Bilan d’un régime 1960-1968 : Le président MODIBO KEÏTA jette les bases d’une économie indépendante

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37ème anniversaire de la mort de Modibo Kéïta : Le crime ou mort naturelle ?Rappelons que plusieurs entreprises ont vu le jour comme la Société des Conserves du Mali (SOCOMA), la Société d’Exploitation des Produits oléagineux du Mali (SEPOM), l’Abattoir frigorifique, la Société malienne d’Importation et d’Exportation (SOMIEX), la Banque de Développement du Mali (B.D.M.). A cette liste on peut ajouter aussi la Librairie Populaire du Mali (LPM), la Société des Ciments du Mali (SOCIMA), la Société nationale d’Entreprise de Travaux publics (SONETRA), Air Mali, l’Office des Produits agricoles du Mali (OPAM), la Banque malienne de Crédits et de Dépôts (B.M.C.D.), Énergie du Mali.  L’Office cinématographique national du Mali (OCINAM), l’Office du Niger (O.N.), la Pharmacie Populaire du Mali (P.P.M.), la Société de construction radioélectrique du Mali (SOCORAM), la Régie des Transports du Mali (R.T.M.), la Société malienne du Bétail, des Peaux et Cuir (SOMBEPEC), la Société nationale de Recherche et d’Exploitation minières (SONAREM), la Compagnie malienne des Textiles, Société Équipement du Mali (S.E.M.A.) …

 

En effet, après près d’un demi-siècle de colonisation, en 1960, on ne comptait que quinze cadres dans tout le Soudan. Autant dire que pour la construction du Mali, Modibo Keita et son équipe, partaient de rien. Plusieurs réalisations témoignent du travail effectué en six (6) ans. On notera la création de plusieurs structures qui répondaient aux besoins essentiels de la population : 10 hôpitaux, 300 dispensaires, 45 centres médicaux, 60 maternités, une pharmacie populaire avec des succursales dans toutes les grandes villes et chefs de lieux de cercles et des dépôts dans les arrondissements et les villages.  5 écoles de formation de personnel de la santé, 4 écoles d’enseignement supérieur (ENA, ENSUP, ENI, INA) furent créées.

Pour mieux affirmer la souveraineté nationale, le franc malien fut créé le premier juillet 1962.  Le 16 décembre 1966 l’inauguration du barrage de Sotuba sur le Niger fera figure de réalisation de prestige, témoignant de la mise en œuvre du projet socialiste malien.

Avec l’africanisation des cadres et la création des sociétés et entreprises d’État, l’équipe de Modibo Keita entendait rendre aux Maliens la maîtrise de leur destin.
Difficultés économiques, problèmes politiques et désaffection populaire

L’œuvre d’édification nationale de Modibo Keita et son action pour la paix, furent récompensées par le Prix Lénine international en 1963. Pourtant le pari était loin d’être gagné.

Il importe de souligner que le Président Modibo Keïta ne signait que des accords qui préservaient la souveraineté et les intérêts du Mali.  La création du Mali dans le contexte de l’époque représentait un véritable défi. L’environnement était indéniablement hostile. Le premier handicap était géographique : le Mali est un pays continental menacé par le désert.
D’autre part, vouloir édifier un pays à option socialiste et anticolonialiste dans un contexte néocolonial relevait de la gageure.

Dans ces conditions les erreurs ne pardonnent pas. Modibo Keita et son équipe voulaient améliorer le niveau de vie des maliens. Ils voulaient affirmer la souveraineté totale du pays et “débarrasser le peuple des séquelles du colonialisme.” Tout le monde était conscient des difficultés de la tâche et Modibo Keita le premier. En 1966 dans une interview accordée à “Jeune Afrique” il disait : « On peut classer les difficultés rencontrées par les Etats Africains en deux grandes catégories. Il y a des difficultés structurelles qui tiennent à l’organisation de certains états, à leur administration, à leur vie économique. Il y a ensuite les difficultés conjoncturelles liées aux séquelles de la colonisation. Ce n’est pas du jour au lendemain qu’on est en mesure de résoudre de telles difficultés… »

 

Des problèmes économiques graves vont très vite apparaître

La primauté de la politique sur la compétence administrative et technique va entraîner un certain attentisme et une démoralisation des fonctionnaires. L’absence de conviction (voire l’opposition) de certains cadres chargés d’appliquer les décisions prises, aboutira souvent à l’échec des réalisations.
Rappelons qu’au moment de l’indépendance, le pays ne comptait, en tout et pour tout, que 15 cadres dont 1 pharmacien, 2 professeurs, 1 ingénieur agronome, 4 docteurs … Pour palier à ce manque beaucoup de cadres seront formés à la hâte et n’avaient pas toujours les compétences requises.
Le paysan malien ayant une conception de la solidarité différente de celle qu’on lui proposait n’adhérera pas au système coopératif : les champs collectifs seront délaissés et un marché noir va se développer pour la commercialisation des produits agricoles. Ainsi, certaines usines qui devaient utiliser ces produits comme matière première vont avoir des problèmes d’approvisionnement.
D’une manière générale, les “acquis du peuple”, les sociétés et entreprises d’État, vont devenir de véritables fardeaux économiques : les problèmes d’approvisionnement, l’incompétence technique de certains cadres, le manque de rigueur et de conviction des gestionnaires, les sabotages par certains opposants qui avaient trouvé là un moyen d’affaiblir le régime.

Ces difficultés économiques vont entraîner une résurrection de l’opposition politique.
Le 20 juillet 1962, les dirigeants du P.S.P appellent les commerçants à manifester leur hostilité à la réforme monétaire. Des manifestants accompagnés de badauds se dirigèrent vers le commissariat du premier arrondissement et l’ambassade de France en scandant : « A bas le franc malien, à bas Modibo, vive le Général de Gaulle ». La belle unité nationale proclamée en septembre 1960 semblait bien loin.
A la suite de ces manifestations, des responsables de l’opposition, Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko et Kassoum Touré, seront arrêtés, jugés et condamnés par un tribunal populaire. Ils mourront en 1964 dans des circonstances controversées.
Les abus et les exactions de la milice populaire  ont largement contribué à la désaffection  d’une partie de la population

Toutes les oppositions politiques n’étaient pas aussi affichées que celle du P.S.P.
Les tendances à l’intérieur du parti au pouvoir (l’U.S.R.D.A.) vont se manifester. L’aile droite du parti partisan d’une économie libérale va mener une campagne subversive qui va favoriser la destruction de la confiance populaire. L’aile gauche était animée essentiellement par le syndicat unique (U.N.T.M.) et le mouvement de la jeunesse organisé au sein de la J.U.S.-R.D.A.
Modibo Keita qui jouait le rôle d’arbitre, exprimait clairement ses préférences pour l’aile gauche.

La défaillance économique, La “guerre des clans”, la dégradation du militantisme, et la chute du Docteur Kwamé N’krumah vont entraîner la radicalisation du régime.

Le 1er mars 1966 est créé le Comité National de Défense de la Révolution (C.N.D.R.) doté des pleins pouvoirs.

En 1967 les jeunes de la J.U.S.R.D.A et les syndicalistes de l’U.N.T.M. vont organiser de gigantesques manifestations réclamant un assainissement des structures économiques et une épuration politique. Les municipalités dont la gestion était contestée seront dissoutes. Le conseil national des jeunes va déclencher “l’opération taxi” et “l’opération villa” : il s’agissait d’une campagne de saisie de véhicules et de lutte contre la spéculation foncière visant les agents de l’état qui présentaient des signes extérieurs de richesse.
Le 22 août 1967 commencera “l’an un de la révolution” et la prise en main du pouvoir par le C.N.D.R. : Dissolution du Bureau Politique National puis de l’Assemblée Nationale.

Quels furent les motivations et le rôle de Modibo Keita dans la création d’un C.N.D.R. doté du plein pouvoir ? En était-il “l’inspirateur”, comme le supposent ceux qui l’accusent d’avoir voulu “exercer un pouvoir personnel”, Ou, a-t-il -“parce qu’il voulait respecter la volonté populaire”, accédé à la demande des jeunes et des syndicats, comme l’affirment des témoins de l’époque ?

La non-satisfaction immédiate des aspirations matérielles des masses populaires, les abus et les exactions des structures d’encadrement comme la milice populaire ont entraîné la désaffection d’une partie du peuple.
Le revirement monétaire de 1967 pour mettre fin à la dégradation du franc malien ne permettra pas de redresser la situation. Bien au contraire : Les accords monétaires de 1967 entre le Mali et la France, (négociés par l’aile droite de l’US-RDA), étaient incontestablement un frein à l’expérience menée au Mali depuis 1960. En novembre 1968, le président Modibo Keita déclarait : « Les Accords de 1967 sont un piège. Il nous faut nous préparer à les rompre ». Mais certaines ” forces ” n’étaient pas disposées à le laisser faire : Le 19 novembre 1968 un coup d’état militaire mettra fin au régime.

Comme l’a constaté B. Nantet, ” Même si l’image de Modibo Keita a toujours été prestigieuse à l’extérieur du Mali, les difficultés économiques, la bureaucratisation grandissante et la mauvaise gestion administrative furent un obstacle à la participation de la majeure partie des couches populaires paysannes. La création d’une milice toute-puissante honnie du peuple et le départ de certains de ses compagnons en avaient fait un homme seul quand les militaires prirent le pouvoir.”

L’expérience menée au Mali de 1960 à 1968 est enrichissante. Le pays en a connu d’autres depuis. On peut raisonnablement penser que les Maliens sauront tirer toutes les leçons de leur histoire récente.
Le président Modibo Keita, premier président du Mali était un patriote émérite. Il avait une foi inébranlable au destin de son pays. Ses idéaux d’indépendance nationale, de justice sociale, de liberté et de paix constituent un message fort pour la jeunesse africaine.
En 1966 Modibo Keïta disait : « Si les idées pour lesquelles un leader a combattu se renforcent et se développent, je considère que c’est la plus grande récompense que puissent recevoir un militant, un leader ».

Dieudonné Tembely

Source : le griot.com

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1 commentaire

  1. Gloire eternelle aux pionniers qu'ils furent: Modibo Keita,Ahmed Sékou Touré,Gamal Abdel Nassr,Julius Nyerréré le Mwalimu,Kwamé NKrumah l'Osajifo et Mamadou Dia le grand Maodo.

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