Venus du monde entier, ces maîtres du verbe participent à une grand’messe dont le programme alterne formation et visite d’entreprises
« Construire le Mali par le droit » est le thème du Campus international 2014 des avocats qui a débuté hier dans la salle de presse du Centre international de conférence de Bamako. La cérémonie d’ouverture de cette grand-messe regroupant plus de 1500 avocats francophones venus du monde entier, était présidée par le Premier ministre Moussa Mara, qui avait à ses côtés le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Mohamed Aly Bathily, l’ambassadeur de France au Mali, Gilles Huberson, et les bâtonniers du Mali et de France, Me Seydou Sidiki Coulibaly et Me Pierre-Olivier Sur. Etaient également présents plusieurs membres du gouvernement et un parterre de personnalités composé des chefs des institutions de la République, des ambassadeurs et représentants des organismes internationaux, des bâtonniers du Sénégal, du Tchad, du Burkina Faso et d’Algérie, des anciens bâtonniers de l’Ordre des avocats du Mali.
« En tant que libéral du chiffre, je ramène les lettres plus près de la réalité. Donc c’est en tant Premier ministre et expert comptable que je prends la parole pour ouvrir la séance… » C’est par ces mots que le Premier ministre, Moussa Mara a donné le ton de cette rencontre, qui réunit dans notre capitale et pour la première fois en Afrique, des sommités de Barreaux, venues des cinq continents.
Pour notre pays qui relève d’une crise multidimensionnelle, recevoir un événement de cette taille, est d’une importance capitale. Surtout que la grand’messe des maîtres du verbe coïncide avec la tenue des pourparlers de paix à Alger entre le gouvernement et les groupes armés.
Le Premier ministre a confirmé l’intérêt de notre pays pour cette rencontre et remercié nos hôtes dont certains ont bravé des avertissements pour être à Bamako. Moussa Mara a souhaité que la tenue de ce rendez-vous planétaire enverra au reste du monde « une image positive de notre pays, l’image d’un pays debout et en marche ». Il a invité les jeunes avocats à s’abreuver de l’immense savoir de leurs confrères d’ici et d’ailleurs.
A sa suite, l’ambassadeur français a axé son intervention sur les exceptionnelles relations franco-maliennes, qui se nourrissent de la contribution de son pays à l’effort de libération du Mali des griffes des djihadistes en janvier 2013. « La mort des soldats français dans la lutte contre l’obscurantisme au Mali a renforcé un lien déjà existant. 17 000 Maliens aussi sont morts dans la libération de la France pendant les deux guerres mondiales. La conjugaison de ces facteurs historiques doit se solidifier par des relations économiques. Après la guerre, il faut aller à la réconciliation et à la reconstruction du pays. Dans l’une comme dans l’autre, le rôle de l’avocat est incommensurable. Car, il s’agit là de la protection des investissements », a souligné Gilles Huberson.
Pour sa part, Me Pierre-Olivier Sur, qui a notamment défendu le président guinéen Alpha Condé, a entamé son intervention par un hommage appuyé au président Ibrahim Boubacar Kéïta, un grand admirateur du droit qui s’est distingué par ses combats contre la dictature.
Le bâtonnier français a souligné aussi le combat universel contre la peine de mort. Il a rendu hommage au directeur du Novotel d’Abidjan, Stéphane Frantz di Rippe, froidement assassiné par des éléments d’une milice réputée proche de l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo, pour avoir refusé de leur livrer des journalistes qui se cachaient dans son établissement. Il a également rendu hommage aux femmes, notamment du Mali. Le Mali post-crise, a-t-il assuré, sera construit par les femmes et par le droit car le droit humanitaire donne un sens au pardon et à la réconciliation nationale.
Quant au bâtonnier malien, Seydou Sidiki Coulibaly, l’hôte de l’événement, il a d’abord fait la genèse des termes de « campus » et de « droit positif », avant de souligner leur articulation avec l’économie. Il a saisi l’occasion pour attirer l’attention sur le faible niveau des investissements français en Afrique. Les investissements français, rappellera-t-il, sont passés de 16% en 2010 à moins de 10% de nos jours. Cette faiblesse a amené le Senat français à exhorter les entrepreneurs de l’Hexagone à retourner en Afrique, un continent d’avenir.
A l’instar des rencontres précédentes, celle de Bamako s’articule autour de deux activités : la formation et la visite aux entreprises. Les participants se pencheront ainsi sur plusieurs modules comme la conférence introductive consacrée à la parole de l’avocat au service de la défense de la liberté, la parole de l’avocat dans le prétoire, la parole de l’avocat hors du prétoire. Ces modules seront dispensés par Me Seydou S. Coulibaly, Me Bernard Vatier et Me Jacques A. Migan.
Quant aux modules sur la déontologie, ils traiteront du droit de la défense et de l’immunité de l’avocat ainsi que de la confidentialité et de l’inviolabilité du cabinet d’avocats. Les modules du droit processuel et de la pratique professionnelle évoqueront le droit de la défense lors de la phase d’enquête de police et de l’instruction préparatoire, la loyauté de la preuve et le contentieux de la liberté et de la détention.
Les jeunes avocats apprendront également la procédure pénale en Europe, notamment les grandes tendances jurisprudentielles de la Cour européenne des droits de l’Homme en matière pénale, la pratique professionnelle relative au barreau entrepreneurial et à l’organisation du cabinet d’avocats. La phase théorique sera complétée par des visites dans des entreprises.
La cérémonie d’ouverture a été aussi marquée par une remise de médailles au Premier ministre, aux ministres de la Justice, Me Mohamed Aly Bathily, de la Jeunesse, Me Mamadou Gaoussou Diarra, et de l’Enseignement supérieur, Me Mountaga Tall, au bâtonnier Seydou S. Coulibaly. Les médailles ont été remises par le bâtonnier Pierre Olivier Sur.
Le président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta, a, pour sa part, reçu un dictionnaire du Barreau de Paris. Les travaux prendront fin demain à l’hôtel Salam.
A.O. DIALLO