Fille de l’ancien ministre Moulaye Haïdara, Safia Moulaye, l’épouse de l’actuel ministre de la Réconciliation, Zahaby Ould Sidi Mohamed, a de bonnes raisons de se réjouir d’avoir eu une enfance dorée. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de se dévouer corps et âme à la cause des autres, surtout ceux dans le besoin. «J’aime l’humanitaire. Ça me fait plaisir d’aider les autres. Parfois, on rate sa vocation….J’aime la vie associative. J’ai une satisfaction morale quand j’aide les autres. C’est plus fort que moi », justifie cette arabe bon teint née à Ségou.
Safia Moulaye est réputée pour être une femme engagée, dont l’amour pour sa partie et le combat pour l’unité, la laïcité et l’intégrité territoriale du Mali pendant la crise ont été largement appréciés de part et d’autre. Ce n’est pas pour rien qu’elle est la seule femme du bureau de l’Alliance de la Communauté Arabe Al Carama dont l’un des objectifs est l’apaisement. Faut-il rappeler le rôle qu’a joué cette amazone de la paix dans les coulisses lors du congrès constitutif de cette association. Elle a mis à profit son séjour en Mauritanie en qualité de conjointe de fonctionnaire international pour assister les réfugiés et aider à structurer les femmes. Les interventions de Mme Safia ont permis de convaincre les réfugiés qu’ils ne sont pas abandonnés par l’Etat malgré ses difficultés.
L’Association des femmes réfugiées en Mauritanie est sa marque de fabrique. Mme Safia Moulaye a pris son bâton de pèlerin pour sillonner les grandes localités du Mali pour la sensibilisation et l’information afin de recoudre le tissu social. Récemment, elle a organisé une conférence sur le vivre ensemble qui a regroupé plus de 800 femmes au Centre international des conférences de Bamako.
Aller vers le développement !
Même la nomination de son mari au gouvernement n’a pas ébranlé sa volonté de maintenir un contact régulier avec les réfugiés. Actuellement, elle compte poursuivre ses efforts pour une meilleure compréhension de l’Accord pour la paix et la réconciliation d’Alger. « Je suis en train d’aller dans le sens du développement. Aujourd’hui, on doit se braquer sur le développement. », Explique Mme Safia Moulaye. Selon elle, il faut maintenant la confiance des populations à travers des projets de développement qui ont un impact réel sur leur existence. «Le fond du problème demeure le sous-développement », affirme-t-elle. Elle veut anticiper sur le retour des réfugiés, l’un des volets importants de la mise en œuvre de l’accord. Pour joindre la parole à l’acte, elle vient d’obtenir du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle, de la Jeunesse et de la Construction citoyenne sous la diligence de Mahamane Baby un financement pour la formation de 450 femmes. Pendant un mois, ces femmes repartis en trois sites de formation (Bamako, Tombouctou et Gao) bénéficieront de formations dans plusieurs domaines d’activités, notamment la transformation des produits locaux comme le blé et dérivés, le lait et dérivés, la pâte d’arachide, les viandes et poissons séchés. D’autres femmes seront formées à la gestion simplifiée. Mme Safia Moulaye s’est battue pour que les femmes ainsi formées puissent bénéficier de kits.
Celle qui milite pour une valorisation du rôle des chefs traditionnels, veut faire de cette activité un tremplin de brassage entre les femmes des régions du nord et des autres régions afin de mieux consolider la cohésion sociale. Elle ambitionne de créer dans les régions du nord des marchés pour les femmes commerçantes. Elle estime que c’est là une voie royale pour atteindre l’autonomisation des femmes à travers leur insertion dans le tissu économique.
Présidente du Réseau malien pour la prévention des atrocités de masse, elle milite pour une large sensibilisation et information afin que notre pays puisse éviter une crise similaire aux conséquences dramatiques. Aujourd’hui, la Présidente de ce Réseau cherche des appuis pour l’installation des antennes locales à l’intérieur du pays. Membre de la Plateforme des femmes leaders du Mali, elle est l’une des initiatrices du «Réseau malien Oser parler de la drogue», une coalition des organisations de la société civile.
Une liberté de ton !
Fervent défenseur de la tradition, elle a la ferme conviction que tout n’est pas à copier ou imiter. « Il faut apprendre aux enfants leur tradition, d’où ils viennent », suggère-t-elle. « Notre génération a baissé les bras. On n’a pas assumé nos responsabilités comme nos parents.» Le niveau des élèves et étudiants, selon elle, est catastrophique. Elle trouve « inadmissible et incompréhensible » qu’un parent se lève pour aller acheter un diplôme ou des notes pour son enfant. «J’admire Mme Togola Nana Marie Jacqueline (ndrl, elle fut ministre de l’éducation). Elle a voulu mettre de l’ordre. Dans ce pays, on n’aime pas les gens qui travaillent », nous confie-t-elle. Pour avoir eu le privilège de vivre les réalités de certains pays en crise en compagnie de son époux, Mme Zahaby s’insurge contre la dépravation de mœurs et se montre favorable à la prise des mesures vigoureuses pour préserver nos enfants. « On n’est pas des musulmans à 100% mais on a des valeurs à sauvegarder. On peut accepter certaines libertés sans toucher à nos valeurs », tranche-t-elle.
Face aux biens de l’Etat, Safia opte pour une gestion rigoureuse. Grande militante de la cause palestienne qui se veut apolitique, elle ne se prive pas de donner son opinion sur la gestion du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta : « Je crois en lui. Le Président a traversé une turbulence pendant deux ans. Il n’a pas été compris. Il tient à cette paix. Il est venu trouver un pays à terre. Je pense qu’on ne peut pas lui juger sur les trois premières années de son exercice. Qu’on lui laisse le temps. Il faut être un peu tolérant pour que le pays retrouve une certaine stabilité ».
Chiaka Doumbia