Célébration du centenaire de l’évangélisation du diocèse de San à Mandiakuy : « Souveraineté spirituelle et défis de la foi »

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Responsable et Curé de la paroisse de Mandiakuy durant une dizaine d’année, Monsieur l’Abbé André Zanduba Dembélé est l’un des principaux artisans de la préparation du Centenaire de Mandiakuy qui est célébré ce 28 et 29 décembre 2022. Il a bien voulu dresser ici la signification de cet évènement de la foi catholique dans le Bwatun et dans l’Église famille de Dieu au Mali.

 Mali-Tribune : Pouvez-vous nous faire l’historique de l’évangélisation du Bwatun ?

Abbé André Zandouba Dembélé : Ce que j’en sais ? Les pères sont arrivés à Mandiakuy le 9 octobre 1922 en provenance de Ségou. Ils étaient au nombre de trois : Père Ernest Duvernois (médecin), Père Eugène Ratisseau et Père Felix Théodière (supérieur). Ils ont été accueillis. Voulant être le plus proche possible des populations, ils commencent par apprendre la langue boomu, mangeant et buvant avec elles, bref à partager la vie quotidienne. Ils soignent des malades, apprennent à lire et à écrire aux enfants. Bientôt, ils visitent les villages aux alentours de Mandiakuy : Kèra, Manina, Dittara, etc. Avec la catéchèse, ils proposent un enseignement sur la foi chrétienne pour ceux qui acceptaient de les écouter. Les premiers baptêmes ont lieu en 1930. C’est à partir de Mandiakuy que sont créées les paroisses de Togo (transférée plus tard à Sokoura), San, Tominian et Touba. Viendront plus tard Timissa, Yasso et Mafounè.

Mali-Tribune : Qu’en est-il de la situation aujourd’hui ?

Ab. A. Z. D. : Le diocèse de San compte près de 50 000 baptisés. La paroisse de Mandiakuy à elle seule compte environ 20 000 chrétiens. C’est une joie pour nous. Dans le pays, de nombreux ressortissants du diocèse de San sont actifs dans les communautés à Bamako, Kayes, Ségou et ailleurs au Mali. Ils sont engagés et font la fierté de croire et de témoigner. Mais devons aussi nous interroger après 100 ans d’évangélisation. Nous constatons qu’il y a beaucoup de retours à la religion et aux pratiques traditionnelles. Surtout du côté des plus anciens. Et cela pour diverses raisons : les biens matériels, la santé, la fécondité ou encore la protection spirituelle. De ce fait, j’aimerais que tout pasteur s’interroge : le christianisme n’a-t-il pas su/pu répondre aux questions existentielles des Bwa ?

Mali-Tribune : Si tel devrait être le cas, que identifiez-vous comme défis ?

Ab. A. Z. D. : Nous ressentons -à écouter et à voir ce qui se passait-   la ferveur n’est plus comme avant. Il est arrivé même un moment où des gens affirment que le Christianisme, c’est pour l’âge de la jeunesse, après, quand on devient vieux, on retourne à la tradition. C’est une situation que nous devons essayer de comprendre et à laquelle nous devons apporter des réponses idoines comme pasteurs et chrétiens. Notre pastorale des 100 ans à vernir devra tenir compte nécessairement de ces besoins réels : devenir chrétien ne fait pas de nous une société à part. Nous avons à cultiver la responsabilité pour promouvoir cette société qui nous est donnée. Nous sommes responsables de notre destin social, politique, spirituelle ou encore économique ? Les missionnaires blancs ont amené un christianisme qui a fait ses preuves ailleurs -en l’occurrence l’Europe. C’est à nous aujourd’hui, en tant que Maliens et Africains à le « traduire » selon la réalité de chez nous. On ne doit plus vivre et croire comme au Moyen-âge. C’est ce que j’oserais appeler la « souveraineté spirituelle » tout en étant catholique c’est-à-dire ouvert sur le monde, ouvert sur l’universel.

 Mali-Tribune : Pourquoi c’est Mandiakuy qui est retenu pour la célébration du Centenaire de l’évangélisation du diocèse de San?

Ab. A. Z. D. : C’est la paroisse mère, c’est le lieu où les pères ont été accueillis pour la première fois. Donc nous l’avons choisi pour ce symbolisme tant que la sécurité nous le permet. C’est aussi un des poumons majeurs du Bwatun et le point de départ des nouveaux signes de développement modernes : l’école, le dispensaire, la promotion féminine, les techniques agricoles. L’un des édifices religieux le plus spacieux et le plus emblématique est l’Église de Mandiakuy. Sa bénédiction remonte à décembre 1958. C’est de Mandiakuy qu’une bonne partie de l’Évangélisation du Burkina est partie (Nouna, Dédougou, etc.). De très nombreux cadres sont sortis de cette localité, je vous le rappelle.

Mali-Tribune : Par rapport aux dispositions sécuritaires, qu’est-ce qui est envisagé pour  rassurer ceux qui vont participer à la fête ?

Ab. A. Z. D. : d’abord en tant que prêtre, la première sécurité, je crois que c’est Dieu. Nous allons prier le Seigneur intensément, pour qu’il mette sur notre route les conditions de paix nécessaires et de sécurité nécessaire pour cette fête-là. Le reste de la sécurité, c’est l’État. C’est lui qui assure la sécurité sur l’ensemble du territoire. Il a été informé de l’évènement de la clôture du Centenaire. Il lui revient de  prendre les dispositions nécessaires pour la sécurité. Donc que les gens soient rassurés, ayons confiance en notre État du Mali et de notre voisin immédiat pour fêter et célébrer pleinement à Mandiakuy.

Propos recueillis par

Kalifa Albert Dena

Étudiant Master JCo, Ucao-Uuba

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