Carnet de voyage : Kadiolo, un cercle enclavé par manque de volonté politique

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Malgré une place stratégique dans la croissance économique du pays (céréales, coton, or…), le cercle de Kadiolo est délaissé par les autorités du pays et ses propres élus. L’enclavement croissant de cette collectivité frontalière avec la Côte d’Ivoire en est la preuve. Notre envoyé spécial à Kadiolo a récemment partagé le calvaire des usages des différentes routes du cercle et des populations de la capitale du Folona.

Avec une pluviométrie très abondante et un sol très fertile avec de nombreuses plaines, le cercle de Kadiolo (région de Sikasso, sud du Mali) est un centre de production agricole par excellence. Même si cette activité est sérieusement et dangereusement concurrencée depuis quelques années par l’orpaillage. Les principales zones d’implantation des placers sont notamment Massiogo (le premier site dans la commune rurale de Misséni), Finkolo (opérationnel depuis 2007 à la suite de la baisse de la production du premier site), Elhamdoulila et Badalabougou (Fourou). Selon des témoignages de notabilités et de l’administration, les activités d’orpaillage ont réellement pris de l’ampleur il y a 6 ans. Elles se sont accrues à «un rythme inquiétant menaçant la production agricole, accentuant la déscolarisation et favorisant des fléaux sociaux comme le VIH/Sida, la consommation des stupéfiants, l’insécurité…», souligne le responsable d’une ONG. Ces sites ne font donc pas que du bien au cercle. En effet, l’exploitation a occasionné un afflux de chercheurs d’or venus de plusieurs régions et surtout des pays voisins. Ce qui a naturellement accentué le risque d’insécurité des personnes et de leurs biens. Il faut noter que Misséni avait a été attaqué en juin 2015 par Ançar Dine du Sud. Une attaque qui s’était soldée par la mort d’un gendarme.

À côté de l’exploitation traditionnelle, il existe une unité industrielle basée non loin du village de Syama dans la commune rurale de Fourou. Une mine en exploitation depuis les années 90 avec quelques années d’interruption liée à la rentabilité de la méthode d’extraction. Mais pour les Kadiolois, aujourd’hui, le vrai facteur d’insécurité pour les populations et les biens, c’est l’enclavement. «À ce rythme-là, la ville risque d’être coupée de toutes les autres communes», reconnaît Cheickna Bathily, correspondant local de presse (ORTM et AMAP). Ces autres communes sont Diou, Diomaténé, Fourou, Kaï, Loulouni, Nimbougou et Zégoua. Nous en avons l’amère expérience. À l’arrivée, nous avons fait banalement 30 minutes (par car) entre Zégoua (poste frontalier avec la Côte d’Ivoire) et Kadiolo. Deux localités seulement distantes… d’environ 11 kilomètres. Et au retour, nous avons passé près de 40 minutes sur la voie appelée «Dix huit» (18 Km) et qui relie la ville à la route nationale (RN7) sans passer par Zégoua. Donc 40 minutes sur une distance officiellement évaluée à 15 kilomètres. Sans compter qu’il ne reste presque plus rien du goudron sur le tronçon Sikasso-Zégoua (100 km) de la RN7. Elle est dans un Etat si déplorable que les usagers sont condamnés de slalomer préférant les nids de poule aux… trous de phacochères. En conséquence, on passe plus de temps entre Loulouni et Zégoua (50 km) qu’on en passerait entre Sikasso et la frontière ivoirienne (112 km), quand la route était en bon état. Sur la route de Fourou ou de Misséni, les camions s’embourbent facilement, coupant ainsi la circulation entre ces localités et la capitale du Folona pendant plusieurs jours. Peu de véhicules s’aventurent d’ailleurs sur ces axes en hivernage, surtout après de grosses pluies qui sont courantes dans la zone.

Désintérêt du pouvoir, manque de vision des élus locaux

De plus en plus, les populations ne cachent plus leur ras-le-bol. «Si tu veux te venger d’un proche que tu ne peux ni insulter, ni frapper, il faut le convaincre de faire un tour à moto avec toi dans la ville de Kadiolo. L’état des routes est tel qu’il sera pressé de rentrer à la maison, tellement il sera secoué», ironise Sali, une jeune commerçante. Pendant notre séjour de deux semaines, nous avons eu l’opportunité de vérifier qu’elle n’a nullement exagéré en décrivant le calvaire des habitants de cette ville. «Le maire ? Kadiolo a-t-il un maire ? En tout cas, la ville ne semble pas ressentir sa présence», ironise un commerçant rencontré à l’auto-gare de la ville. Et c’est vers le Conseil de cercle que les regards se tournent. «De Moussa Traoré à IBK, tous les présidents du Mali ont promis aux populations de Kadiolo le bitumage des voies reliant Kadiolo à la route nationale par les Dix huit et par Zégoua. Nous attendons toujours. Mais, là où le bât blesse, c’est que nous avons l’impression d’être abandonnés par nos propres élus très peu préoccupés par la dégradation continue des routes», déplore un chauffeur.

Pour cet autre enseignant, «nous avons longtemps accusé à tort la Société d’exploitation des mines d’or de Syama (SOMISY) de n’apporter aucune contribution au développement de cette localité. Mais, depuis quelques années, elle verse des taxes et impôts aux collectivités comme la commune de Fourou, le Conseil de cercle de Kadiolo et l’Assemblée régionale de Sikasso. Et le Conseil de cercle n’a trouvé mieux que de payer un véhicule de service évalué à plus de 40 millions de FCFA alors que les chantiers prioritaires ne manquent pas dans la ville et au niveau du cercle». Mais, pour des autochtones, cela ne surprend guère car «le président du Conseil de cercle n’a même pas été capable de réhabiliter la route reliant Kadiolo à son propre village, Diomaténé (situé à une quinzaine de kilomètre de Kadiolo dans la commune rurale du même nom) à plus forte raison penser au désenclavement du cercle».

Visiblement, les élus manquent plus de vision et de volonté politique que de moyens parce que le cercle de Kadiolo est très riche en ressources et en richesses pouvant impulser son développement et la réalisation d’ouvrage souhaités par les populations. En la matière, des projets peuvent être initiés dans le cadre de l’intercommunalité offrant ainsi de nombreuses opportunités aux habitants. En attendant que leurs élus prennent conscience de leurs immenses responsabilités vis-à-vis de cette collectivité et que le gouvernement tienne enfin sa promesse de connecter la capitale de du Folona la RN7 par des voies bitumées, les Kadiolois font contre mauvaise fortune bon cœur !

Moussa BOLLY

Envoyé Spécial

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1 commentaire

  1. Bien dommage nous en avons tellement parler que nous ne savons plus quoi faire de cette situation de chez nous. Mais hélas nous avons l’impression que nous ne sommes ni entendu ni écouté par ceux qui doivent nous répondre.

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