Crime crapuleux : Un apprenti fait tuer son patron par deux mercenaires

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Déclaré porté disparu, le corps d’un tôlier-soudeur, âgé de 35 ans, a été retrouvé au fond d’un puits perdu dans un champ à Sirakoro-Méguétan, par la police du 7e arrondissement, le samedi 2 août dernier. Le commanditaire et les deux mercenaires dont il a loué les services, ont vite été arrêtés et écroués à la police pour les besoins de l’enquête. Le voile se lève ainsi sur un crime terrifiant qui a jeté l’émoi chez les populations de la Commune VI et celles de Sirakoro-Méguétan.

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Les faits sont on ne peut plus révoltants. Ils remontent au soir du lundi 30 juillet dernier. Le sieur Daba Traoré, soudeur de son état, marié et père de quatre enfants, domicilié à Magnambougou, car c’est de lui qu’il s’agit, voulait acheter une parcelle lotie à usage d’habitation à Tabakoro, dans le cercle de Kati. Comme à l’accoutumée, la nuit du lundi, il demande à son apprenti et confident, Mamadou dit Madou Traoré de l’accompagner auxdits lieux, tôt dans la matinée du lendemain, mardi 31 juillet dernier. Il compte prendre avec son épouse, la somme de 500.000FCFA à 750.000FCFA pour la circonstance, confie-t-il à son apprenti.

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Madou Traoré qui rêvait de posséder depuis plusieurs mois une moto Jakarta comme certains de ses camarades de Sirakoro-Méguétan, pense aussitôt à un complot contre son patron. Il nourrit l’idée de le tuer au cours de leur voyage et de le déposséder de son argent pour s’acheter une Jakarta neuve. La même nuit, il approche un de ses amis, répondant au nom de Zoumana connu sous le nom de Wah Traoré, domicilié à Sirakoro-Méguétan. A celui-ci, il explique son intention d’éliminer physiquement son patron pour s’accaparer de l’argent avec lequel il se propose d’acheter un lopin de terre tôt dans la matinée du mardi 31 juillet 2007 à Tabakoro. Il demande l’aide de ce dernier pour réaliser son rêve.

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Wah Traoré accepte l’offre. Celui-ci demande à son tour de se faire seconder dans cette mission par Hamidou Traoré, un délinquant notoire, capable de se désaltérer avec du sang humain. Comme on pouvait déjà l’imaginer, ce dernier donne son accord à son ami. En attendant l’heure fatidique, Madou et Wah montent la stratégie par laquelle Daba Traoré sera littéralement abattu. Il n’était pas question d’échouer au risque de s’exiler sur une autre planète. La stratégie consistait à placer Wah et Hamidou Traoré dans un coin discret sur la piste menant de Sirakoro à Tabakoro. Ces deux hommes s’attaquent à la cible avec des armes blanches dès qu’elle arrive sur sa moto à leur hauteur, en compagnie de Madou.

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Le plan ainsi monté, Wah et Madou prennent du thé ensemble jusqu’à une heure tardive dans la nuit. Madou préfère alors passer le reste de la nuit chez Wah. Vers 5 heures du matin, son téléphone sonne. C’est Daba Traoré qui lui annonce son arrivée. Madou se précipite dans sa chambre pour faire semblant de dormir en attendant l’arrivée de sa future victime. Quelques minutes plus tard, Daba Traoré frappe à la porte de son apprenti. La mère de Madou le réveille. Le vrai faux dormeur rejoint son patron. Les deux hommes quittent Sirakoro-Méguétan à destination de Tabakoro.

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Daba rencontre la mort à Bogola

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Daba Traoré transporte Madou Traoré sur sa moto pour se rendre à Tabakoro entre 5 heures et 6 heures du matin. Sur le chemin, ils rencontrent une connaissance qui les a salués avant de continuer sa route. Peu de temps après, à côté d’un ravin, non loin du champ de Salif Traoré, oncle paternel de Madou, Daba tombe dans une embuscade que ses agresseurs lui avaient tendue avec la complicité de son accompagnateur. Selon Madou, Wah Traoré l’accroche avec un gourdin en lui assénant un coup violent sur sa nuque. Et Hamidou Traoré d’enchaîner en lui donnant un coup de coupe-coupe sur son front. Le pauvre lance le seul cri « hé Allah » avant de s’affaisser.

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Aussitôt, Hamidou Traoré met autour du cou de la victime une ceinture de sécurité d’une voiture qu’il avait en poche. Comme un chien, ils le traînent par terre sur une longue distance pour le jeter au fond d’un puits perdu dans le champ de Salif Traoré. Mais auparavant, Madou instruit à ses deux mercenaires de fouiller dans les poches du défunt pour enlever l’argent qu’il porte sur lui. Wah palpe ses poches et découvre sur lui un portefeuille qu’il remet aussitôt à Madou avant de fouiller dans les autres poches. Ce dernier profite de l’inattention de ses compagnons pour empocher la somme de 500.000FCFA que la victime avait enrôlée dans du plastique. Hamidou, de son côté, arrache son téléphone accroché à la ceinture.

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Après ce travail, ils jettent le corps dans le puits profond de plus de trois mètres. Le partage du butin n’aura pas lieu, car Madou qui s’était taillé la part du lion, remet à ses barbouzes le portefeuille qui ne contenait que la modique somme de 250.000FCFA. Wah et Hamidou Traoré sautent de joie pour avoir gagné cette somme qui vaut de l’or en cette période de vache maigre. Ils vident alors les lieux. Madou regagne sa famille avec la moto de la victime pendant que ses complices rentrent à la maison à pied pour ne pas éveiller sur eux les soupçons des curieux de Sirakoro-Méguétan ou autres connaissances de leur victime.

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Peu après son arrivée chez ses parents, la mère de Madou lui demande d’apporter le repas à son père adoptif au champ (il faut préciser que le père de Madou est décédé. Après la mort de ce dernier, sa mère a été remariée à son oncle paternel, Salif Traoré). Il refuse net sous prétexte que son ami Hamidou Traoré l’attendait au marché. Sur ces mots, il enfourche sa moto pour rejoindre ses deux complices pour décider du sort de la moto de feu Daba Traoré. Wah et Hamidou lui laissent le soin de s’occuper d’elle, car ils risquent de faire lever le lièvre si les parents ou autres connaissances de la victime la verraient avec eux. Madou qui ne tarit pas de moyens, conduit la fameuse moto pour aller l’abandonner au pied d’un mur dans le domaine de l’Energie du Mali SA, derrière le village de Sirakoro-Méguétan.

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Daba Traoré déclaré porté disparu

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Durant la journée du mardi 31 juillet dernier, Daba Traoré n’a pas donné signe de vie. Idem la nuit. L’inquiétude de ses parents devient de plus en plus grande. Tout travail cessant, ces derniers se lancent à sa recherche. Ils fouillent dans tous les coins que le disparu fréquente à Bamako. Mais en vain. Finalement, ils demandent à Madou qui a été la dernière personne avec laquelle il est sorti. Madou déclare aux parents de Daba que ce dernier serait parti pour l’Espagne. Il lui aurait demandé de  ne rien dire à personne. Les frères de Daba et les parents de Madou ne le croient pas. Leur doute se renforce sur Madou lorsqu’ils l’ont aperçu sur une moto Jakarta neuve qu’il venait juste d’acheter. Pour avoir le cœur net, Bakary Traoré, un frère de Daba Traoré, se fait accompagner par le suspect numéro un au commissariat de police du 7e arrondissement.

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Les agents du poste de police les orientent sur la section de la brigade de recherche. Bakary Traoré explique à l’inspecteur divisionnaire de police Oumar Sangaré dit Abos, chef de la brigade de recherche, les circonstances obscures dans lesquelles son frère Daba Traoré a été porté disparu dans la matinée du 31 juillet dernier. Il dénonce Madou Traoré comme étant la dernière personne avec laquelle son frère se trouvait au moment de sa disparition. L’officier de police en informe son chef hiérarchique, le commissaire divisionnaire de police Bakary Koné. Celui-ci décide de l’ouverture immédiate d’une enquête et de l’arrestation de Madou Traoré pour vérification d’identité.

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La brigade de recherche brise le mystère

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L’inspecteur divisionnaire de police Oumar Sangaré dit Abos, après les formalités administratives, et ses redoutables éléments entrent en action. Ils soumettent le jeune Madou Traoré au traditionnel interrogatoire au cours duquel celui-ci se rebiffe du fait de la gravité de l’acte. Devant ce refus de collaborer du suspect, Abos et ses hommes procèdent à une enquête de proximité. Ils étendent leurs ramifications de Magnambougou à Sirakoro-Méguétan. Ils envahissent le terrain, fouinent en ne négligeant le moindre détail. Il s’agit pour Abos et ses hommes de briser le mystère qui entoure cette affaire hautement gravissime. Au bout de deux jours, l’horizon s’éclaircit pour eux. Tous les recoupements faits sur le terrain focalisent sur Madou Traoré. Ils interrogent à nouveau le suspect. Dans la nuit du vendredi 2 au samedi 3 août dernier, l’ombre de Daba ne cessait de planer sur Madou. Ne pouvant plus supporter, il lâche le morceau. Il déclare avoir assassiné son patron en complicité avec Wah Traoré et Hamidou Traoré, tous domiciliés à Sirakoro-Méguétan.

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Comme si cela ne lui suffit pas, il décrit aux enquêteurs le film du crime avant de leur indiquer l’endroit où le corps a été jeté. Abos et ses hommes lancent un grand ouf de soulagement. Ils informent leur hiérarchie de cette révélation de taille. Dans la matinée du samedi 3 août, Madou accepte de conduire les policiers au puits dans lequel le corps de Daba a été jeté. Au même moment, Wah Traoré est mis hors d’état de nuire et conduit à la police. Toute autre activité cessante, le commissaire divisionnaire de police Bakary Koné avise le procureur de la République près le tribunal de la Commune VI et le Directeur régional de la police avant de prendre la tête des opérations d’extraction du corps du puits.

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Aux environs de 12 heures, il se fait accompagner par tous les éléments de la brigade de recherche et certains de la brigade de service du poste de police, du médecin légiste du centre de santé de référence de la Commune VI, Dr Fousseyni Minta et d’une forte équipe de la protection civile de Sogoniko composée du sous-lieutenant Dramane Diallo, sergent chef Mamadou Sacko, Sergent Fama Coulibaly, Sergent Tiécoura I. Samaké et Sergent Seydou Guindo. Ils avaient à côté, le suspect numéro un Madou Traoré.

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Des parents, amis et proches de la victime avaient aussi fait le déplacement. Kabako y était également. Les éléments de la Protection civile, avec un professionnalisme digne de leur rang, réussissent à extraire le corps du pauvre du puits. Les siens présents sur les lieux n’ont pas pu retenir leurs larmes. La police et le médecin légiste procèdent aussitôt à leurs constats avant de remettre le corps à ses parents pour l’inhumation. Vu l’état du corps, ces derniers l’enterrent sur place pendant que le divisionnaire de police Bakary Koné et son équipe regagnent leur base respective.

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Le lendemain, les éléments de la brigade de recherche mettent le grappin sur Hamidou Traoré. Ils retrouvent également la moto de la victime avec la brigade territoriale de gendarmerie de Kalaban-Coro où son poste de contrôle basé à Sirakoro-Méguétan, l’avait amenée après qu’il l’a découverte abandonnée sur son territoire. S’agissant de Wah et Hamidou Traoré, ces derniers continuent à nier les faits qui leur sont reprochés. Ils ne cessent de clamer leur innocence. Pourquoi Madou les dénonce-t-il et pas d’autres jeunes de Sirakoro-Méguétan ?

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Les parents de Madou inconsolables

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Depuis l’annonce de la disparition de Daba Traoré, l’oncle paternel de Madou Traoré n’a cessé d’implorer Dieu dans ses prières pour que toute la lumière soit. En un seul instant, il n’a pas eu confiance à son neveu qui, dans ces deux jours, avait entrepris des travaux de réfection de sa chambre et avait acheté une nouvelle moto. Pour lui, Daba Traoré se chargeait de toutes les dépenses de sa famille. Il leur donnait vivre et argent. Il entretenait aussi son assassin comme un de ses propres frères.

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Selon Madou lui-même, il y a de cela 10 ans qu’il avait connu sa victime. Un jour, pendant que son ancien patron (un garagiste) le bastonnait, Daba est arrivé. Marqué par la violence faite au jeune garçon, il demande au geôlier de Madou Traoré de le lui confier. C’est ainsi que Daba le conduit dans son atelier pour lui apprendre le métier de soudeur. Au-delà de la relation patron-apprenti, les deux hommes étaient devenus des confidents voire des amis presque inséparables. C’était sans savoir que Madou Traoré allait le récompenser de la manière la plus tragique. Comme quoi dans la vie, il faut s’attendre à tout.

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O. BOUARE  

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