C’est parfois plaisant de faire des voyages par la route. Mais des fois, un tel voyage peut s’avérer ennuyeux voire « dangereux ». De Bamako à Abidjan en passant par Sikasso et Bouaké, la route n’est pas toujours facile à aborder. Des surprises peuvent vous attendre sur cet axe routier surtout que les deux pays sont en train de préparer des sorties de crise. En effet, en Côte d’ivoire, on est en plein processus de réconciliation après la guerre politico-ethnique qui a durement frappé le pays et le Mali après plusieurs mois de guerre vient juste d’entamer ce processus.
C’est avec appréhension qu’on embarque, le 30 avril, dans un minibus en plein après-midi à Bamako. Les yeux hagards, je demande à mon voisin l’état de la route Bamako-Abidjan. Il me rassure que l’axe Bamako Sikasso est l’une des meilleures routes d’Afrique de l’Ouest. Donc confiant, on entame ce long périple de 3 jours. De Bamako à Sikasso, l’asphalte est neuf, la chaussée assez large si bien que nous arrivons à Sikasso quelque peu réconfortés. On passe la nuit du 30 avril dans la région du Kénédougou. On commence déjà à sentir un changement dans le climat. La verdure est de plus en plus présente. Dès le lendemain, on met le cap sur Zegoua à 100 km plus loin. Ici, les vérifications à la police des frontières et à la douane trainent. Après Zegoua puis Pogo, la première ville ivoirienne. Arrivé le petit soir à Ferké, les forces de sécurité ivoirienne exigent qu’on soit escorté jusqu’à Bouaké. « Ici, à cause du banditisme, il n’est pas recommandé de rouler la nuit » disent-ils. Le car redémarre enfin pour arriver tard dans la nuit à Bouaké, avec des passagers exténués et énervés par les nombreux check points. La découverte de la ville est un soulagement. En effet, toutes ces villes traversées ont un point en commun, des check points à ne pas en finir. À l’entrée et à la sortie des villes, il y a une herse agressive qui barre la route. « Ces barrages permettent à ces messieurs en treillis de rançonner ou au mieux de mendier une pièce ou deux pour “leur thé” », soutient un passager furieux. Mais nous n’avons jamais rien donné. Des événements qui ont secoué la Côte-d’Ivoire spécialement dans cette région, il n’y a plus guère de traces visibles, si ce n’est un poste de l’ONUCI. Tout au long du trajet Bamako-Bouaké-Yamoussoukro jusqu’à Abidjan, des grands affiches politiques pour les municipales et les régionales ornent les artères des villes. On arrive, enfin le samedi 05 mai, sous une pluie battante à Abidjan. A l’entrée de la ville, je suis surpris de voir des bidonvilles avec des branchements anarchiques comme à Bamako. La circulation est dense. Les boutiques sont ouvertes. Les marchés sont bien achalandés, même si les prix sont parfois élevés. Une ville apaisée, en apparence en tout cas. De nombreuses patrouilles sont organisées par les forces de sécurité. Ici, on est en plein processus de réconciliation. Et les plaies ne sont pas encore complètement cicatrisées, les Ivoiriens rencontré m’expliquent qu’ils craignent pour leur sécurité, les attaques récentes contre les forces de sécurité à Abidjan, sont dans toutes les mémoires. L’heure n’est pas encore trop à la fête. La réconciliation prendra du temps. Et pourtant une fois la nuit tombée, comme à Bamako, la ville se métamorphose. Au rythme du couper décaler, Abidjan bouge. Les nombreux maquis et boites de nuit sont pris d’assaut par les « ambianceurs » de la nuit. Malgré l’orage qui se prépare et « l’insécurité », les Ivoiriens font la fête. Sur ce plan, on sent beaucoup de similitude entre Bamako et Abidjan. Nonobstant les crises auxquelles ces villes sont confrontées, on sent une joie de vivre des populations.
Madiassa Kaba Diakité, de retour de la Côte d’Ivoire