Ils sont une petite poignée de génies du secteur de l’informatique et de l’électronique, de grosses fortunes, d’activistes, de célébrités, de philanthropes… et bien entendu de rêveurs qui ambitionnent de connecter le monde entier à l’internet dans un horizon de cinq ans. Cette annonce, Mark Zuckerberg, le jeune patron de Facebook, l’a faite le 26 septembre dernier à New York, au siège des Nations Unies en marge des travaux de la 70ème session de l’Assemblée Générale. Ce petit groupe de rêveurs qui comptent aussi parmi les plus grosses fortunes de la planète est emmené par Mark Zuckerberg et comprend, entre autres, Bill Gates, Richard Branson, Charlize Theron, Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia, Shakira, ou encore Bono, le rocker du groupe britannique U2. Ces humanitaires d’un nouveau genre dont certains ont le cœur dans une main et la calculette dans l’autre entendent aussi compter sur le soutien de la fondation des Nations unies, des ONG comme Save The Children ou Transparency International pour arriver à leur fin. Concrètement, en 2020, mes parents restés dans mon bled perdu, quelque part au bout du monde, sauront et pourront surfer sur la Toile mondiale et découvrir les merveilles de notre planète. Quel challenge et quel bel altruisme ! Le postulat de Mark Zuckerberg et de ses amis est très simple : « Au XXIe siècle, développement mondial et connectivité mondiale sont intimement liés. Si vous voulez aider les gens à se nourrir, se guérir, s’éduquer et trouver un emploi partout dans le monde, il faut connecter le monde. Internet ne devrait pas appartenir à seulement trois milliards de personnes, comme c’est le cas aujourd’hui. Il devrait être considéré comme un impératif pour le développement ». Ce qui est très bien dit ! Je suppose qu’à l’applaudimètre, il a ravi la vedette à Barack Obama himself. Le petit futé a même annoncé qu’il allait travailler avec l’agence des Nations unies pour les réfugiés afin de rendre Internet accessible dans les camps de réfugiés. Ce qu’on ne sait pas trop, c’est que dans ses laboratoires de la Silicon Valley, Facebook expérimente déjà des drones et des minisatellites pour rendre disponible l’Internet dans des zones peu connectées. On dit même qu’un de ces drones baptisé Aquila, pesant 400kg, est même capable de fournir une connexion wifi dans un rayon de 80 kilomètres. Mieux, le géant des réseaux sociaux a déjà lancé en Inde, Zambie, Kenya et Colombie une application mobile, Free Basics, qui permet d’accéder gratuitement à des services comme Facebook ou Wikipedia. Mais d’autres grandes firmes sont aussi dans les starting-blocks pour gagner des parts de marché. Il en est ainsi du constructeur européen, Airbus, qui va construire 900 satellites pour connecter le monde à Internet dans le cadre d’un ambitieux projet, OneWeb. Le PDG de OneWeb, Greg Wyler, ambitionne, lui, d’offrir des services de connexion à Internet à bas prix, dans tous les pays du monde entier. A cet effet, l’opérateur dispose déjà de fréquences attribuées par l’Union Internationale des Télécommunications (UIT). Airbus et OneWeb tablent sur 2018 pour aboutir la mise en orbite de leurs premiers satellites. Et Google donc ? Il est aussi à l’affût avec son projet Loon qui consiste à lancer des ballons gonflés à l’hélium dans la stratosphère. Dans un premier temps, Google va s’attaquer au marché indien en y équipant 400 gares de wifi gratuit, dont 100 d’ici fin 2016. Selon des fuites dans la presse, « Après une phase de développement tenue sous secret dans les laboratoires de Google X, les premiers tests effectués en Nouvelle-Zélande ont pu prouver la viabilité du projet ». Le projet est développé en partenariat avec le Centre national d’Etudes Spatiales (CNES) de France. Autre poids lourd qui entend se faire respecter dans cette course effrénée aux parts de marché, Samsung, le géant sud-coréen. Dans une étude scientifique rendue publique récemment, Samsung présente un plan de mise en œuvre d’un réseau global connectant le monde grâce à 4600 satellites. Selon Farooq Khan, président de Samsung Research America (Dallas), « Cette constellation offrirait de manière satisfaisante une couverture Internet mondiale. Le projet résulterait en un débit total d’un zettaoctet (1 milliard de teraoctets) par mois, soit suffisamment pour gérer le trafic des données mobiles estimé en 2028. Comme on le voit, le secteur est en bouillonnement perpétuel. Certes, il y a des effets d’annonce, mais il y a aussi des travaux gardés secrets pour se mettre à l’abri de tout piratage. S’il est vrai que la finalité proclamée de cette course à la connectivité mondiale est une excellente nouvelle pour les pays du Sud, il faut cependant avoir à l’esprit que la philanthropie béate n’existe pas. Il y a des milliards à la clé à ramasser qui contribueront à asseoir et à pérenniser un modèle économique et de pensée dominant sur lequel nous n’aurons malheureusement aucune prise.
Serge de MERIDIO