Insécurité à Kalaban-Coro (suite) : La gendarmerie pour chasser des oiseaux !

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L’on ne parlera jamais assez de l’insécurité à Bamako et environs. Dans notre livraison n°89 paru le mardi, nous y avions consacré un article sur une bande à trois qui sème la terreur à kalaban-Coro. Il y’a en a pire. Car, c’est l’inertie des deux brigades de gendarmerie de la localité qui est sur toutes les langues.

 

Kalaban-Coro, une commune rurale relevant du cercle de Kat, jadis un village Bambara du cercle de Kati, vivant d’agriculture, d’élevage, de pêche et de petit commerce dans l’agglomération de Bamako pour approvisionner la capitale en produit agro-pastoral, est devenu un gros quartier incrusté dans les entrailles du sud-est de la capitale. Il abrite une masse critique de la population de la capitale (fonctionnaires, riches commerçants, etc.) évoluant dans les secteurs (formel de l’Etat et du privé) et informel. Le quartier, ainsi rempli de nantis fonctionnaires et de richissimes commerçants de la place, a suscité la convoitise de tous les malfrats, qui ont élu domicile à cause non seulement de son éloignement, mais de la géographie accidentée du quartier. Il est installé sur une succession d’élévations entre coupées par des grands arbres fruitiers (des manguiers) en témoignage du passé agricole du quartier. Il avait été conçu par les urbanistes de la 2ème République comme un quartier à vocation agro-pastorale pour l’approvisionnement de la capitale en produits alimentaires (légumes frais, fruits et produits laitiers, etc.).

La jadis havre de l’autosuffisance-alimentaire est devenu un cauchemar pour ses habitants, qui ne dorment désormais que d’un œil ouvert. En attendant, ce sont des malfrats de tout acabit qui y ont érigé leur quartier général.

Selon notre interlocutrice, qui nous a appelé à l’aide de la ligne fixe de son bureau, le mercredi dernier aux environs de 14 heures, vivre à Kalaban-Coro de nos jours relève d’un calvaire, à cause de l’insécurité grandissante. C’est presque à visage découvert que les bandits opèrent dans le quartier sans inquiétude. L’installation de deux brigades de gendarmerie dans le quartier n’a rien servi. Selon elle, les gendarmes s’occupent plus des jeunes et des visiteurs non avertis qui arrivent dans le quartier, dépourvus de leur pièce d’identité. Selon notre interlocutrice, qui a requis l’anonymat, de crainte pour sa vie dans le quartier, la patrouille de la gendarmerie ressemble plus à une raquette qu’à la traque des malfrats. Les hommes au béret  vert foncé s’intéressent plus à la rançon récupérée sur les pauvres citoyens qu’aux voleurs, au sujet desquels ils ont été déployés. « Ils commencent et terminent la rafle entre 21 heures et 23 heures au maximum, tandis que les bandits commencent à opérer au-delà de 00 heures » témoigne-t-elle. Selon notre interlocutrice, la patrouille prématurée de la gendarmerie ne permet plus aux parents d’envoyer leurs enfants en commission hors de la maison à partir de 21 heures. Sinon, ils se feront appréhendés par les gendarmes et pour les relaxer, il faut débourser 3000 Fcfa par individu à la brigade et discutable en cours de chemin. Le prix est fixé en ce moment à la tête du client.

Pendant ce temps, les malfrats se reposent tranquille dans leur nid avant l’heure du travail. Selon notre source, les voleurs, qui opèrent en terrain conquis, s’offrent même le luxe de se faire annoncer à leurs hôtes. Ils se font signaler en écrasant l’ampoule du lampadaire, qui éclaire la zone. Ils profitent ainsi de  l’obscurité pour rendre visite à leur hôte avec aisance. Sous la menace de l’arme à feu, celui-ci est obligé de coopérer. A la moindre résistance, il risque de se faire buter. Les malfrats s’y promènent avec tout un arsenal de guerre. Tout le quartier est soumis à la pression, exceptée une seule rue. Celle-ci abrite un agent de l’Energie du Mali (EDM-SA), qui a installé sur son toit en étage deux grands projecteurs qui éclairent toute la rue. La lumière émise par les deux projecteurs déborde sur la rue voisine qu’elle éclaire jusqu’à la moitié. On s’y croirait en plein jour, commente notre source. La consommation mensuelle des deux ampoules est estimée à environ 75 000 Fcfa selon son propriétaire, a expliqué notre source. Hormis les habitants de cette rue,  les autres sont à la merci des malfrats qui opèrent à visage découvert.

« On nous a dit qu’à cause de la taille du quartier, les autorités ont été obligées de doubler la brigade de gendarmerie. Mais, nous avons l’impression, que les gendarmes ne sont pas là pour nous protéger… », a-t-elle regretté d’un ton émouvant et pitoyable.

Il urge que les autorités se penchent particulièrement sur la situation à Kalabancoro. Surtout, le quartier souffre d’énormes problèmes de communication par voie terrestre. Le quartier est traversé par une seule route goudronnée. Les pistes intérieures sont complètement abîmées du fait de l’érosion hydrique. Le quartier manque aussi de voirie d’assainissement. Il n’y a pas un seul canal de drainage des eaux de ruissellement. Conséquence, les rues sont escamotés par de profonds nids d’oiseaux rendant difficile la circulation des engins à quatre roues. « Faute de routes praticables, mon patron m’autorise le retard à chaque fois qu’il pleut. » a-t-elle expliqué. Autant de raisons qui expliquent l’audace des bandits, qui n’ont peur de rien.

(Affaire à suivre)

Modibo Dolo & Mohamed A. Diakité

 

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