Pour ses audiences du mercredi 14 juin 2017, la Cour d’appel de Bamako avait devant elle des litiges fonciers et des affaires matrimoniales. Si le public a pu assister aux audiences des litiges fonciers, celles des dossiers matrimoniaux, au contraire, se sont déroulées à huis-clos.
Le litige foncier oppose Bourama Traoré (du village de Tongué dans le cercle de Ségou) à Nouhoun Traoré d’un autre village. En effet, se proclamant fils de Bakary Traoré (frère du père de Bourama Traoré), Nouhoun Traoré, après le décès de “son père”, se présenta dans la famille Traoré pour réclamer sa part de la parcelle familiale. Ce qui fut contesté par son “demi-frère” Bourama Traoré. Car, aux dires de ce dernier, Nouhoun Traoré n’a jamais été un membre de leur famille. Son “père” Bakary Traoré, de son vivant, n’a jamais informé qui que ce soit de la famille de l’existence de Nouhoun Traoré comme étant membre de ladite famille. En plus, Nouhoun ne s’est jamais présenté dans cette famille en tant que membre à part entière. “C’est au décès de mon papa, Dramane Traoré et de son frère Bakary Traoré, que Nouhoun s’est pointé pour se présenter comme étant le fils de Bakary Traoré, notre tonton”, a dit Bourama Traoré, avant d’ajouter qu’il ne connait rien de Nouhoun Traoré qui réclame une partie du champ familial qui fait à peu près 8 hectares.
Une affaire confuse
Et qu’est-ce qui prouve à Bourama Traoré que Nouhoun Traoré n’est pas le fils de Bakary Traoré ? Comme réponse, Bourama Traoré dira que leur tonton qui jouait le rôle de chef de famille n’a jamais parlé de l’existence de Nouhoun Traoré qui n’a jamais vécu dans la famille. Il se trouve aussi que Nouhoun a une sœur du nom de Fatoumata Traoré qui aurait, selon Nouhoun Traoré, participé à l’éducation de Bourama Traoré quand il était enfant. Nouhoun insistera que son père et le père de Bourama Traoré sont des frères de lait et qu’il n’a pas vécu dans la famille parce qu’il était en Côte d’Ivoire où il a fait 23 ans. “C’est à mon retour de la Côte d’Ivoire que j’ai eu le besoin de cultiver. Et c’est comme ça que j’ai réclamé le champ familial pour pouvoir cultiver. C’est ainsi que Bourama s’est opposé à cela en disant que je ne suis pas un membre de la famille. Nous avons sollicité la médiation du chef de village et du préfet qui n’ont pas pu nous mettre d’accord. C’est ainsi que nous sommes partis au tribunal qui a jugé l’affaire au détriment de Bourama Traoré qui ne s’est pas présenté à la barre le jour du jugement. C’est après que Bourama a interjeté appel”, a-t-il expliqué.
Nouhoun a-t-il une carte d’identité ou un acte de naissance pour prouver sa filiation ? Il répondra qu’il les a oubliés à la maison. Mais qu’il connaît très bien Bourama Traoré. Et pourquoi Nouhoun n’a-t-il pas intégré la famille paternelle ? ” Cela est un problème de choix de lieu d’habitation. Sinon j’ai de la famille au village paternel”, a-t-il répondu. Bourama démentira le fait que Fatoumata a contribué à son éducation car il a toujours vécu avec sa maman. “Et pourquoi Fatoumata n’a pas été citée à comparaitre ?”, demanda le président de la Cour. Au lieu de répondre à cette question, les avocats des deux parties se chamailleront sur cette absence de Fatoumata qui aurait fourni une procuration. Confus, le président de la Cour décida de faire comparaître Fatoumata Traoré, la mère de Bourama Traoré, et le chef de village de Tongué pour témoigner. L’affaire a été renvoyée contradictoirement au 26 juillet 2017.
Un champ à problème
Cette affaire est aussi un litige foncier (réclamation d’un champ de 5 hectares) entre Balla Coulibaly (qui était représenté à la barre par son neveu Sidi Coulibaly) et les sieurs Nia Dembélé, Konitié Dembélé, Djékala Dembélé. Cette affaire avait été jugée à Kimparana. Et ce sont les Dembélé qui avaient eu gain de cause. Mais Balla Coulibaly avait interjeté appel. C’est comme ça que le litige s’est retrouvé devant la Cour d’appel.
Dans sa version des faits, Sidi Coulibaly dira que c’est le père de son oncle Balla Coulibaly qui avait prêté le champ à un certain Djélikè qui à son tour l’a cédé aux Dembélé. Interrogé, Nia Dembélé dira que les Coulibaly veulent le spolier du champ parce qu’ils disent qu’il est un étranger au village alors qu’il est né et a grandi au village. Il reconnaîtra que le champ lui a été prêté par Balla Coulibaly. ” Et j’ai cultivé le champ pendant 40 ans “ a-t-il précisé. Appelé à la barre, Konitié Dembélé soulignera qu’il a hérité du champ de son grand père. Mais, a-t-il tenu à dire, “le problème, c’est que quand nous avons décidé de quitter l’Association villageoise (A.V.) dirigée par Balla Coulibaly pour créer notre propre A.V. ce dernier nous a menacé de retirer les champs. C’est ainsi que nous avons été convoqué chez le maire et chez le préfet. Nous avons refusé de répondre à ces convocations”, a-t-il ajouté. Djékala Coulibaly reviendra sur les propos de Konitié. Donnant sa version des faits, Sada Coulibaly (75 ans) reconnaîtra que le champ appartient à Balla Coulibaly et qu’il a été prêté aux Dembélé qui ne sont pas des autochtones.
L’avocat de Balla, dans son plaidoyer, rappellera que l’unanimité est faite sur l’appartenance du champ à Balla Coulibaly. Il dira que le problème est foncier et que cette affaire d’A.V. ne tient pas. Il demandera à la Cour de confirmer le droit de propriété de Balla Coulibaly.
L’avocat des Dembélé insistera que l’affaire est un problème d’A.V. et que le champ n’était pas prêté. Et Balla n’avait jamais investi dans la parcelle qui a été toujours exploitée par les Dembélé. “Le seul dessein de Balla, c’est de chercher à tuer mes clients qui tirent leurs subsistances avec ces champs. Monsieur le président, je vous demande de confirmer le premier jugement en restituant les terres à mes clients”, a-t-il argumenté.
Le ministère public dira que les terres ont été données par Balla. Mais, comme les champs ont été mis en valeur, il y a eu problème. Il maintiendra de laisser le champ aux Dembélé.
Le délibéré est prévu pour le 12 juillet 2017.
Rassemblés par Siaka Doumbia