Collection contes et légendes du terroir

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     Autrefois, pendant la nuit, au clair de lune et des étoiles s’érigeait un espace propice à l’enseignement profitable à tous en plein air. Là, les anciens inculquaient à travers les mots saupoudrés de chansons mélodieuses ou pas une série d’histoires les plus folles les unes que les autres. Hélas, de nos jours cette pratique est révolue. La télévision a royalement pris la place à l’homme avec des émissions parfois lamentables conduisant les bipèdes à leur perte dans un monde en perpétuelle mutation.
Voilà pourquoi, je refuse d’admettre que le Mali est un pays pauvre. Il est vrai que certaines ressources restent largement inexploitées comme par exemple les contes et les légendes qui tendent à disparaître.

Ma motivation d’écrire le peu restant de ce patrimoine disponible reste pour moi une manière de léguer cet héritage inestimable pour le bonheur des générations futures. Avec l’espoir que plein de gens trouveront le plaisir en lisant ces lignes. Ainsi, ils dénicheront de la force et matière pour une meilleure connaissance de ce que fut hier notre prestigieuse tradition orale source de tant de valeurs et de vertus pour la formation et l’ouverture sur le monde.

LA CASE DES ANIMAUX DE LA BROUSSE
Au fur et à mesure que l’hivernage s’implantait, les pluies diluviennes inondaient et ravageaient la nature. Dans la brousse, chaque espèce animale songeait à sauver sa peau d’une manière ou d’une autre pour bénéficier d’un abri confortable. Les pieds d’arbre ne suffisaient plus pour se refugier encore moins les montagnes distantes de la plaine. Visiblement les vagues d’eau se déchainaient de plus en plus avec violence en emportant tout sur leur passage. Ce fut le moment choisi où ” Waraba ” le lion convoqua d’urgence l’ensemble des résidents de la brousse et leur fit savoir son désir de bâtir une immense demeure pour tous.
Lors de cette rencontre, chaque animal approuva la volonté affichée par le roi de la brousse et promis de prêter main forte à la réalisation de ce projet. Ayant pris connaissance du message, ” Zozaniba ” le lièvre ne put contenir ses mots et dit :
– Je tiens à vous dire clairement que les forces me manquent pour m’engager dans une telle aventure. Je ne sais ni transporter de lourds fardeaux ni encore moins pétrir le banco. Ne comptez donc pas sur moi pour exécuter les travaux du chantier. Non seulement je ne vais pas aider à la construction mais en plus retenez bien que cette bâtisse me reviendra de plein droit tôt ou tard.
Dépassé par l’audace émanant de la réaction du lièvre, un brouhaha de désapprobation s’éleva dans la masse. ” Waraba ” le lion éleva aussitôt haut la voix en ces termes :
– Je t’interdirai purement et simplement de mettre les pattes dans la demeure une fois la construction terminée. Tu peux toujours rêver d’habiter avec nous. Va-t-en d’ici au plus vite.
A ces mots, le lièvre se fraya un chemin pour continuer sa route dans les buissons.
Dès les jours suivants, les grands travaux débutèrent avec détermination. Du matin au soir les animaux travaillèrent sans relâche. Finalement une grande case à la toiture en chaume émergea de terre.  Quelques jours plus tard, ils déménagèrent dans le nouvel habitat où chaque espèce animal pu disposer d’un grand espace pour sommeiller loin des tracasseries quotidiennes. Désormais chaque jour qui défilait le lièvre passait devant la demeure qui grouillait d’animaux sauvages de toute part. Miné par le regret, la rage au cœur, il alla s’asseoir sous un arbre pour longuement réfléchir. Un moment, il se leva en sursaut et alla copieusement se maquiller. Pour se faire, il dissimula ses grandes oreilles sous un chapeau en paille. Ensuite il alla se munir d’un sifflet qu’il attacha autour de son cou. Pour mettre la dernière main à son déguisement il emporta deux gourdes sur ses épaules. La première était remplie d’une mixture d’eau et de soude caustique. La seconde contenait de la bouse de vache. Puis il prit la direction de la case commune. Dans son nouvel accoutrement ” Zozaniba ” paraissait méconnaissable. Son bonheur était à son comble car il allait leur jouer un tour terrible. Sûr de lui, il alla droit au but sans aucune hésitation. Dans cette euphorie, un soir un étrange visiteur arriva. A son dos pendaient deux faramineuses gourdes. Le visiteur portait un chapeau en paille sur sa tête. Un sifflet pendait sur sa poitrine. A peine entré dans la grande case il commença les salutations et se présenta :
– Bonsoir à tous. Je m’appelle ” Kotè-Himba “. Après deux jours de longue marche à présent je suis fatigué. Puis-je passer la nuit en votre compagnie ? Sachez par avance qu’il a beau être robuste, fort et grand, ” Kotè-Himba ” n’a peur de rien.
Du tac au tac, l’éléphant répondit par un oui affirmatif en lui cédant sa place.
” Zozaniba ” s’allongea et rangea ses affaires à son chevet en proliférant mille menaces depuis son dortoir. Tous les animaux l’écoutaient attentivement.
– ” Kotè-Himba ” est invincible. Il n’a peur ni des humains encore moins des animaux sauvages. Il parcourut les villages, les villes comme la brousse lointaine l’esprit tranquille. Partout ailleurs il est le bienvenu chez lui.
Peu à peu accaparé par la frayeur une nuit blanche s’annonçait dans la case. Lorsque ” Kotè-Himba ” s’installa à la place de l’éléphant, ce dernier bouscula le roi lion qui à son tour donna des coups de pattes à la panthère qui à son tour délogea l’hyène. De bousculade en bousculade ce fut le plus grand désordre dans la demeure où la raison du plus fort demeura la meilleure. L’autruche ne tarda pas à se retrouver sur le pas de la porte, le cou exposé dehors. Pendant eurent les singes et les chimpanzés durent s’agripper à la toiture en chaume, les yeux grands ouverts pour garder la vie sauve. Ou encore pendant ce temps, les singes et les chimpanzés ne durent leur salut qu’au fait de s’agripper à la toiture les yeux grands ouverts. Un instant le silence s’imposa. L’hyène profita pour lancer un vibrant avertissement :
–  J’ai le ventre vide ce soir. Il serait souhaitable que l’autruche trouve une autre solution pour l’emplacement de son cou.

Soudain ” Kotè-Himba ” lança :
– J’ai une forte envie d’uriner. M’autorisez-vous à le faire s’il vous plait ?

Joignant le geste à la parole, ” Zozaniba ” aspergea le liquide à forte dose de soude caustique à l’intérieur de la case ronde. La solution dans son écoulement n’arrêtait pas de bruler la peau des résidents qui se mirent à chuchoter sans retenue.

–  Quel terrible et étrange visiteur ce ” Kotè-Himba “… Quel dérangement… Pourquoi avons-nous accepté de l’accueillir parmi nous ? Quelle triste soirée de chamboulement… La puissance qui se dégage de son urine prouve toute la dangerosité de cet inconnu.

Le serpent se faufila doucement, lentement entre les uns et les autres pour se frayer un chemin honorable dehors. Un cours instant plus tard, ” Kotè-himba ” infatigable revint à la charge en formulant une nouvelle demande :

– J’ai une forte envie de me soulager. Puisse passer à l’action s’il vous plait ?
Les yeux à moitié ouverts, le roi lion donna son accord. Cette fois-ci, ” Zozaniba ” le lièvre leur envoya une coulée de bouse de vache à même le sol qui finit par inonder la superficie de la salle. Une odeur nauséabonde s’éleva et leur empesta les narines.

Largement dépassés par le cours des évènements, les résidents de la case ne savaient plus que faire ni à quel saint se vouer. Alors que tous les animaux demeuraient plongés dans la hantise, Kotè-Himba se manifesta une ultime fois et lança :

– J’ai une forte envie de me moucher et d’éternuer. Puis-je passer à l’action s’il vous plait?

Somnolant, les paupières lourdes le roi lion accepta une énième fois.

Le lièvre se dressa sur ses quatre pattes, le sifflet à la bouche et siffla d’un grand trait. Paniqués, perturbés, les animaux se réveillèrent tous ensemble pour engager une course de fond les uns derrière les autres. ” Kotè-Himba ” s’arrêta sur le pas de la porte pour les regarder s’enfuir et disparaitre dans la nature. D’un seul coup, le lièvre se retrouva seul dans l’immense case. Comme il avait promis,  depuis ce jour la demeure fut sa propriété et tous les animaux l’appelèrent ” la case de Kotè-Himba “. Le lièvre en fut grandement soulagé. Néanmoins, de temps en temps, pour créer la panique, il s’autorisait à siffler comme bon lui semblait.

Aboubacar Eros Sissoko

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2 COMMENTAIRES

  1. Vraiment c´est fantastique votre conte. Cela me rappele mon enfance. Les jeunes d´aujourd´hui ont beaucoup perdu de ce qu´est l´humanisme de l´Afrique.
    De mon temps malgré que ces seances de contes racontées par les grands parents tendaient á disparaitre,á l´ecole nous lisions un livre de contes intitulé: LA BELLE HISTOIRE DE LEUK LE LIEVRE de Sambene Ousmane et Leopold Sedar Senghor.
    Que de beaux souvenirs!
    J´aimerais beaucoup avoir ce livre de contes de mon enfance. Celui qui peut m´en procurer SVP CONTACTEZ MOI á ce numero de téléphone: 00244 923307471, je vous saurais gré. MIGUEL.

  2. Merci Eros Sissoko!Vous êtes plus bon dans ce rôle que celui consistant à déranger à travers vos articles,GMT dans sa retraite paisible.Question: écrit-on plutôt “la hyène” ou “l’hyène” oubien on peut dire les 2? 🙄

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