme se distinguera toujours. Avoir une bonne permet toujours de prendre une longueur d’avance sur ses camarades», nous disait toujours notre regretté grand-père, El Hadj Bréhima Kéita.

L’énoncé n°16 du Charte du Manden est également très explicite sur la place de la femme dans la gouvernance. «Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes, doivent être associées à tous nos gouvernements», dispose-t-il.

Bien représentées sans démagogie aucune

Et selon des historiens et des griots-traditionnalistes, «ce n’est point de la démagogie pour le genre, cela a été une réalité dans la cité ancienne. Il faut savoir que dans le passé cette règle a été observée; non seulement les femmes étaient représentées dans les grandes Assemblées bien souvent, elles se réunissaient à part et débattaient des questions importantes et faisaient connaître leurs avis».

«Au Mandé, les femmes avaient de puissantes associations secrètes : les Niagba Musow dont les avis étaient recueillis sur les questions importantes. Ce n’est nullement cultiver le paradoxe en ces temps de lutte, de combat acharné pour le genre quand je dis que la place de la femme dans la vie politique et sociale était très grande. Il y avait l’égalité des sexes», a défendu le Professeur Djibril Tamsir Niane lors de sa «Leçon inaugurale» à l’Université Gaston Berger de Saint Louis (Sénégal) en 2009.

Certes, il y a encore de la résistance des «préjugés», mais la société malienne est en train d’évoluer positivement en faveur de la Femme. Il n’y a pas par exemple aujourd’hui de fonctions fermées à la Malienne même si nos sœurs et filles doivent encore longtemps attendre pour voir une Femme se faire élire Présidente de la République. Et cela n’est pas propre au Mali seulement.

Mais, il faut aussi signaler que la société malienne n’a jamais été totalement fermée à la femme. Pour ce qui est de la prise de décision par exemple, leur avis pesait réellement même si elles n’étaient pas consultées directement. Dans une réunion, quand on disait que : «attendons demain pour prendre une décision car la nuit porte conseil», cela signifiait qu’on se donnait le temps aussi de consulter les femmes.

La Femme est sacrée dans nos traditions car elle est à la base de la réussite de l’homme. Dans nos croyances, la réussite d’un enfant dépend de sa mère, de ses vertus, des valeurs qu’elle incarne dans la famille et dans la communauté.

Et nous croyons toujours que les bénédictions des tantes et sœurs sont essentielles dans la réussite d’un homme. Et cette baraka, nous ne pouvons l’avoir qu’en les respectant.

La volonté du colon a toujours été de rabaisser «l’indigène». Et les néocolonialistes cherchent toujours à faire de même de l’Africain.

«Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès…», s’est autorisé l’ancien président français, Nicolas Sarkozy dans le controversé «Discours de Dakar».

«Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire», avait-il poursuivi dans cette allocution à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD, Sénégal) devant des étudiants, des enseignants et des personnalités politiques.

Les organisations internationales et les ONG sont les instruments de cette acculturation qui nous fait passer comme des sauvages qui «mutilent» leurs filles et exigent de leurs Femmes soumissions. Sauf que l’équivalent de «Mougnoun nin sabali» en bambara n’est pas «soumission». Cette expression s’apparente plus au «dévouement» à «l’humilité».

Et nos supposées amazones et organisations de la société civile sont leurs marionnettes complexées et cupides. La plupart en tout cas. Et c’est avec leur complicité que les lobbies occidentaux déguisés en ONG tentent aujourd’hui de nous faire avaler la pilule de l’homosexualité dissimulée sous le même manteau des droits humains.

Autonome, mais pas suffisante !

Pour ce qui est de l’autonomisation par exemple, nous disons souvent aux gens que nous sommes nés alors que notre Grand-mère maternelle était autonome. Elle ne dépendait de personne économiquement grâce à sa rizière, son potager et son cheptel.

Elle n’en était pas moins une épouse dévouée à son époux (Soucko Moussa, notre homonyme), à son foyer, à sa communauté. Ayant grandi à ses pieds, nous savons qu’elle était une femme influente. Même très influente même si elle ne laissait jamais paraître. N’empêche qu’elle ne faisait jamais montre de suffisance et d’arrogance comme on a tendance à le voir avec des femmes riches, des femmes leaders…

Généralement, dans nos brousses, à côté des champs collectifs, des lopins sont toujours réservés aux femmes où elles cultivent ce qu’elles veulent pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. Et les plus braves n’ont rien à envier aux hommes à bien d’égards.

Mais, les Amazones de la promotion et de l’émancipation féminines agissent comme si jamais il n’y a jamais eu de valeurs positives dans nos us et coutumes en faveur de la Femme. Attirés par les euros et les dollars des organisations internationales et des ONG, les «féministes» contribuent à rependre un mode de vie occidental dans nos Etats.

Loin de l’aider, ils contribuent à fragiliser la Femme, à écorner son image. Ecouter les injures que nos enfants se lancent à longueur de journée, vous comprendrez que la Femme n’a jamais été autant désacralisée dans l’histoire de notre société.

Et ce malgré tous les progrès réalisés dans l’amélioration de la condition féminine, de l’émancipation de la Femme.  Certaines mesures traditionnelles taxées de «préjugés» étaient sans doute dans l’intérêt de la Femme alors que les certaines avancées ne font que la fragiliser dans un environnement qui n’a rien à avoir avec les réalités occidentales.

A bien des égards, la Femme est devenue un fonds de commerce ! Et pas pour les entreprises et publicitaires seulement ! Mais, aussi de ses nombreux défenseurs qui ont fait du combat pour ses droits en ascenseur socioprofessionnel et économique !

                  Moussa Bolly

Commentaires via Facebook :

1 commentaire

  1. L'Europe n'est qu'une façade attractive, sinon comment expliquer la montée de la violence, notament en France.Ce regain de violence est une conséquence de l'évolution d'une société bâtit sur l'hyper-individualisme, la perte du sens du collectif et la réduction de l'homme à la quête de son propre intérêt.
    Sentiment d'insécurité face à la délinquance, aux violences faites aux femmes et j'en passe.
    Lutter pour une vie meilleure ne consiste pas à adopter une civilisation qui vous semble plus confortable. Tout bon enseignant vous dira d'observer afin de vous faire une idée juste et précise pour ne pas commettre les mêmes erreurs.

Comments are closed.