Chronique satirique: le procureur qui déteste la barbe

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Le procureur général Daniel Tessougué
Le procureur général Daniel Tessougué

Daniel Amagouin Tessougué est un magistrat spécial. Très spécial. Loué pour ses compétences juridiques et son intégrité, il n’en trouve pas moins le moyen de défrayer souvent la chronique. Ainsi, c’est sur sa plainte qu’en 2011, un personnage aussi puissant que le Vérificateur Général Sidi Sosso Diarra, arrière-petit fils du roi Da Monzon (!), est embastillé par le juge d’instruction de la commune 4 de Bamako. C’est vrai que le chef de l’Etat de l’époque, le “Vieux Commando”, désirait donner une bonne leçon à Sidi Sosso Diarra qui avait une trop forte tendance à interpréter à la lettre la loi qui déclare le Bureau du Vérificateur indépendant du gouvernement.

Le haut fait d’armes réussi contre Diarra n’est peut-être pas étranger à la nomination, en 2012, de Daniel Tessougué au poste de Procureur Général (PG) près la Cour d’appel de Bamako. Pour ceux qui l’ignoreraient, le PG de Bamako a entière autorité sur tous les procureurs, commissaires de police et commandants de gendarmerie de Bamako ainsi des régions de Sikasso, de Koulikoro et de Ségou. Il ne lui reste à commander que dans l’Azawad mais ça, c’est une autre histoire puisqu’à Kidal, capitale de ce cher territoire, c’est Iyad Ag Ghali qui fait la loi et non point l’Etat malien… C’est donc de son piédestal tout neuf que Tessougué rédige l’acte d’accusation du “Vieux Commando” pour haute trahison. A en croire ce texte  d’une dizaine de pages, le “Vieux Commando” aurait trahi la nation en ne tenant pas son serment de préserver l’intégrité territoriale du Mali, en n’écoutant ni la “grogne” des troupes, ni les “avertissements” de la presse, et patati et patata! Transmis au gouvernement qui en saisit sans tarder l’Assemblée Nationale, le document finit cependant sa course au fond d’un placard car, depuis avril 2012, le “Vieux Commando” a trouvé refuge chez nos amis sénégalais où il s’est rendu…à dos d’homme. D’ailleurs, entre-temps, Ladji Bourama a eu bien d’autres chats à fouetter, notamment les affaires d’avion, d’armements et de Tomi Michel. Sans oublier que Ladji lui-même n’arrive pas à restaurer l’autorité de l’Etat dans l’Azawad dont son Premier Ministre, Moussa Mara, a été chassé à coups de canon et de gourdin en mai 2014.

La tête du “Vieux Commando” lui ayant échappé de justesse, Tessougué se rabat à une vitesse record sur celle du maire du District, Adama Sangaré. L’intéressé se retrouve, sans sommation,  jeté au gnouf avant que l’on se rende compte qu’il est maire en titre et que son incarcération exige une procédure spéciale devant la Cour Suprême. Qu’à cela ne tienne ! La procédure est rafistolée en cours de chemin et Adama Sangaré atterrit à la prison de Koulikoro. L’histoire ne dit pas si les spéculations foncières ont diminué pour autant dans le District, mais à tout le moins, Sangaré saura désormais qui est monsieur le Procureur Général. C’est pourquoi nul n’arrive à comprendre pourquoi Tessougué ira jusqu’à croiser publiquement le fer avec Mohamed Aly Bathily, son ministre de tutelle, pour avoir refusé de conduire à nouveau en taule le même  Sangaré. On l’aura compris: dans l’univers de Tessougué, la terre n’est jamais aussi ronde ni le soleil aussi brillant qu’on le croirait à première vue…Pour avoir pensé le contraire, le député de Ouelessébougou, Bourama Traoré, se retrouve entre quatre murs.Après avoir  joué les Mike Tyson dans le bureau d’un juge, il est placé sous mandat de dépôt sur instructions personnelles de Tessougué.Il apprendra à ses dépens que la voix du peuple ne pèse pas lourd face à la voix du parquet.

Tessougué refait parler de lui en cette fin d’année. Lors de la session d’ouverture de la Cour d’Assises de Bamako, le 30 novembre 2015, le magistrat met de côté le discours qu’il avait préparé pour laisser parler son coeur. Ainsi, il révèle sa recette-miracle contre le terrorisme: il faut, à ses dires, obliger les citoyens à se raser la barbe ! Bien entendu, lui-même donne l’exemple: constamment rasé de près, on ne lui voit ni moustaches, ni barbe, ni favoris. Problème: de paisibles musulmans portent, depuis notre père Abraham (paix sur lui), une barbe fournie sans être affiliés à Al-Qaida, alors que de dangereux terroristes, comme ceux qui ont attaqué l’hôtel RADISSON, n’arborent ni barbe, ni moustaches, ni poils de nez. Et puis, quel sort réserve Tessougué à la recommandation faite par le Prophète (paix et salut sur lui) de garder la barbe ? Enfin, raser la barbe des 15 millions de Maliens posera de sérieux problèmes de logistique auxquels Tessougué n’a pas songé: comment, Seigneur Allah, les mairies, qui peinent déjà à ramasser les ordures domestiques, transporteront-elles 4000 tonnes de barbe et de moustaches hebdomadaires? Car il ne s’agira pas de transporter le bagage poilu une fois pour toutes, mais au moins  chaque semaine! Ces objections n’altèrent pas, bien sûr, l’élan anti-terroriste de Tessougué. Il se plaint aussi que des mosquées sortent un peu partout de terre  sans que l’on sache d’où elles tirent leurs financements.

En fait, le Procureur Général se trompe à la fois de cible et de thérapie. Barbe, moustaches, foulard, mosquées, chapelet… Tout cela n’est rien à côté de l’attitude des hommes politiques qui ont décidé d’ignorer le principe constitutionnel de laïcité de l’Etat pour faire une cour assidue aux leaders religieux. Ladji Bourama lui-même débute ses discours officiels, non par des extraits de la Constitution, mais par des versets du Coran. Parmi les amis qui lui ont apporté des voix, on compte le Chérif de Nioro et l’imam Mahmoud Dicko. Pendant la campagne électorale, Ladji, à l’instar d’autres candidats, a répondu à la convocation de l’association islamique “SABATI 2012” et s’est engagé à mettre en oeuvre les doléances de ladite association. Résultat des courses: le Haut Conseil Islamique est beaucoup plus puissant que le gouvernement malien. Il a, par exemple, suffi qu’il gronde pour que la loi portant Code de la famille soit révisée. C’est sans doute parce qu’il mesure tout le poids du Haut Conseil  Islamique que Tessougué se garde de décerner un mandat de dépôt contre l’imam Mahmoud Dicko en lequel il voit pourtant un chantre du terrorisme depuis que l’imam a  déclaré que le Mali payait au nord le prix de l’injustice qui sévit dans le pays. Dans ces conditions, Tessougué a tort de s’en prendre à nos malheureuses barbes. Barbes et mosquées ne figurent-elles pas en bonne place dans le programme présidentiel “Mali d’abord, Inch Allah”?

 

Tiékorobani

Assemblée générale du synabef

Les banquiers répondent au procureur général Daniel Tessougué

Après une grève de 72 heures, le Syndicat National des Banques et Etablissements Financiers (SYNABEF) a tenu, le vendredi 4 décembre 2015 à la Bourse de Travail de Bamako, une assemblée générale extraordinaire, en présence de Yacouba Katilé, Secrétaire Général de la centrale syndicale UNTM. Le but de cette assemblée était de remercier les militants pour le bon suivi du mot d’ordre de grève et décider de la suite des événements.   Yacouba Katilé a réaffirmé le soutien de l’UNTM aux actions du SYNABEF. Il a demandé aux militants de d’adhérer aux futures actions.

 

Bouaré répond au procureur général

 

Prenant la parole, Aguibou Bouaré, secrétaire général du SYNABEF, a rappelé que le SYNABEF n’a pas engagé un bras de fer avec la justice. “Il n’y a aucun conflit entre notre corporation et les magistrats; il n’en est pas question car nous respectons la justice de notre pays. Mais en tant que citoyens, nous sommes en droit de dénoncer les abus et l’arbitraire dans notre pays. Cela est un droit pour nous et nous l’exercerons même demain!”, a-t-il martelé. Avant d’ajouter que dans le cadre de la grève, son syndicat a respecté la réglementation. “Ceux qui nous provoquent veulent transformer notre combat et nous décrier aux yeux de l’opinion nationale et internationale, mais nous ne leur en laisserons pas l’occasion.“, a indiqué Bouaré.

Répondant, sans le nommer, au procureur général Daniel Tessougué, Bouaré a annoncé que les Maliens continueraient de garder leurs épargnes dans les banques, et non dans des sacs ou marmites à domicile, comme conseillé par le magistrat. “Nous ne céderons jamais à l’intimidation puisque nous ne réclamons que l’application des lois de la République”, prévient Bouaré. L’orateur a demandé aux militants de rester vigilants et mobilisés jusqu’à l’application, par les tribunaux, des textes spécifiques régissant les banques car “il y va de la sécurité judiciaire” des banquiers.

L’assemblée a été informée de la mise en place d’une commission de conciliation chargée de trouver un terrain d’entente entre le gouvernement et le SYNABEF. En cas d’échec de la tentative de règlement amiable, une nouvelle grève des banques deviendra inévitable. A noter que la tenue de l’assemblée a entraîné une paralysie des services bancaires le vendredi dernier.

 

Abdoulaye Koné

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