Brehima Sissoko guide national au Fort de Médine : 29 ans de service, sans distinction honorifique

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Classé 2ème meilleur guide national au Mali et mandaté Canne d’argent grâce à son expertise, Brehima Sissoko a, la passion de son métier. Un métier exercé vingt-neuf ans durant pour valoriser la mémoire des vestiges du Fort de Médine. Un parcours élogieux qui n’a jamais  été valorisé par une distinction honorifique sur le plan national.

Natif de Sandiambougou dans le cercle de Kita, marié et père de 10 enfants, 4 garçons dont 6 filles, Brehima Sissoko nous accueille souriant avec le téléphone dans la main droite, habillé d’un pantalon noir et d’une chemise manche courte multicolore, dans la cour du Fort de Médine devant la porte de salle d’orientation sous l’arbre. « Soyez les bienvenus ! » ce message qui nous est destiné fait le quotidien du Guide Sissoko, en 29 ans de service à tous les visiteurs de cet endroit historique de la ville de Kayes.

Avant de nous intéresser à ce qu’il va nous faire visiter, notre curiosité s’est portée sur ce qui pourra être le parcours de ce gardien du temple.

Brehima est un produit de l’Ecole Nationale des Postes et Télécommunications. En plus de cette prestigieuse école de Djicoroni Para, M. Sissoko a étudié la langue anglaise à l’université de Monrovia au Liberia, car comme la plupart des ressortissants de la 1ère région, il a aussi caressé l’idée de tenter sa chance à l’extérieur, d’avoir le Visa pour les USA. Cependant, son périple libérien ne sera pas de tout repos. Où il a survécu à la guerre civile dans ce pays et refugié dans un camp à Lagos ensuite en Guinée Conakry. C’est en 1991 qu’il est revenu à Bamako et commença à enseigner comme contractuel au 1er cycle pendant 7ans et au second cycle comme prof d’anglais, histoire et géographie, dessin et musique. Grâce à son bagage intellectuel il a été nommé à la Direction Régionale de la culture, ensuite à la Mission culturelle de Kayes où il entama son travail de guide. Son point de chute sera le site du Fort de Médine, un patrimoine national dans la commune de Hawa Dembaya, une localité située à 12 Km de Kayes.

Le Fort de Médine, un témoignage des méfaits de la colonisation française !

Le temps d’une journée de visite, le 26 décembre 2022, M. Sissoko en sa qualité de Guide a tenu d’abord à faire un débriefing, une présentation détaillée du site. Puis, il nous dirige vers le premier monument au Mali construit par le général Faidherbe en 1863. De là, ses explications nous ont permis de savoir que la capitale du royaume du Khasso a été fondée en 1826 par Hawa Demba Diallo. A l’époque sous la demande du roi, la première mosquée fut construite par un marabout mauritanien et qui a donné le nom du Médine à ce village en souvenir de Médine en Arabie Saoudite avant l’arrivée des français et des troupes de Cheick Oumar Tall. Ce village fut un centre commercial florissant, ce qui explique l’existence de quelques missions commerciales françaises et Wolofs avant la construction du Fort. En 1855 le Gouverneur français, le général Louis Faidherbe a construit le fort dont le premier commandant fut Paul Holle. C’est à travers cette construction que commença l’occupation coloniale du Soudan.

Ce patrimoine national connait différentes subdivisions, à savoir : l’école des otages crée en 1870 et réhabilitée par la coopération française en mars 1997, le dispensaire, la première gare ferroviaire, le marché des esclaves, le mess des officiers, la lingerie, le magasin de poudre, la prison…

Le fort s’ouvre sur le fleuve par une porte appelée en langue khassonké ‘’ Dadiago’’ ce qui signifie la porte du malheur. Par cette porte les militaires français débarquaient le bateau pour le ravitaillement du Fort en armement et d’autres matériels. C’est en retour que ce bateau ramène les esclaves pour un voyage sans retour. Pendant ces jours de départ, nous dira le Guide, les hommes, les femmes et leurs enfants se séparaient dans la tristesse totale, les larmes aux yeux. A l’intérieur de la cour, il y a la tombe de Marie Duranthon première métisse du Mali, fille de Fernand Duranthon et de Sadioba Diallo, décédée le jour de la libération du Fort.

Bréhima Sissoko, une carrière jetée en pâture par jalousie !

Malgré son âge avancé, Brehima persiste et se rappelle toujours du jour où il fut chassé de son boulot. Plutôt des propos du maire de la commune de Hawa Dembaya (Médine) qui l’a congédié de son métier à cause de la jalousie de deux habitants. Lesquels ont réussi à lui porter une fausse accusation auprès de ce Maire, d’avoir tenu une réunion politique dans la cour du Fort. A l’en croire,  deux ans après, ce même élu, lorsqu’il a découvert la supercherie de ces habitants, regretta son acte, tout en évoquant que depuis le départ de ce cultivé gardien du temple rien n’a plus marché au sein de ce site historique. Cela pour la simple raison que Brehima incarne la mémoire du Fort dont aucun détail ne lui échappe. Son combat consiste à matérialiser ce savoir pour le bénéfice de la nouvelle génération. Aujourd’hui, ce guide chevronné s’attelle à former des dizaines de jeunes pour maintenir le flambeau allumé.

M.Sissoko  après 29 ans de service rendu à la nation n’a presque rien gagné en termes de reconnaissance nationale. Même s’il le reconnaît lui-même, seuls des petits gestes à son égard de la part de certaines bonnes volontés lui permettent de ne pas mourir de faim. N’empêche, son amour pour le site du Fort n’a pas d’égale. A ce niveau, il est présent tous les jours pour accueillir les visiteurs afin de partager ses connaissances sur ce site et d’autres (le premier centre hydro électrique de Fellou et la tombe de Mali Sadio à Bafoulabé).

Avant de tirer sa révérence, M. Sissoko espère au moins sur une médaille de reconnaissance de la part des autorités maliennes.

Par Fatoumata Coulibaly

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