Ce grand savant sénégalais était un disciple de Marie Curie du rationaliste et du philosophe Gaston Bachelard, mais aussi un homme de foi. Né et ayant grandi dans la culture négro-africaine du Cayor profond, comme le conquérant Lat Dior Diop ou encore « L’homme de Touba » connu sous son vrai nom de Cheick Bamba, il est fondateur de la confrérie des Mourides, homme de Dieu, serviteur des hommes et martyr du colonialisme français.
Cheick Anta avait des convictions religieuses. Il croyait avec fermeté en la science, en l’impérieuse nécessitée de dynamiser les cultures noires à partir de leur soubassement égyptien récupéré à l’Afrique. Il voulait réparer l’injustice faite à la race négro-africaine, auteur de la civilisation de l’Egypte ancienne. Ils sont incontestablement les vrais auteurs de la brillante civilisation multimillénaire des pyramides.
Dans son précieux ouvrage “Nations nègres et culture”, le savant interroge les hiéroglyphes, les auteurs grecs, l’archéologie. De sa profonde connaissance de la culture africaine, il saisit par la méthode comparative les affinités entre les hommes, les langues, les cultures de l’Égypte pharaonique et de l’Afrique noire. Dans cette comparaison, il a privilégié la linguistique comme source et méthode pour atteindre le passé si lointain. La linguistique lui a permis de pénétrer l’essence de la civilisation égyptienne et de trouver ses liens génétiques avec la culture de l’Afrique noire. C’est pourquoi, Cheick Anta considérait l’étude et l’utilisation des langues africaines comme une nécessité pour le renouveau culturel africain.
Dans “Civilisation ou Barbarie” sa dernière grande œuvre, Cheick Anta insiste moins sur l’origine nègre de l’Égypte ancienne considérée comme acquise, que sur l’apport de la civilisation égyptienne à la Grèce antique et à toute l’humanité. Prenant ses distances avec les auteurs de la négritude, écrit le célèbre historien malien Sekene Mody Sissoko, qui l’a bien connu, il se met d’emblée sur le plan de la créativité, de la science et des techniques qui auraient été dans cette partie de notre planète, d’origine égyptienne donc négro-africaine. Les mathématiques, le calendrier, l’astronomie, la chimie, la physique, l’architecture, la philosophie etc., tout ce qui constituait le fameux miracle grec serait antérieurement égyptien et partant negro-africain. Son combat a toujours été de convaincre les africains qu’ils étaient à la base d’un grand développement scientifique et technologique que l’occident veut leur donner aujourd’hui, ce qui à l’origine leur appartenait.
B CAMARA, Journaliste, Chercheur