Meurtres en série à Bamako : Le tueur de la Cité de la Solidarité faisait-il des sacrifices humains ?

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L’un des cadeaux de fin d’année le plus explosif que l’Epervier du Mandé, l’inspecteur de police Papa Mambi et ses cobras ont offert au Vautour des rails, le Contrôleur général de police Moussa Sissoko, chargé de la police du 3e arrondissement, est sans doute Youssouf Diarra, présumé auteur de plusieurs meurtres à travers la ville de Bamako. L’homme, réputé aussi féticheur, se serait curieusement débarrassé de certains de ses fétiches pour des raisons qu’il refuse de révéler. Que cache-t-il dans tout cela ?

Lâché par la baraka, c’est le vol d’un câble électrique sur un chantier de l’Entreprise Hydro-Elec-Mali, le jeudi, 9 novembre dernier qui a fait tomber le masque derrière lequel se cachait la vraie face de Youssouf Diarra. Conduit et mis à la disposition du commissariat de police du 3e arrondissement par le sieur Ibrahim Haïdara, un des responsables dudit chantier, pour flagrant délit de vol de câble, il est mis au frais pour les besoins de l’enquête. Dans le souci de faire toute la lumière sur cette affaire de vol qui se perpétue à la Cité de la Solidarité et alentours dans le secteur de Sotuba, le Contrôleur général de police Moussa Sissoko, le Vautour des rails aux ailes très habiles, confie le sort du nouveau venu à l’Epervier du Mandé, l’inspecteur principal de police Papa Mambi Keita et à ses cobras. Le phénoménal du Mandé prend personnellement l’affaire en main. Il sacrifie son sommeil en mettant en branle tous ses canaux d’informations pour mieux percer le mystère de son client. De plus en plus, les informations commencent à filtrer. Les premières indiquent que le suspect est un féticheur et qu’il est impliqué dans des sacrifices humains pour le compte d’une formation politique de la place et bien d’autres assoiffés du pouvoir. L’Epervier s’immobilise dans le ciel, vérifiant ces renseignements avec sagesse et sans passion pour ne pas se faire plomber les ailes. Il fait recours aux expériences de ses maîtres pour faire craquer son client.

Le vampire de Soun-Markala crache le morceau

D’interrogatoire en interrogatoire, Youssouf Diarra, âgé de plus de 40 ans, fils unique de sa mère, natif de Soun-Markala, un petit village situé dans la préfecture de Macina en quatrième région, de feu Mama et de Mariam Tangara, domicilié à Sotuba-Koda, n’en peut plus. Finalement, du vol de câble sur le chantier où il est employé en qualité de maçon, il y a de cela un an et trois mois, il avoue avoir participé au meurtre d’un gardien dans un autre chantier aux alentours de la Cité de la Solidarité à Sotuba. D’après lui, dans la journée du 19 au 20 octobre dernier, il s’est rendu sur le chantier du Contrôleur des Douanes Salif Konaté en service à la Brigade mobile d’intervention (BIM) en compagnie de Tidiane Nimaga dit Tidianeba, un certain Vieux fing et un autre répondant au nom de Vieux sans d’autres précisions pour voler des fers.  Mais, quelques heures auparavant, ils avaient pris soin de faire fumer par le gardien ciblé, quelques boules de chanvre indien. Il s’agit de Nati Koka, de nationalité burkinabé. La nuit, ayant constaté que le pauvre était plongé dans un sommeil profond du fait de l’effet de la drogue, ils déclenchent leur opération au cours de laquelle ils écrasent sa tête avant de s’emparer de toutes les barres de fer et d’une roue de brouette qui se trouvaient dans la cour, trois brouettes et deux autres roues de brouette sur un chantier voisin. Ils acheminent leur butin chez leur receleur principal Moussa Dégoga au marché de Médine où des objets volés à travers le district de Bamako pleuvent comme une pluie torrentielle. Poursuivant toujours, Youssouf Diarra déclare avoir tué un autre gardien avec la même bande dans le chantier des Chinois à côté de la Cité de la Solidarité. Au cours de l’opération, ils ont lié les pieds et les mains de leur proie avant de l’attacher à un banc. Tidiane Nimaga pulvérise son visage avec du gaz asphyxiant. Le gardien dont l’identité n’a pas été révélée, meurt des suites de ses blessures.

Cinq ans après l’assassinat d’une jeune fille…

Youssouf DiarraYoussouf Diarra, comme une vieille sorcière en détresse ne finit pas de confesser. Au cours de l’enquête de l’Epervier du Mandé, il affirme avoir tué puis violé une jeune fille aux alentours des « 300 logements » en Commune V. Grâce à la photo de la victime publiée dans Kabako N°269 du 21 septembre 2001, Youssouf Diarra pète les plombs. Il se met à revivre le film de l’évènement sans frémir et sans se tromper. A l’époque, l’affaire a été diligentée par le commissariat de police du 4e arrondissement. Tout est parti de la matinée du 10 août 2001. Le corps d’une jeune fille non identifiée a été retrouvé abandonné dans la cour du centre de santé de référence de la Commune V. Des agents de santé de permanence n’ont pas pris soin de prendre l’identité de ceux qui l’ont amené et de relever le numéro de la sotrama à bord de laquelle le corps se trouvait. Les responsables médicaux informent les autorités policières du 4e arrondissement. Le commissaire divisionnaire de police Yacouba Tounkara, alors chargé de cette unité de police, non content de la négligence des agents de santé, décline l’offre. L’incident éclate entre les responsables des deux services. Mais, il est vite clos grâce à l’intervention de Taïcha Maïga alors procureur de la République près le tribunal de la Commune V. Ce qui amène le divisionnaire Tounkara à prendre l’affaire à bras le corps. Il commet son chef de police judiciaire, l’inspecteur de police de classe exceptionnelle Samankoro Diarra, actuellement commissaire de police pour diligenter l’enquête. Un mois durant, malgré des avis lancés sur la radiodiffusion nationale et la publication de la photo de la victime dans Kabako, aucune réaction n’est enregistrée à la police.

Finalement, le vendredi, 31 août 2001 le corps est mis à la disposition de la pompe funèbre de la voirie municipale pour inhumation. Youssouf Diarra garde le silence cinq ans durant jusqu’au 10 novembre 2006 date à laquelle l’œil de la jeune fille le fixe sans le quitter dans le bureau de son poursuivant de policier. La suite est connue. Il confesse ce énième meurtre. D’après Youssouf Diarra, la demoiselle s’appellait Bintou Traoré. Il l’a connue à Sabalibougou. Il tombe amoureux d’elle. Malgré ses multiples sollicitations de « voyager dans le ciel », la demoiselle n’a pas donné une suite favorable à sa demande sous le prétexte qu’elle souffre d’une maladie non spécifiée. Finalement, il s’érige en grand thérapeute traditionnel, capable de guérir la jeune fille. Il invite nuitamment sa cible aux alentours des « 300 logements » non loin du parc à bétail. A leur arrivée, profitant du noir qui règne sur les lieux, le faux guérisseur fait semblant de passer une décoction sur le corps de la jeune fille. Subitement, la libido de Youssouf monte d’un cran. Il devient fou de rage. Comme un dément, il se jette sur sa proie, en s’agrippant à sa gorge jusqu’à ce que mort s’en suive. Qu’à cela ne tienne, l’enfant de Soun-Markala ne lâche pas prise. Il se débarrasse de son pantalon et fait des relations sexuelles avec le cadavre de Bintou Traoré. Après son double crime, il se fait aider par un chauffeur de sotrama pour le jeter dans la cour du centre de santé de référence de la Commune V. Cette révélation on ne peut plus tonique, provoque un silence de mort au sein des policiers qui se demandent si l’enfant de Soun-Markala jouit réellement de toutes ses facultés mentales. Les policiers procèdent à la reconstitution de tous ces faits sous les yeux impitoyables du meurtrier en série. Son arrestation a fait un heureux. Il s’agit du patron du regretté Nati Koka.

Les larmes du douanier

Si quelqu’un doit rendre grâce à Dieu, c’est bien sûr le contrôleur des Douanes Salif Konaté. Dès l’annonce de l’arrestation d’un voleur à la Cité de la Solidarité, il s’est précipité au commissariat de police du 3e arrondissement pour expliquer ce qui est arrivé à son gardien burkinabé, le sieur Nati Koka. Il faillit tomber en syncope lorsqu’il apprit que le suspect est impliqué dans le meurtre de son gardien. Il fond en larmes, non pas pour la trouvaille du meurtrier de son gardien, mais pour son arrestation injustifiée par le commissariat de police du 12e arrondissement dans le cadre d’une certaine enquête de nature à entamer sa dignité et son honorabilité.  N’eût été la main généreuse du Directeur général adjoint de la police nationale, le Contrôleur général de police Niamé Keita, le pauvre douanier allait encore vivre des heures d’enfer dans ce commissariat. Il explique qu’après qu’il a été informé du drame par un ami de son gardien, il s’est rendu au 12e arrondissement pour faire la déclaration. Ensuite, il s’est fait accompagner sur les lieux par deux agents pour constater les faits avant d’évacuer le corps à la morgue de l’hôpital Gabriel Touré pour les besoins de l’autopsie. Ce travail terminé, avec l’autorisation des parents du défunt, il a organisé son inhumation au cimetière de Sotuba.

Des cadavres sur les traces du présumé ?

Youssouf Diarra a-t-il dit réellement toute la vérité à la police sur les crimes de sang qu’il a commis à travers la ville de Bamako, seul ou avec une bande ? Tout récemment, un jeune Dogon avait été retrouvé la gorge tranchée sur les rails au niveau du quartier populaire de Bakaribougou en Commune II. La police du 3e arrondissement territorialement compétente ayant ouvert une enquête pour la circonstance ne parvient pas à percer le mystère des auteurs. Malgré tout, elle se bat toujours comme elle le peut pour faire la lumière sur ce crime abominable. Visiblement, le sang de la victime a été cueilli pour des fins sacrificielles. Sans faire porter le chapeau à Youssouf Diarra, ce dernier, d’après des sources proches de son entourage, est capable de boire du sang humain. Pour sa cruauté, sa femme l’aurait abandonné pour rejoindre ses parents dans son village. Le Contrôleur général de police Moussa Sissoko a tout de même ordonné à sa brigade de recherche une perquisition digne de ce nom au domicile du tueur. Celle-ci consistera à rassembler fétiches, gris-gris et autres objets du suspect pour les amener à la police pour une étude bien approfondie. Le jeu en vaut la chandelle. Interrogé sur la nature de ses fétiches, Youssouf Diarra explique avoir hérité de certains gris-gris de son feu père et d’autres des marabouts et féticheurs à Bamako. Ils ne servent ni à voler ni à tuer, mais plutôt à avoir de l’argent et de se protéger contre l’homme méchant. Youssouf Diarra est-il convaincant ? Commérages ! Le présumé souffre visiblement de la mythomanie. Tantôt l’homme nie en bloc tous les faits qu’il a reconnus, tantôt il joue au détraqué mental pour avoir un passage à travers les mailles des policiers. Mais, c’est sans compter que ces derniers sont habitués à ce genre de chanson. En tout cas, la piste Youssouf Diarra paraît intéressante. Elle peut amener sans doute les enquêteurs à d’autres exploits, mais aussi à des zones difficilement remuables, s’il s’avère que certains politiques ont eu recours à ses services pour des pratiques occultes avec le sang humain.                               

O. BOUARE

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