On est manifestement loin de la vielle époque où la Caisse nationale d’assurance maladie inspirait la méfiance et faisait face aux vagues à peine résistibles des suspicions et préjugés. Moins d’une décennie d’expérimentation et d’épreuve auront suffi, en effet, pour qu’elle s’impose comme alternative irremplaçable au coût insupportable de la santé au Mali. En témoigne la grande convoitise dont est l’objet son principal produit, l’AMO, et qui se traduit par le recours à des moyens frauduleux variés pour en bénéficier.
Les balises et paravent de protection sont au fait congénitales à la structure, mais elles se sont progressivement révélées peu efficaces contre les sollicitations indues, y compris pour l’instauration de cartes biométriques d’identification pour identifier les contributeurs et bénéficiaires réels de ses services. Ainsi, à la lumière des études et observations d’expertises internes, les services de la CANAM retiennent plusieurs types de fraudes tant du côté des usagers que de celui des partenaires -prestataires ou employés. Pour les usagers, la pratique frauduleuse se manifeste généralement par le recours à diverses manœuvres d’accession aux précieux services sanitaires sous une fausse identité. C’est le registre auquel appartenant l’extension des prises en charge en soins et fournitures de médicaments à d’usagers non-contributeurs par le biais de cartes d’adhérents réguliers. Le type de fraude est d’autant plus transversal qu’il implique les mêmes usurpations d’identité et trafics à l’état-civil par le biais desquels des prestataires grèvent les charges de la Caisse par des prestations endossées pour le compte d’adhérents fictifs et bénéficiaires indus. En clair, par complicité ou collusion d’intérêt avec des prestataires des non-assurés utilisent les cartes d’assurés pour accéder à des services auxquels ils n’ont droit ni par la filiation avec les adhérents réels ni par leur contribution personnelle. Il en découle une foultitude de fausses prestations et services surfacturés, qui s’adossent sur des moyens dolosifs qui défient toute flagrance : quantités ou qualités abusives des soins ou produits pharmaceutiques, fréquence de prises en charge des patients dans les mêmes structures et pour les mêmes motifs, entre autres.
S’y ajoute, du côté des employeurs, une loi minoration de l’assiette contributive imputable notamment au non-reversement des cotisations salariales prélevés pour le compte de la Caisse.
Face à un phénomène qui menace la pérennité du régime social aussi enviable, les responsables de la CANAM ne désarment pas. Un mécanisme de contrôle et de répression est ainsi à pied d’œuvre et veille tant bien que mal à la prévention, à la détection ainsi qu’à la répression éventuelle des pratiques frauduleuses. Il est notamment constitué d’une instance suprême pilotage autour de laquelle gravite d’autres organes dont l’action aura permis de déjouer des torts ou d’en redresser dans nombre de cas, à en juger notamment par une restitution massive de paiements indûment perçus par des partenaires prestataires ou usagers de l’AMO. Estimé à quelques dizaines de millions pour l’ensemble du territoire, le remboursement des prestations frauduleuses s’impose visiblement comme une solution préférable à la répression pénale pourtant prévue par les textes.
Il reste qu’une conjuration de la menace qui pèse sur le joyau social réside dans sa nécessaire protection contre les abus périphériques ainsi que dans une prise de conscience collective de sa plausible disparition aux dépens de ses adhérents et potentiels adhérents.
A KEÏTA