Comme le 8 mars de chaque année, le Mali a célébré la Journée Internationale de la femme sous le thème « La femme, médiatrice pour la reconstruction de la cohésion sociale dans l’espace du G5 Sahel ». Si le choix du thème se justifie par l’actualité sécuritaire au sein du G5 Sahel, il est en flagrante contradiction avec la réalité au sein de la CAFO, la faîtière des associations féminines du Mali. Sur fond de divergences d’intérêts, cette date symbolisant la lutte des femmes pour l’égalité des droits politiques et sociaux, entre autres, a été profanée par une célébration en catimini.
Déjà assimilée à du folklore par ceux qui estiment qu’elle n’a d’intérêt que pour les seules femmes urbaines, la date 8 Mars aura confirmé tous les préjugés qu’elle a souvent traîné tels des boulets. Et pour cause, les femmes du Mali viennent de manquer une rare occasion d’attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur les cas de viols, d’agressions, d’assassinats, de harcèlements sexuels, de discrimination d’ordre socio-économique qui ont pignon sur rue dans le Nord et le Centre du pays. Symbole traditionnel d’unité et de communion, au Mali la date du 8 Mars incarne désormais la division, d’autant que les dissensions ont manifestement fait ombrage au devoir de convergence et de symbiose, à travers des débats et des échanges d’idées, autour des problèmes communs : violences conjugales, sous- représentativité dans les instances de prise de décisions, difficulté d’accès aux soins surtout dans les zones rurales, meurtres conjugaux, etc. La liste n’est pas exhaustive.
Au détour d’une innovation, le département de la Femme de l’Enfant et de la Famille a opté pour la décentralisation de la célébration du 8 mars. La ministre, non moins ex-présidente de la CAFO, Traoré Oumou Touré, estime que délocaliser la commémoration est non seulement approprié aux exigences de l’environnement socio-politique du pays mais contribue également à impliquer davantage la femme conformément à la politique nationale du genre. Au lieu donc de la traditionnelle convergence de la gent au Palais de Culture, l’édition 2018 a été marquée par des cérémonies commémoratives synchronisées dans les six communes de Bamako. Malheureusement, ces cérémonies n’ont guère été à hauteur d’attentes ni par la mobilisation, ni par la symphonie et la symbiose nécessaires entre composantes du monde féminin. De quoi mettre de l’eau au moulin des contemptrices de la Ministre, qui l’accusent de posture revancharde.
Selon ces détracteurs, conformément aux statuts et règlement intérieur de la Coordination, la ministre devrait de son propre chef se mettre à l’écart de toutes les activités de la CAFO jusqu’au terme de ses fonctions ministérielle. «Elle ne peut pas être à la fois ministre et continuer à diriger la CAFO parce que c’est une organisation de la société civile qui appartient à toutes les femmes du Mali », dénonce la tendance opposée en notant au passage son refus de tenir une assemblée générale extraordinaire, le 30 décembre 2017. Conséquence : Mme Dembélé Oulematou Sow, élue à la tête de la CAFO, n’a pu accéder au siège de cette structure pour prendre service par le fait d’une fronde de contestataires dont les ficelles seraient tirées par le ministre de la Promotion de la Femme de la Famille et de l’Enfant.
Il a fallu une action en justice pour départager les deux tendances. En effet, lors de son audience publique ordinaire du 15 février 2018, le Tribunal de Grande Instance de la Commune III a déclaré irrecevable la demande de la CAFO, représentée par Mme Kéita Fatoumata Sissoko contre Mme Dembélé Oulématou Sow. Un épilogue qui marque le début d’un autre feuilleton : celle de l’impossibilité de la cohabitation entre des deux parties.
Comme quoi, au lieu du trophée tant attendu de la nomination de la présidente de la CAFO, le président IBK risque de s’en sortir plutôt avec un boulet difficile à traîner. Et dire aussi que le chef de l’Etat n’a rien entrepris pour une conciliation sans laquelle tous les efforts de son mandat en direction du monde féminin pourrait se révéler vains, lui qu’on l’a vu dans une posture différente lorsqu’il s’agissait de panser les fractures du monde religieux.
Amidou Keita
Journée Internationale de la Femme
Les étudiantes du campus au cœur de la fête
Le Collectif des étudiantes du campus universitaire de Badalabougou, en collaboration avec le Centre national des œuvres universitaires (CENOU), a commémoré la Journée du 8 mars dans l’enceinte de la Faculté des Sciences et Techniques. Parrainé par Fana Tangara, la cérémonie a drainé, le maire de la commune V, le Secrétaire général du bureau de Coordination de l’AEEM ainsi que des étudiants et étudiantes en provenance de toutes les facultés. Comme menu des festivités, les organisateurs ont choisi une matinée de salubrité et une conférence-débat sur le thème « Femme et le développement », précédées d’interventions d’officiels. C’est ainsi que le représentant du maire de la Commune V, Sorry Ibrahim Doumbia, a loué l’engagement des Étudiantes résidentes sur le campus ainsi que la singularité de leur Collectif. Il n’est pas donné à toutes les franges de jeunesse de s’impliquer pour magnifier la journée du 8 mars, a-t-il laissé entendre. Il a profité de l’occasion pour saluer la loi de la promotion du genre, quoique les voix ne s’accordent par encore sur l’effectivité de cette volonté politique. Pour cause, le nombre de femmes dans le gouvernement a rarement respecté le quota légalement attribuable aux femmes.
Tout en soulignant que la célébration du 8 Mars a été initié depuis 1910 par la société des Nations pour valoriser la femme, le parrain de l’évènement, Fana Tangara, a rappelé que le Mali se singularise dans le domaine depuis la charte du Kourougafouga. Cette charte, a-t-il expliqué, stipule en ces articles 14 et 16 ceci : « N’offensez jamais les femmes, nos mères. Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être associées à tous nos Gouvernements ».
Quant à la présidente du Collectif, Adiatou Sanogo, elle a rappelé que le 8 mars n’est pas une simple journée folklorique, mais une opportunité de présenter les progrès des femmes et de réclamer davantage de débats. Et de placer cette journée sous le signe de l’introspection, de la réflexion des femmes au Mali. Elle en a profité pour pointer le doigt sur certains aspects de la condition de vie des étudiantes, notamment l’exploitation sexuelle, le retard des bourses, l’insécurité dans l’espace universitaire. Et de condamner au passage la barbarie ayant emporté Fanta Sekou Fofana, victime de la violence de son fiancé en fin 2017.
Malgré les différentes politiques pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes au Mali, beaucoup reste encore à faire pour améliorer le statut et la vie quotidienne des femmes africaines. C’est le constat qu’on pouvait retenir de la conférence-débat animée par Mme Kane Sissoko et que les étudiantes ont consacrée à la journée. Le rôle de la femme dans le développement économique et social, la lutte contre les obstacles à la contribution de la femme au développement, les freins à la participation de la femme au développement, etc., sont autant de questionnements auxquels les débats ont donné lieu.
Amidou Keita