Chronique du Mali debout : Justice ou paix ?

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Alger: autorités et groupes armés maliens entament les discussions
Mardi 15 juillet, une quarantaine de prisonniers touaregs étaien relâchés par le gouvernement en échange de quarante soldats.
REUTERS/Adama Diarra

Depuis Nuremberg, selon des experts, l’idée d’une justice indépendante chargée de juger les criminels de guerre, les génocides et les crimes contre l’humanité a fait son chemin dans les esprits. La mise en place de tribunaux internationaux a toutefois bouleversé la mise en place des processus de paix, supprimant l’option « amnistie » traditionnellement accordée aux belligérants. Aujourd’hui, cette question fait débat au Mali après la libération de certains présumés «criminels» par le pouvoir au nom de la paix.

 

Comment convaincre un chef de guerre de déposer les armes s’il sait que la prison (dans le meilleur des cas) l’attend au bout des négociations ?

 

Ou comment convaincre un terroriste de contribuer au démantèlement de son réseau alors qu’il croupit déjà en prison ?

 

D’un autre côté, peut-on vraiment obtenir une paix sur le long terme en demandant aux victimes de faire comme si rien ne s’était passé ?

 

Si les réponses à ces questions ne sont pas évidentes, il est néanmoins clair que «les procureurs jouent désormais un rôle politique actif dans la résolution des conflits». Et leurs décisions peuvent «fragiliser les positions d’un camp, ou au contraire reporter la paix de plusieurs années». D’où la pertinence du thème du Campus francophone d’avocats et juristes que notre capitale a accueilli du 10 au 13 septembre 2014. Au cœur des débats et des plaidoiries, une problématique fondamentale pour le Mali : «Reconstruction du pays par le droit après la guerre».

 

Comme l’a si bien dit le bâtonnier de l’Ordre des avocats français, Me Pierre-Olivier Sur, «un pays qui sort de guerre a besoin de se reconstruire par le droit». Il est donc plus que jamais nécessaire de «Reconstruire le Mali par le droit».

 

En effet, entre 2012 et 2013, notre pays a frôlé le chaos parce la justice était devenu un mot creux, une illusion pour la grande majorité. L’abus de pouvoir, la spoliation… étaient devenus la règle de Droit. Les juges avaient choisi leur camp : le pouvoir et les riches !

 

La situation était explosive parce que nos dirigeants s’entêtaient à ne pas comprendre que, comme le dit Jacques Amiot, «où règne la justice, les armes sont inutiles».

 

Face aux avocats francophones, le ministre Mohamed Aly Bathily a eu le courage d’admettre que la crise traversée par le pays est en partie liée au fait que les dirigeants n’ont pas su «comprendre l’importance de la sécurité juridique». Et cela a été «l’une des causes de tout ce qui a pu nous arriver tant sur le plan économique, politique, sécurité et militaire. On ne peut rien construire de durable sans le respect effectif des normes de droit», dixit le ministre de la Justice.

 

Autrement dit, «si on veut reconstruire le Mali, on doit le faire par le droit». Ce qui est un défi immense dans un pays où, pour paraphraser Me Bathily, on avait substitué au droit des arrangements, des ententes parfois malveillantes, de honteuses compromissions aux dépens de la grande majorité des justiciables.

 

Espoir et doute

La justice devient à ce titre le premier pan à reconstruire du mur qui s’est écroulé en début 2012. Les partisans des Droits de l’Homme ont donc raison de continuer à se battre contre l’impunité et d’exiger des décideurs la création des conditions d’une «une paix durable pour toutes les populations du Mali».

 

Si le verdict du tribunal de la commune IV sur la crapuleuse démolition des maisons de Kalambabougou suscite l’espoir, les motifs de doute ne manquent pas non plus. Des incertitudes qui, le 9 septembre 2014, a amené une quarantaine d’organisations des défenseurs des droits humains à manifester «leur indignation contre l’impunité, la libération extrajudiciaire des personnes présumées coupables des exactions commises au nord pendant la rébellion». Et en recevant le Mémorandum des marcheurs, le ministre Mohamed Aly Bathily n’a pas été rassurant en déclarant, «nous différons la punition dans l’intérêt de l’Etat».

 

La sempiternelle équation de «paix, réconciliation et justice» est ainsi remise sur la table du dialogue sociopolitique. La libération de 42 éléments des groupes armés intervenue le 15 juillet dernier, à la veille des pourparlers, ainsi que celle de Houka Houka (ancien juge islamiste de Tombouctou), et de Yoro Ould Dah (membre du MUJAO) ont ébranlé leurs victimes au détriment desquelles ils ont recouvré la liberté.

 

Pour le gouvernement, c’est le prix à payer pour le retour de la paix. Toutefois, il est évident qu’on ne peut pas réconcilier sur fond d’impunité. Et sans réconciliation, la paix devient hypothétique voire utopique.

 

 

«Vous dites Etat de droit, cela suppose qu’il faut imaginer la corrélation entre l’Etat et le droit. Le droit est plus facile d’accès, parfois l’Etat pose trop de problèmes et de difficultés», a rappelé Me Mohamed Aly Bathily.

 

 

«Si nous devons faire quelques sacrifices au nom des principes que nous avons, nous allons faire ce sacrifice et faire en sorte que demain les principes puissent s’appliquer», s’est-il défendu.

La paix incompatible avec la justice ?

Dans ce cas, pourquoi ne pas libérer aussi le «Capitaine-Général» Amadou Haya Sanogo et ses acolytes présumés coupables de crimes pendant la même période, en attendant que la CPI se saisisse aussi de leurs dossiers ? «L’Etat, c’est aussi cela. Il faut parfois sauver l’intérêt du pays», répond Me Bathily.

 

Mais, après une crise ou un conflit (rébellion), peut-on faire la paix sans justice ? Ainsi posé, le dilemme semble insurmontable car, selon Pierre Hazan (ancien correspondant diplomatique, spécialiste de la justice internationale et de l’action humanitaire pour des quotidiens Libération en France et Le Temps en Suisse), les «deux objectifs ainsi définis semblent mutuellement incompatibles».

 

Mais, dans un ouvrage, très pédagogique, il démontre qu’une «conception plus extensive de ces deux notions permet de surmonter la tension qui les oppose. La justice n’est pas seulement la mise en œuvre d’une procédure pénale. Elle inclut aussi des procédures moins contradictoires avec la recherche de la paix».

 

Il évoque ainsi l’établissement d’une commission vérité et réconciliation, l’ouverture des archives, identification des disparus … Ce qui fait que, selon cet expert, «la paix ne se réduit pas à la cessation des hostilités. Elle vise à la réconciliation. Dans cette perspective, la paix et la justice peuvent cheminer de concert selon un séquençage».

Dans le cas espèce du Mali, il revient maintenant à la Cour pénale internationale (CPI), liée au pays par un protocole, de se saisir de tous les crimes qui se sont passés sur le territoire malien janvier 2012 à nos jours.

 

Et surtout que pour le ministre de la Justice, «la Cour pénale est plus outillée et a plus de moyens que le Mali». De toutes les manières, poursuit le ministre de la Justice, «il n’y aura pas d’impunité car les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles».

 

Au nom de la paix et de la réconciliation au Mali, il n’y aura donc pas d’impunité. Seulement, la punition est «différée» dans l’intérêt de la nation. Mais, que les décideurs n’oublient jamais que, même si elle ne fait pas oublier, la vérité, donc la justice, permet de pardonner, de favoriser la cohabitation entre victimes et bourreaux comme en Afrique du Sud…, au

Rwanda !

Moussa Bolly

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2 COMMENTAIRES

  1. Prrrrrrrrrrrr ! … faux débat !

    Comment convaincre un terroriste ? … comment convaincre un chef de guerre ? …

    Réponse… On ne convainc pas un terroriste… on le TUE !

    Un humain qui prend des armes pour tuer d’autres humains innocents… on le tue !

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