Chronique du web : « J’accuse »

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Je ne sais pas si nous avons tous lu le célèbre pamphlet « J’accuse », mais je suis presque convaincu que nous en avons tous entendu parler. Grosso modo, c’est l’histoire d’une révolte, celle du célèbre écrivain français Emile Zola, intellectuel engagé et journaliste à la plume percutante, contre une décision de justice inique de son pays qui couvre d’opprobre le capitaine Alfred Dreyfus, un valeureux soldat accusé à tort d’intelligence avec l’ennemi prusse (allemand), au simple motif qu’il est juif. La sentence, dans cette affaire honteuse pour la nation française, est prononcée le 5 janvier 1895 et le capitaine Dreyfus subit le comble de l’humiliation. En effet, en plus d’être dégradé, il est envoyé au bagne de l’Ile du Diable, en Guyane, pour y subir les traitements les plus dégradants. Face à l’énormité de la cabale et surtout son relent manifestement antisémite, Zola s’était fendu de son désormais célèbre et historique pamphlet qui est considéré, encore aujourd’hui, comme un modèle et une des ancêtres des lettres ouvertes adressées au pouvoir exécutif.

Texte de « J’accuse » d’Emile Zola : 

Ceux que l’Histoire passionne savent que le procès Dreyfus est un moment fondateur du sionisme tel que pensé par les pères fondateurs de l’Etat d’Israël. En effet, un des idéologues du mouvement, Théodore Herzl, journaliste juif d’origine hongroise, avait couvert ledit procès et avait abouti à la conclusion que l’intégration des juifs en Europe était presque impossible.

L’Etat juif, Théodore Herzl   

Dans l’État juif, un ouvrage publié en 1896, Théodore Herzl préconise « l’établissement d’un état en Palestine qui serait un refuge pour les juifs du monde entier, notamment pour les communautés juives européennes qui commencent déjà à subir un antisémitisme virulent ». On connait la suite !

Ce long rappel qui ne vous aura certainement pas ennuyé juste pour sonner la révolte contre les accusations infâmes et indignes qui ternissent l’image de l’Armée malienne, injustement accusée d’être un ramassis de misérables sans doctrine et sans règle d’engagement. Et aussi pour inviter les intellectuels maliens à émerger de leur torpeur pour se saisir des grands débats qui questionnent notre société, notre vivre en commun et notre devenir. Je suis convaincu que je ne parle pas à des Néron qui se prélassent dans leur confort douillet alors que notre pays est au bord du gouffre.

A l’instar de Zola, j’accuse ceux et celles qui colportent et amplifient la rumeur sur le compte d’une armée républicaine, l’accusant avec un art consommé de l’indignité, de violence aveugle, brutalités et exécutions sommaires de populations civiles aux mains nues.

J’accuse ceux et celles qui produisent et diffusent des images et vidéos inhumaines ainsi que des enregistrements sonores d’une grossièreté pitoyable sur les réseaux sociaux faisant accroire à une opinion nationale et internationale naïve que l’Armée malienne se livrerait à des massacres à huis clos et, plus grave, à une épuration ethnique. Ou, cyniquement, qu’elle jouerait des communautés nationales contre d’autres utilisant les premières comme supplétifs pour massacrer les secondes.

J’accuse tous ceux et celles, comme vous et moi, qui s’exposent passivement à ces « produits hautement toxiques » sans la moindre réaction de bon sens patriotique  et finissent par tomber dans un piège grossier au dessein funeste.

Non, encore non et mille fois non, l’Armée malienne ne saurait se rabaisser à de telles inhumanités, à de telles atrocités. Sa doctrine qui remonte à l’époque des grands ensembles politico-étatiques du Moyen-âge africain consacre l’inviolabilité de la vie humaine.

A l’heure où le monde entier a les yeux braqués sur notre pays, notre brave Armée n’a pas pu commettre de tels actes qui, je ne doute pas un seul instant, sont l’œuvre de vulgaires groupuscules armés et/ou d’entités, loin de nos frontières, échappant totalement au contrôle de toute hiérarchie.

Il faut crier avec toute notre force que les images dégradantes et d’atteinte à la vie humaine qui circulent sur les réseaux sociaux ne sont pas maliennes ; elles ne sont pas tournées au Mali et donc, à ce titre, constituent de la pure et vulgaire manipulation.

Je ne suis pas un adepte du contrôle de l’Internet par quelque pouvoir public, mais je prône une surveillance responsable dont l’objectif est de s’assurer qu’il ne serve pas à des criminels pour véhiculer des fake news et à s’attaquer au fondement des nations.

Je milite pour que le législateur malien s’inspire de pays comme l’Allemagne, la France, le Brésil, la Malaisie et le Kenya où des projets de loi sont à l’étude ou sont promulguées pour « traiter » la cybercriminalité et les fake newsnotamment en période électorale.

Des lois nouvelles contre les fake news dans quelques pays : 

Il faut aussi que l’Etat malien soit plus proactif sur cette matière très sensible ; qu’il anticipe et évite d’être dans la réaction, comme c’est malheureusement le cas maintenant.

Je suggère enfin à notre presse d’ouvrir dans ses colonnes une rubrique citoyenne qui publierait, chaque fois que de nécessaire, des éditoriaux écrits par un comité par elle désigné et qui seront repris par tous les organes sur une période donnée (une semaine, 15 jours voire plus).

Pour conclure, je voudrais me permettre de dire à tous les protagonistes des présentes joutes électorales que la conquête du pouvoir d’Etat ne justifie pas de scier la branche sur laquelle on est soi-même assis. Tôt ou tard, on finit par être rattrapé par ses propres turpitudes.

Serge de MERIDIO

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