La CEDEAO semble avoir mis tous ses espoirs et toutes ses complaisances dans la médiation interne incarnée par le chérif de Nioro dont la capacité à apporter une solution acceptable à la crise est bien incertaine.
La surprise, qui a marqué la semaine dernière et qui a pris tout le monde au dépourvu, bousculé les attentes de la classe politique et les observateurs, a été la sollicitation faite par l’émissaire de la l’institution sous-régionale Goodluck Jonathan au guide spirituel Bouillé Haïdara de s’impliquer dans la résolution de la crise politique. Sans préjudice des répétitions, le front-anti IBK a rejeté en bloc le schéma de sortie de crise de la CEDEAO, au motif qu’il ne pipe pas mot de la mauvaise gouvernance, responsable de la dérive et du flottement convulsif à quoi le régime a laissé aller les choses.
Une première raison déconseille clairement d’attacher de l’espoir à la médiation du chérif de Nioro réputé très accommodant avec les régimes successifs. L’exception soulevée par sa colère noire consécutive au projet de nouveau code de la famille confirme la règle. En fait, il y a lieu de se demander si le président de la République n’a pas tiré les marrons du feu pour le compte de Bouillé Haïdara qui a réussi à implanter ses gens à des postes stratégiques du gouvernement restreint. Ainsi, il ne peut être proclamé libéré des entraves qui gênent sa liberté d’action. Manifestement, il s’est privé de la seule chance qui lui restait de disposer d’une capacité de négociation à la mesure de la confiance placée en lui. A moins de considérer que l’enviable sorte de plaque tournante de la politique malienne soit une fin en soi et un résultat probant, il est difficile d’échapper à l’impression d’un cuisant échec. Mais ne s’agit –il pas en définitive de soulager un Premier ministre embourbé dans de négociations vaines avec le mouvement de contestation en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale ? D’une médiation plus fictive que réelle ?
Bouillé ne s’est pas ajusté psychologiquement à son rôle de médiateur, bien qu’ayant été encouragé par des circonstances exceptionnelles : un certain clivage de la scène malienne où pendant longtemps personne ne lui a disputé son autorité morale.
La CEDEAO avoue s’être trompée de lecture
Après la visite de Jonathan, il a invité en sa résidence Mahmoud Dicko pour lui servir le plat réchauffé de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest : maintien du président de la République et de son Premier ministre, injonction faite au M5 de revenir à la table de dialogue en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale, entre autres. Encore, la même digue de propositions érigée pour protéger le régime contre les déferlements populaires. Alors que la diplomatie de la CEDEAO en est arrivée à se nourrir de fumées. De l’aveu même de l’organisation, elle s’était trompée de lecture de la crise malienne. Raison pour laquelle, elle privilégie à présent la médiation interne.
Il aurait suffi que le guide spirituel hamalliste joue à un jeu d’équilibriste entre les protagonistes (opposition et IBK) pour désamorcer la bombe. En choisissant de souffler dans la même trompète que la CEDEAO, il emprunte la voie qui prolonge l’impasse.
Georges François Traoré