18 août 2020-18 août 2021. Cela fait une année qu’un groupe de militaires, regroupés au sein du Conseil national pour le salut du peuple (Cnsp) ont «parachevé» la lutte du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Un mouvement composé de partis politiques et d’organisations de la société civile menés par l’imam Mahmoud Dicko et Bouyé Haïdara, opposants au régime d’Ibrahim Boubacar Keïta. Les manifestants reprochaient au régime plusieurs maux : la corruption, la mauvaise gouvernance, l’insécurité grandissante, avec son corollaire de victimes civiles et militaires, entre autres.
Alors, une transition a été mise en place pour apporter des solutions et organiser des élections crédibles et transparentes dans un délai de 18 mois, à compter de la date de l’investiture de son président, le 25 septembre 2020. Un an après le coup d’Etat, où en sommes-nous? Les attentes ont-elles été comblées? Que pensent les Maliens? Pour certains, il est trop tôt pour établir du bilan. Ils estiment que les maux sont si profonds et qu’il faut donner du temps aux autorités de la transition. D’autres pensent qu’il y a de l’espoir car «le président de la transition n’a aucun de ses enfants dans le gouvernement, à plus forte raison prendre des décisions. Aussi, le favoritisme est-il banni dans la gestion des affaires publiques, les voyages présidentiels ont diminué. Les gens commencent à avoir confiance en leurs autorités».
Nouveaux acteurs, même recette, selon Mahamane Mariko
«Nous devons exiger que toute personne impliquée dans un quelconque détournement de biens publics soit déclarée inéligible», a déclaré Mahamane Mariko, président du parti Convention des réformateurs pour l’alternance et la justice (Craj Faso Nyèta). Selon lui, on assiste à une révolution de palais. Les tenants du pouvoir ont changé, avec la même recette.
«Je suis profondément choqué par l’organisation des examens de fin d’année, sans un consensus avec tous les acteurs de l’école. Pour rétablir la confiance avec la population, il faut retirer à l’élite politique cette sorte de caution à l’impunité. Personne ne doit être au-dessus de la loi. En entretenant l’injustice sociale, l’instabilité sera permanente», a-t-il indiqué.
A l’en croire, le combat pour le renouveau politique et la refondation sera voué à l’échec si certains ‘’fossoyeurs’’ arrivent à nous faire avaler la pilule du complexe, qui consiste à ériger les seuls critères financiers pour le choix des dirigeants (la question de la caution par exemple). Il propose de leur imposer les critères de la compétence et de la probité morale.
L’impunité plus que jamais entretenue, note Toutou Sidibé
Selon Toutou Sidibé, collaborateur d’avocat, à part les hommes, rien n’a changé. La vie devient de plus en plus chère, l’insécurité s’accroît, l’impunité, la corruption continuent, l’état des routes est toujours le même, les inondations continuent toujours dans la capitale, avec leurs lots de dégâts.
«Le ministre Kassogué est devant les faits. Depuis le régime IBK, notre justice fonctionne à pas de caméléon. Les dossiers d’atteinte aux biens publics restent dans les tiroirs. Pourquoi ? Pour preuve, sous IBK, l’actuel ministre de la Justice était le Procureur de la commune III. Il était rattaché directement au Pôle économique et financier. Il avait la charge d’instruire plusieurs dossiers.
Aujourd’hui, étant ministre de la Justice, ces mêmes dossiers ne figurent pas au rôle de la deuxième session de la Cour d’assises qui s’ouvrira le lundi 23 août prochain. Aucun dossier d’atteinte aux biens publics. C’est étonnant !», a-t-il laissé entendre.
« On a vu pire que sous le régime IBK », déplore Allaye Koïta
Abdoulaye dit Allaye Koïta, président du mouvement « En Avant », estime qu’en réalité, il est très difficile de faire le bilan, un an après la chute d’IBK. «Nos attentes n’ont pas été comblées à souhait. Sur le plan sécuritaire, il faut reconnaître que la situation a même empiré. Nous n’avons pas vu de siège de ville au temps d’IBK, alors qu’après lui, cela s’est passé à Farabougou et les tueries n’ont pas cessé. Et l’insécurité s’est même transportée au sud ; les voyageurs sont attaqués tous les jours, les écoles fermées. Les policiers continuent toujours de tirer sur la population. Les militaires sont préoccupés à occuper les postes dans les institutions et services centraux, au lieu de se préoccuper de la sécurité», a-t-il déploré.
Sur le plan de l’éducation, il dira que malgré l’application de l’article 39, qui a permis les examens en 2020, nous voyons que cette année les examens se tenir sans les enseignants. Ce qui est vraiment déplorable.
«Sans sécurité, on peut pas parler d’économie car nous avons vu le pouvoir d’achat chuter. Pendant la fête de Tabaski, le prix du mouton a augmenté car le pouvoir d’achat n’y est pas. La grogne sociale a continué avec la grève de l’Untm. La rectification de la transition avec l’arrestation de Bah N’Daw et Moctar Ouane nous montre à suffisance que nos institutions ne sont pas devenues celles que nous avons souhaité avec le départ d’IBK, même si j’avais souhaité depuis le départ que les cinq (5) colonels s’assument dès la démission d’IBK. Ce que nous avons déploré avec IBK par la nomination de l’Assemblée nationale par la Cour constitutionnelle, nous avons vu pire avec les colonels. Le CNT a été nommé par Kati ; ce qui est déplorable», a-t-il regretté.
Une justice toujours à la traîne
Koïta indique sur un tout autre plan que la justice n’est toujours pas au rendez-vous, même si les citoyens notent les quelques sorties du procureur de la commune IV sur des faits de société. «L’attente des Maliens sur le plan de la justice est au niveau de la corruption, le détournement, l’impunité, les crimes commis lors des manifestations de juillet 2021, les crimes commis au centre, etc.», a-t-il rappelé.
Notre interlocuteur estime aussi que le gouvernement ne fait rien pour que le délai de la transition soit respecté.
«Rien ne bougent, le gouvernement est dans une position de faire tout pour que le délai ne soit pas respecté. Ce que je propose, c’est qu’il faut négocier avec la France pour faire revenir la sécurité. Sinon dans ces conditions, on fera les élections à Bamako et sur une partie du sud», a-t-il alerté.
Avant de proposer : «Il faut aller à des vrais réformes politiques en pensant à notre système de gouvernance. Le président roi doit disparaître, le gouvernement doit représenter le peuple et travailler pour le peuple. Et pour cela, il doit être choisi par le peuple. Donc, les députés doivent choisir le Premier ministre et ce dernier formera son gouvernement que les députés vont accepter. Ce, en faisant une enquête de moralité au préalable sur tous les ministres, leurs biens, les emplois qu’ils ont occupés, leurs cursus associatif, politique et scolaire, etc.».
Propos recueillis par Moussa Sékou Diaby