Se marier au courant du mois qui précède celui du ramadan est devenu un phénomène de société dans notre pays. Raison pour laquelle, comme les autres années, beaucoup de jeunes précipitent la célébration de leur mariage, à l’approche de ce mois béni. C’est ainsi que depuis quelques semaines, les mairies et centres secondaires d’état civil sont pris d’assaut les samedis, dimanches et jeudis, jours préférés pour le mariage dans notre pays. Les nombreux cortèges de mariage sillonnent ainsi les rues de la capitale, perturbant la circulation, pendant que les monuments et espaces verts sont occupés par les mariés et leur suite, pour les besoins des photos de l’album-souvenir.
avant ces cortèges et séances de photos, les couples passent devant l’officier d’état civil, communément appelé ”Monsieur le maire’‘, pour officialiser leur union, conformément à la loi. C’est pourquoi, pour avoir une idée précise de l’engouement pour le mariage, en cette veille de ramadan, nous avons été obligés de faire le tour des mairies de Bamako, pour consulter les statistiques. Célébrer des mariages à cette période du calendrier musulman est une pratique ancrée dans les valeurs sociétales de notre pays. Pour les jeunes mariés, c’est l’occasion de débuter une nouvelle vie en ce mois béni. Pour d’autres, " il s’agit de trouver quelqu’un pour préparer la bouillie et autres repas de rupture du jeun ", nous a confié un nouveau marié, tout en sourire.
Au cours des mois de juin et juillet derniers, déclarations et célébrations de mariages alternent dans les centres d’état civil. Ainsi, au centre principal de Sogoninko en Commune VI, l’officier d’état civil a scellé environ 203 unions durant les deux mois. En commune V, on parle de 101 mariages, les officiers d’état civil officiaient encore des mariages à notre passage, ce jeudi matin. Dans la commune d’Abdel Kader Sidibé, c’est-à-dire en commune III, ont dénote quelques 86 mariages. Pour les semaines qui nous séparent encore du ramadan, plus d’une quarantaine de mariages sont programmés, au niveau de la mairie centrale. Par contre, en commune IV où c’est la délégation spéciale qui siège, le centre principal de Lafiabougou a enregistré 63 mariages au cours des deux derniers mois, 25 à Lafiabougou annexe et 23 à Djicoroni Para. En Commune II, chez Youssouf Coulibaly, les gens ne sont pas beaucoup bousculés cette année, la mairie centrale ne totalisant que 96 contre 123 pour l’année dernière.
Dans la commune de Madame le maire Konté Fatoumata Doumbia, commune I, même constat de baisse du nombre par rapport à l’année dernière : 117 cette année contre 208 en 2010. Là aussi, plusieurs couples attendent la dernière semaine pour venir devant l’officier d’état civil. Cela causera beaucoup de problèmes car la mairie sera bourrée de monde dans le cadre de la célébration d’une multitude de mariages en un seul jour.
C’est donc la commune VI qui vient en tête avec 203 mariages, suivie par la commune I avec 117 unions, la troisième place revient à la commune IV avec 111 mariages. Suivent les communes V, II et III avec respectivement, 101, 96 et 86 mariages. Le total nous donne 513 mariages, chiffre largement en dessous de celui de l’année dernière, qui envoisinait 700 dans le district de Bamako. Mais selon les spécialistes, cette année, bon nombre de mariages ont été célébrés dans les mosquées, " cela suite à la campagne autour du Code des personnes et de la famille. Ces gens ont décidé d’aller dans les mosquées ". Cette affirmation de Moussa Kouyaté de Sabalibougou est soutenue par bon nombre de griots chargés des démarches pour sceller des mariages. A cela, il faut ajouter le fait que les jeunes sont en train de prendre conscience des dérapages dans les cérémonies et évitent ainsi le gaspillage. En effet, beaucoup ne veulent plus faire de tapage. Ils prennent leur femme aussitôt après le passage des parents devant l’Imam pour sceller le mariage et après le carême, ils passent devant le maire sans bruit.
D’autres groupes de jeunes nous ont fait savoir qu’ils préfèrent attendre la fin de l’année, espréant d’ici là une amélioration de leur situation car les temps sont durs. Ousmane Coulibaly de Banconi a d’ailleurs une idée assez originale : " Nous sommes à l’année du Cinquantenaire, au niveau de notre groupe, nous décidé de célébrer nos mariages pendant le mois de septembre. Le 22 septembre 2010, c’est un mercredi, le dimanche 26 septembre nous allons faire notre mariage, c’est ce qu’on appelle le mariage du Cinquantenaire. Nous n’avions rien à voir avec le gouvernement, c’est une décision de notre groupe ". Comme les membres du grin d’Ousmane Coulibaly, d’autres jeunes veulent leur emboiter le pas en adoptant cette idée de mariage du Cinquantenaire, mais souhaitent l’implication du gouvernement. Ils ont décidé ainsi d’aller déposer une demande à la commission du Cinquantenaire pour proposer leur idée.
En tout cas, pour les musulmans, célébrer son mariage à la veille du ramadan est une très bonne chose. "C’est une pratique relativement récente même si d’aucuns la lient intimement à la religion musulmane, la faisant du coup remonter à la nuit des temps. Le Ramadan qui est le huitième mois du calendrier Hégirien, dénommé Chaabanne, dégage un parfum purificateur. Au milieu du mois de Chaabanne Allah (I) descend au premier ciel au coucher du soleil pour étendre sa miséricorde sur tous les croyants, ce mois est l’un des mois béni de Dieu, c’est pourquoi, beaucoup de musulmans conseillent à leur progéniture de se marier pendant ce mois, de préférence le 15è jour du Chaabanne ". Cette explication de l’imam de Banankabougou, corrobore celle du président du Haut Conseil Islamique, El Hadj Mahamoud Dicko, qui déplore le faite que " Le mois de Ramadan, est devenu pour la future ménagère une période d’apprentissage des tâches matrimoniales. Ainsi les vieilles femmes qui n’avaient pas de filles, demandaient à leur future bru de leur prêter main forte dans la préparation des repas de rupture du jeun. Cette requête se fait suivant une règle consensuellement définie par les deux belles-familles. Mais depuis plus d’une décennie, la célébration des mariages la veille du carême a pris des proportions insoupçonnées ".
Malheureusement, regrette le leader religieux, 90 % de ces nouvelles mariées ne savent même pas faire bouillir de l’eau à plus forte raison préparer de la bouillie. Et dire qu’une grande partie des mariages sont faits sous la pression des parents. Conséquence : 50 % des nouvelles mariées retournent chez leurs parents ", car on ne se marie plus que pour du plaisir corporel.
Kassim TRAORE