Manifestement, la relecture de la Charte de Transition par le CNT aura généré plus d’interrogations et recelé plus d’intrigues qu’elle n’en a résolu d’équations. Et la nébuleuse n’a pas trait seulement à la durée de la Transition laissée en suspens en attendant l’issue des marchandages avec la Cedeao et la communauté internationale.
Soumis à l’examen des législateurs aux fins de délibération sur bien d’autres aspects dont la taille du Conseil national et du Gouvernement de Transition, le texte fondamental de substitution est finalement passé haut la main, il y a une semaine jour pour jour, quoique le vote ait été nuancé par une poignée de suffrages négatifs dont on parle à peine. En clair, par-delà les amendements adoptés à l’unanimité, la Charte dans son ensemble a essuyé au moins une demi-douzaine de voix dissidentes qui traduisent vraisemblablement la circonspection qu’inspirent les équivoques et la nébuleuse qui l’entourent. Des interrogations et suspicions pèsent notamment sur les dispositions de l’article 7 nouveaux de ladite Charte, qui traite de la vacance du poste de président de la Transition. Il s’agit d’un amendement apporté par les législateurs eux-mêmes et qui, à l’évidence, passe outre les principes sacro-saints selon lesquels une session extraordinaire ne peut connaître que des sujets pour lesquels elle est convoquée. Une raison de plus pour que la démarche mette la puce à l’oreille et intrigue plus d’un quant aux motivations qui la sous-tendent. Quel besoin ou urgence y avait-il, en effet, à prévenir l’éventualité d’une vacance du reste pris en compte dans la constitution ? Face aux présomptions de manœuvres et manipulations qu’inspire la démarche, les observateurs les plus candides s’accommodent des gages apparents que recèlent les dispositions de article 9 nouveau en vertu duquel «Le Président de la Transition n’est pas éligible aux élections présidentielle et législatives qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition». Et le même article de rassurer en précisant que ladite disposition n’est pas révisable. Pas assez pour persuader les plus sceptiques qui subodorent plutôt les germes d’un artifice pour déblayer le terrain à un éventuel contournement des restrictions faites au président de la Transition d’être candidat. Ils avancent, par exemple, que l’ambigüité persiste pour autant que la Charte, dans son énonciation en vigueur, n’exclut nullement la possibilité de susciter une vacance de présidence pour ouvrir la voix à une candidature. Il faut dire, au passage, que les offensives de charme d’Assimi Goïta conforte une telle présomption, tout comme la réticence des concepteurs du texte à rassurer les plus circonspects en levant les équivoques par plus de clarification dans la formulation des restrictions en question. En réponse à leurs inquiétudes, il leur a été simplement rétorqué, selon nos confidences, qu’une loi fondamentale ne s’attarde pas sur les détails.
La même équivoque entoure également le statut d’éligibilité du Premier ministre de Transition. Lors d’un récent entretien accordé à RFI, les ambitions présidentielles de Choguel Maiga n’ont guère échappé à la curiosité du confrère Alain Foka. Sur le sujet, le Premier ministre de la Transition n’exclut pas qu’il a le droit de mijoter une conquête de la magistrature suprême en déclamant comme suit : «Moi, je suis un croyant; chaque homme suit son destin et Dieu a créé les conditions pour que le président porte sa confiance en moi». Et d’esquiver la question en se retenant habilement de s’étendre là-dessus, au détour d’une prépondérance de sa mission gouvernementale sur toute autre préoccupation. Et pourtant, selon le dernier alinéa de l’article 12 de la Charte – non concerné par la relecture ni par les amendements de l’organe législatif de Transition – , les membres du gouvernement de Transition sont frappés par les restrictions d’éligibilité au même titre que le président de la Transition. En abordant la question de ses ambitions présidentielles avec Alain Foka, le Premier ministre Choguel Maiga aurait pu en faire cas s’il ne comptait pas sur la possibilité de se soustraire aux dites restrictions ainsi que sur les équivoques et ambiguïtés qui lui en ouvrent les brèches pour ce faire.
A. KEÏTA